Publiée depuis 1948, la revue International Social Security Review (ISSR) est la plus importante publication trimestrielle internationale en matière de sécurité sociale dans le monde.
La tendance conservatrice qui se reflète dans les comportements sociaux à l'égard de l'Etat-providence se traduit par une population qui se positionne en faveur de l'aide sociale et des prestations de sécurité sociale traditionnelles, du versement de pensions considérablement plus élevées, ainsi que d'une hausse des dépenses publiques en matière de soins de santé. La crise financière de 2008 et la Grande Récession qui s'ensuivit ont exacerbé cette tendance. En effet, les stratégies de protection sociale orientées vers les « nouveaux » risques sociaux – changements structurels au regard des marchés du travail, évolution démographique, inégalité entre les sexes et instabilité familiale – ont recueilli un soutien relativement faible de la part de la population. Cette résistance au changement n'est guère surprenante dans la mesure où les réformes sont de plus en plus considérées par le public comme un moyen de réduire les dépenses, avec de véritables perdants et peu de bénéficiaires apparents. Cette situation met en lumière le fait que le courage politique suffit rarement à opérer des réformes structurelles de l'Etat-providence. Pour déployer un système de sécurité sociale plus « dynamique » dans les pays industrialisés au cours des deux prochaines décennies, il conviendra de définir clairement des objectifs à court et à long terme reposant sur des principes cohérents pouvant persuader le public et les citoyens d'accepter le changement.
Les Etats d'Afrique de l'Ouest reconnaissent l'importance de la protection sociale, ainsi que sa double fonction économique et sociale – une perspective qui coïncide pleinement avec le thème central de cette édition spéciale sur la sécurité sociale dynamique. Entre 2007 et 2013, ces Etats ont élaboré des politiques, des stratégies et des plans d'action nationaux en matière de protection sociale, et œuvrent actuellement à leur déploiement. Cet article passe en revue ces politiques (ou stratégies) nationales de protection sociale en place dans dix pays de la sous-région (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Ghana, Mali, Mauritanie, Nigeria, Niger, Sénégal et Togo) et présente leur contenu, en mettant en lumière certaines similarités au regard des approches adoptées dans leur développement. De façon plus spécifique, après avoir mené une étude diagnostique de la protection sociale dans leur pays, ces Etats ont suivi sept étapes distinctes: élaboration d'une vision nationale, définition précise de la protection sociale, établissement des principes sous-tendant ces futures politiques et, enfin, identification des objectifs généraux, des domaines clés et des mécanismes de mise en œuvre et de financement de leurs politiques nationales de protection sociale. En se basant sur ces différentes étapes, cette étude comparative entend mettre en lumière les principales tendances et éléments clés des politiques nationales de protection sociale, et réunir des bonnes pratiques en vue d'offrir une structure de base et des lignes directrices générales afin de développer une politique nationale de protection sociale, de mettre en place un socle de protection sociale, et de promouvoir l'accès à des niveaux de protection plus élevés.
Pour conclure cette double édition spéciale, cet article répond à quatre questions relatives à la quête stratégique de ce que l'AISS appelle la « sécurité sociale dynamique ». Sur la base des informations reprises dans les études de cas nationales présentées, les priorités des réformes des politiques de sécurité sociale varient en fonction du niveau de développement économique, de la maturité du système de sécurité sociale, ainsi que des obstacles rencontrés par l'économie politique. Sur cette toile de fond, on peut conclure que si les tendances générales en matière de réforme peuvent s'aligner sur les objectifs définis par la sécurité sociale dynamique, on observe toutefois d'importantes divergences – souvent justifiées – entre les pratiques nationales en matière de sécurité sociale.
Depuis le retour du Brésil à la démocratie, en 1985, le système national de protection sociale s'est davantage axé sur les groupes les plus défavorisés de la population, tout en renforçant l'accès universel. Dans un contexte de profondes inégalités, les autorités régionales ont joué un rôle bien plus important en vue d'atteindre la population dans son ensemble. Cependant, le modèle de protection sociale brésilien privilégie les transferts monétaires aux services sociaux et réduit les inégalités dans un contexte de marché du travail fortement inéquitable. Les stratégies reposant sur les transferts monétaires semblent s'essouffler car, par rapport aux résultats obtenus grâce à l'offre de services sociaux, il apparaît de façon évidente que ces méthodes ne constituent pas la façon la plus efficace de promouvoir l'égalité et de faire naître des opportunités. En outre, bien que des avancées considérables aient été réalisées pour combler ces inégalités, les prestations et les services n'intègrent toujours pas complètement les aspects souvent considérés comme inhérents à un Etat-providence ou à une « sécurité sociale dynamique ».
A l'instar du modèle de flexicurité du pays, les politiques du marché du travail danois ont été mises à l'honneur pendant les années 1990 lorsque, combinées aux politiques économiques, les politiques actives du marché du travail sont parvenues à revitaliser l'économie danoise et à réduire le chômage de 12 % à 1,4 % à la mi-2008. Cet article présente le contexte de ce développement et détaille les réformes récemment mises en place au Danemark, à la lumière des principales caractéristiques du modèle de flexicurité danois. L'investissement dans le capital humain et la décentralisation de la mise en œuvre des politiques ont jeté les bases du succès relatif des politiques danoises. Parmi les enseignements à tirer des développements de politiques au Danemark, citons notamment l'importance de la prise en compte des compétences individuelles et de l'expérience sur le marché du travail, ainsi que la nécessité d'adapter les politiques actives du marché du travail aux besoins des marchés du travail locaux. Cet article souligne le fait que les politiques danoises sont considérées comme des politiques structurelles qui cherchent à adapter les structures du marché du travail, le système de prestations sociales et le système éducatif aux défis de demain – et pour que les politiques structurelles portent leurs fruits, leur concomitance avec les politiques économiques revêt une importance de taille. Si cette concomitance est considérée comme ayant joué un rôle majeur dans les années 1990, il reste à déterminer si tel est également le cas pour les réformes les plus récentes.
Ce double numéro spécial de la Revue internationale de sécurité sociale est dédié aux rôles essentiels des systèmes de sécurité sociale dans la réalisation des objectifs économiques et sociaux, et ce, à la lumière du cadre conceptuel de la sécurité sociale dynamique. En 2007, l'Association internationale de la sécurité sociale a adopté le concept stratégique de « sécurité sociale dynamique » en vue d'orienter ses activités. Ce concept vise à influencer de façon positive deux aspects: les améliorations au regard de la couverture de la sécurité sociale, ainsi que les améliorations dans le domaine de l'administration de la sécurité sociale. Les différents articles de cette édition abordent principalement des questions relatives au premier aspect. Sur la base d'exemples nationaux, cette édition spéciale propose d'analyser ce concept stratégique et ses « dimensions », en tant que cadre permettant d'orienter le développement viable des systèmes de sécurité sociale.
Depuis la crise économique de 1997, la République de Corée a réalisé d'importantes avancées au regard de son système de sécurité sociale, parallèlement à une croissance économique relativement soutenue. Le système de sécurité sociale a été réformé pour revêtir un caractère plus redistributif et inclusif. Cependant, le pays a connu un creusement des inégalités et de la pauvreté – une situation qui soulève bien des préoccupations au regard de la viabilité de la croissance de l'économie nationale. La détérioration de l'aide sociale peut s'expliquer par les changements structurels socioéconomiques, dont la mondialisation, la post-industrialisation, ainsi que le vieillissement de la population. Autre cause majeure : le système de sécurité sociale n'est pas parvenu à combler de façon efficace le fossé croissant des inégalités reflétant le dualisme du marché du travail. En effet, de nombreux travailleurs irréguliers ou indépendants ne sont pas couverts par les programmes de sécurité sociale. Au vu des difficultés institutionnelles que rencontre le système de sécurité sociale face à l'augmentation des risques sociaux due aux changements socioéconomiques et structurels, il s'avère nécessaire d'instaurer une réforme en vue de renforcer la cohésion sociale face aux inégalités croissantes du marché du travail. Dès lors, la « sécurité sociale dynamique » se doit de proposer des bases institutionnelles venant soutenir une relation vertueuse entre la croissance économique et la répartition.
Le cadre conceptuel de sécurité sociale dynamique de l'Association internationale de la sécurité sociale (AISS) a été développé comme un outil permettant d'identifier et d'analyser les défis actuels et futurs au regard des politiques et pratiques administratives en matière de sécurité sociale, ainsi que de guider les décideurs politiques dans la mise au point de réponses efficaces et viables pour relever ces défis. L'objectif fondamental à plus long terme de ce cadre vise à étendre la couverture de la sécurité sociale à tous, par le biais du développement de systèmes de sécurité sociale efficaces contribuant à l'édification de sociétés inclusives sur le plan social et productives d'un point de vue économique. Comme l'a révélé une analyse des priorités de travail de l'AISS, les perceptions de ce cadre ont évolué au fil du temps. Dans certains cas, l'Association a accordé une plus grande importance à l'analyse des politiques, principalement en vue d'appuyer l'objectif d'extension de la couverture. Plus récemment, l'accent a été placé sur la nécessité pratique de soutenir le développement d'administrations de la sécurité sociale plus performantes – qui constitue l'une des missions fondamentales de l'AISS. En tentant d'identifier les défis à venir (mégatendances) susceptibles d'avoir un impact négatif sur les programmes et administrations de sécurité sociale, ainsi que pour mettre au point des réponses adéquates en vue de relever ces défis, l'AISS ne doit pas perdre de vue le fait que la sécurité sociale dynamique endosse non seulement un rôle analytique, mais également pratique.