Entrevue avec Brenda Morin, Présidente-directrice générale, Agence de protection sociale, Seychelles, à l’occasion de la Journée internationale de la femme célébrée le 8 mars 2024.
Quels sont, selon vous, les principaux obstacles à l’égalité entre les femmes et les hommes aujourd’hui?
Les femmes représentent 89 pour cent du personnel de l’Agence de protection sociale. Aux Seychelles, il est considéré comme normal que les femmes travaillent dans des institutions offrant des services sociaux plutôt que dans des secteurs comportant des travaux physiquement pénibles, qui attirent surtout les hommes.
Je peux dire qu’au fil des années, les Seychelles ont compris combien le rôle de femmes dotées d’un pouvoir d’agir est décisif dans le développement d’une société. Aux Seychelles, la plupart des femmes sont à la tête d’une famille du fait qu’historiquement, la société est matriarcale. Toutefois, comme le reste du monde, le pays n’est pas épargné par des phénomènes qui ont un impact sur leur vie, comme la toxicomanie, la violence domestique et les grossesses chez les adolescentes. En l’absence de soutien, ces phénomènes peuvent être lourds de conséquences pour certaines femmes.
À mes yeux, le principal obstacle à l’égalité des genres aux Seychelles est l’absence de données statistiques permettant de comprendre en profondeur la situation et les corrélations entre la situation des femmes et celle des hommes. Un gouvernement doit en effet pouvoir disposer d’analyses fiables et récentes pour pouvoir prendre, en pleine connaissance de cause et au moment opportun, les mesures nécessaires pour garantir l’égalité des genres. Il s’agit là d’un aspect crucial pour le développement futur du pays.
Lorsque vous entendez le thème de cette année «Investir dans les femmes», quelles mesures possibles vous viennent à l’esprit pour accélérer les progrès?
Investir dans les femmes suppose d’investir dans l’infrastructure technologique. Une société tournée vers l’avenir ne peut pas réussir sa transition sans le numérique. Le numérique est un moyen d’offrir aux femmes des services d’aide modernes et innovants avec plus d’efficacité et au moment où elles en ont besoin.
Il permet aussi de disposer de données fiables et récentes pour réaliser les analyses nécessaires à l’adoption de lois et politiques visant à favoriser le développement des femmes aux Seychelles.
Je suis donc particulièrement heureuse que le gouvernement actuel ait fait le choix du numérique. Depuis 2022, le ministre des Finances, de la Planification nationale et du Commerce est à la tête d’un comité directeur chargé d’élaborer une stratégie nationale pour l’économie numérique, qui servira de feuille de route.
Comment le système de sécurité sociale de votre pays peut-il renforcer son rôle de catalyseur de l’égalité entre les femmes et les hommes?
La Banque mondiale a conduit une étude dans laquelle elle décrit le système de sécurité sociale des Seychelles comme complet mais fragmenté. L’Agence de protection sociale est chargée de la mise en œuvre de la plupart des programmes de protection sociale, depuis les programmes de pensions universelles jusqu’aux programmes d’aide sociale. Toutefois, certains dispositifs de moindre envergure relèvent d’autres ministères. Du fait de cette fragmentation, il n’existe pas de coordination systématique entre les programmes, ce qui en limite l’efficacité et l’efficience.
À la suite de l’étude précitée, en 2020, les Seychelles ont bénéficié d’un programme d’assistance financière de la Banque mondiale devant les aider à réformer en profondeur leur système de protection sociale sur trois années. Depuis que le processus de réforme a démarré, l’Agence de la protection sociale a fait d’énormes progrès s’agissant du dialogue avec les parties prenantes lorsqu’elle fournit des services d’aide sociale. Elle est à la hauteur de sa devise «Empowering you to empower yourself» («Nous vous aidons pour vous rendre autonomes»). Ce processus a abouti à un meilleur ciblage de l’ensemble des prestations financières et a permis de favoriser l’exercice d’une activité professionnelle.
En 2022, le montant de la prestation d’aide sociale a été majoré de 32 pour cent, ce qui a eu un impact positif sur les familles monoparentales, dirigées par des femmes. De surcroît, en janvier 2024, huit prestations légales principalement destinées aux femmes et aux enfants ont été sensiblement revalorisées et une nouvelle prestation légale a été créée en faveur des femmes en cas de naissance multiple.
Cette année, l’Agence de la protection sociale effectue sa transition numérique pour devenir un service moderne. Une plateforme permettra aux bénéficiaires des divers programmes d’accéder plus facilement à des services de qualité au moment où ils en ont besoin.
Quel message adressez-vous à tous les membres de l’AISS à l’occasion de la Journée internationale de la femme?
Mon message est très court... Les femmes sont le berceau de l’avenir. Pour le bien de l’humanité, il faut donc en prendre soin, les former et renforcer leur pouvoir d’agir.