À mesure qu’elles enrichissent leur offre de services numériques, les institutions de sécurité sociale s’orientent vers la conception centrée sur l’usager et vers des méthodes agiles pour pouvoir proposer des services axés sur l’humain. Cet article, qui présente des expériences récentes, met en lumière l’importance de ces approches. Il décrit aussi les difficultés auxquelles leur mise en œuvre peut se heurter et les moyens envisageables pour y remédier.
Jusqu’à présent, les institutions de sécurité sociale ont réussi à mettre en place des services numériques, mais ceux-ci s’adressaient en général à des personnes dotées de bonnes compétences techniques. Les usagers, par exemple les employeurs et le personnel interne aux organisations, ont tiré parti de la numérisation parce que ces nouveaux services avaient des effets positifs largement supérieurs au coût de l’investissement nécessaire à la création ou à l’adaptation de l’écosystème.
Ces quelque vingt dernières années, pour déployer des services destinés aux particuliers, les institutions se sont bien souvent fondées sur les besoins des clients tels que perçus par les agents de la sécurité sociale. La première génération de services numériques a été conçue en fonction des besoins, processus et fonctions des prestataires de services, autrement dit des organismes publics. La transformation a donc dans une large mesure consisté à automatiser des services existants et à numériser des dossiers papier dans le but de gagner en efficience.
Cette stratégie a certes permis aux institutions de sécurité sociale de toucher une grande partie de la population, mais elle reposait sur l’hypothèse que les usagers maîtrisaient suffisamment le numérique pour accéder aux services. Ces cinq dernières années, ces institutions ont évolué et ont commencé à prendre en compte la diversité et la spécificité des besoins, de même que les différents niveaux de compétences numériques, et à concevoir les services numériques en fonction des caractéristiques des usagers. Ce changement de cap les a conduites à renoncer à une approche standard au profit d’approches «centrées sur le client» consistant à concevoir des solutions qui placent les individus au cœur de services adaptés à différents publics.
Bien que la crise de la COVID-19 ait accéléré la transition numérique et la numérisation des services, la question de l’utilisation de ces services par les citoyens a toujours constitué un défi, même dans les pays avancés (Welby et Hui Yan Tan, 2022), ce qui s’explique souvent par le fait que ces services numériques n’ont pas été conçus en fonction des besoins des citoyens. Ainsi, seulement 50 pour cent des répondants à une enquête menée auprès de 24 500 personnes dans 36 pays après la survenue de la pandémie de COVID-19, en 2020, ont répondu que les services en ligne répondaient à la totalité ou à la plupart de leurs besoins. En réalité, sept usagers sur dix ont rencontré des difficultés dans le cadre de leur dernière interaction en ligne avec l’administration publique (Mailes, Carrasco et Arcuri, 2021).
Dans ce contexte, de plus en plus d’organismes publics s’éloignent d’un modèle dans lequel la transformation numérique s’effectue en fonction des besoins de l’administration au profit d’approches axées sur les citoyens (OCDE, 2009; Banque mondiale, 2022). La conception de services centrée sur les usagers repose sur la prise en compte de la diversité des besoins de différentes catégories d’utilisateurs. Elle implique que les organismes publics collaborent étroitement avec les utilisateurs pour coconcevoir les services, les prototyper, les tester et les déployer à grande échelle. La recherche montre que ce type d’approche est un moyen de créer des services plus adaptés aux besoins de ceux qui les utilisent, plus fiables et faciles à utiliser par un éventail plus large d’usagers (Banque mondiale, 2022).
Design thinking et méthodes agiles
Le design thinking est l’une des principales méthodes qui peut être employée pour créer et concevoir des produits et services centrés sur l’usager. Il comporte cinq étapes: création d’un climat d’empathie et interaction avec les usagers; définition du problème; idéation pour imaginer des solutions; prototypage des services; test (graphique 1). Alors que dans le cadre des méthodes traditionnelles les organismes attendaient la fin du cycle de développement pour conduire des tests afin de s’assurer de l’acceptation de la solution par les usagers et de repérer d’éventuelles anomalies avant le déploiement, le design thinking accorde une grande importance à l’implication des usagers et à la prise en compte de leurs commentaires à chacune des cinq étapes.
La conception de solutions centrées sur les usagers mobilise des méthodes utilisées pour développer des solutions reposant sur les technologies de l’information et de la communication. Les méthodes agiles sont indispensables à l’utilisation du design thinking. Jusqu’à présent, les services publics numériques reposaient sur un modèle «en cascade»: les agents et les «équipes chargées des politiques mettaient au point une stratégie avant de s’en remettre à un processus de passation de marché» ou à une équipe interne qui «définissait les résultats attendus et faisait appel à un prestataire externe, lequel fournissait ensuite le service fini à une quatrième équipe, chargée de sa mise en œuvre» (Welby et Hui Yan Tan, 2022). Ce type d’approche, fragmentée et cloisonnée, ne permet pas de parvenir à une vision commune des objectifs du service ou du produit, si bien que le potentiel que renferme la numérisation des services ne peut pas être exploité.
Les méthodes agiles privilégient une collaboration transversale et une démarche itérative qui consiste à tester une solution et à en tirer des enseignements avant de la déployer (test-and-learn). Les équipes peuvent ainsi explorer, échouer rapidement et ajuster leur stratégie en fonction des leçons apprises. D’après les estimations, les méthodes agiles permettent d’accroître de 10 à 20 pour cent la satisfaction des clients, d’offrir de nouveaux produits deux à quatre fois plus vite et de réduire de 15 à 25 pour cent les coûts de développement (Awad et al., 2022). En d’autres termes, ces nouvelles méthodes, agiles et centrées sur l’usager, offrent aux institutions de sécurité sociale la possibilité de poursuivre d’autres objectifs que les gains d’efficience découlant des méthodes classiques. Elles peuvent ainsi viser un objectif d’inclusion, à travers l’introduction de nouvelles approches qui tiennent compte des besoins et compétences d’un large éventail d’usagers, augmentent le taux de recours aux services par les usagers et étendent la couverture des services à une plus grande partie de la population.
Graphique 1. Le processus de design thinking
Expériences des institutions membres de l’AISS
De plus en plus confrontées à la nécessité de concevoir des produits et services centrés sur les usagers, les institutions de sécurité sociale commencent depuis quelques années à recourir au design thinking et à des méthodes agiles. Elles ont donc mis sur pied des équipes multidisciplinaires au sein desquelles des représentants des branches et des usagers participent à un processus de cocréation. Le «collaboratif par défaut» est en passe de devenir une des principales pratiques de gestion dans les institutions de sécurité sociale (AISS, 2021).
L’Association internationale de la sécurité sociale (AISS) met divers outils à la disposition de ses membres pour les aider à accomplir cette transition vers de nouvelles pratiques. Ainsi, la Ligne directrice 9 des Lignes directrices de l’AISS en matière de qualité des services rappelle les cinq étapes du design thinking dans les institutions de sécurité sociale (AISS, 2019). La Ligne directrice 14 des Lignes directrices de l’AISS en matière de technologies de l’information et de la communication explique comment appliquer les approches dites Agile et DevOps pour améliorer la coordination entre le transactionnel, le développement et les opérations (AISS, 2022a). La partie B.4.2 des nouvelles Lignes directrices de l’AISS en matière de continuité et de résilience des services et systèmes de sécurité sociale fournit elle aussi des recommandations pour l’application de méthodes de développement et de déploiement agiles pour garantir la continuité de l’activité (AISS, 2022b). Par ailleurs, une séance de la 16e Conférence internationale de l’AISS sur les technologies de l’information et de la communication dans le domaine de la sécurité sociale a été consacrée à la création de e-services axée sur les bénéficiaires et des webinaires ont permis de découvrir des expériences nouvelles dans ce domaine. Enfin, lors du Forum mondial de la sécurité sociale 2022, qui s’est tenu à Marrakech, Maroc, une séance parallèle spéciale a été organisée sur le thème «Une sécurité sociale centrée sur les personnes à l’ère de l’humain et du numérique».
CDG Prévoyance, Maroc
La CDG Prévoyance a commencé à numériser ses services dès 2003, mais les canaux physiques restaient prédominants (CDG Prévoyance, 2020 et 2022) parce qu’elle faisait appel à un modèle de développement en cascade et cherchait davantage à répondre aux besoins tels qu’elle les percevait qu’à associer directement les usagers. À partir de 2018, elle a amorcé un changement de cap en faveur d’approches centrées sur les usagers reposant sur des boucles itératives de test et de rétroaction (graphique 2). Elle a pour cela eu recours à la méthode SCRUM pour favoriser une gestion de projet participative dynamique et au design thinking pour aborder les problèmes du point de vue des usagers.
Graphique 2. Le design thinking et les méthodes agiles en action à la CDG Prévoyance
Cette nouvelle approche centrée sur l’usager a comporté les étapes suivantes: i) organisation d’ateliers de design thinking avec les usagers; ii) identification des principales problématiques; iii) selon les problématiques à traiter, organisation de hackathons en ayant recours à l’intelligence collective au sein de l’écosystème de la prévoyance; iv) coconception et prototypage avec les usagers de solutions aux problèmes repérés; v) développement en mode agile de ces solutions et ajustement des produits finis dans le cadre d’une série d’ateliers avec les usagers; et vi) déploiement des solutions et d’un plan de communication. À titre d’exemple, en 2019, la CDG Prévoyance a organisé le tout premier hackathon dans le domaine de la prévoyance sociale. De nombreuses personnes y ont participé – collaborateurs internes, coaches, experts métier, 15 start-up et plusieurs associations de retraités et titulaires de rente (personnes pouvant prétendre à percevoir régulièrement une pension ou une rente au titre d’un compte d’épargne). Il a abouti à plusieurs solutions innovantes, par exemple un chatbot, un agent virtuel qui suit l’instruction des dossiers, une solution de narration qui permet aux utilisateurs illettrés ou non-voyants d’écouter le contenu d’une application ou encore un système de notification intelligent.
Trésorerie générale de la sécurité sociale, Espagne
En Espagne, la Trésorerie générale de la sécurité sociale (Tesorería General de la Seguridad Social – TGSS) a fait appel à des méthodes agiles pour créer Importass (TGSS, 2022), un portail centré sur l’usager (Arratia García, 2022) destiné aux citoyens. Cette solution, qui s’adressait aux employés de maison et aux travailleurs indépendants, a constitué une transformation radicale de l’approche de la TGSS en matière de développement logiciel. Importass a été conçu par des équipes transversales qui se sont organisées en toute autonomie et ont suivi un cycle de développement itératif inspiré des principes des méthodes agiles et du design thinking. Elles ont commencé à travailler sur la base de spécifications minimales, privilégiant une livraison précoce et en continu dans le cadre d’itérations de courte durée. L’analyse quantitative, la recherche en matière de conception des services et d’expérience utilisateur, l’analyse et la réingénierie des processus ont occupé une place centrale tout au long du processus de développement. Les équipes ont analysé les données existantes pour bien cerner les profils des utilisateurs et concevoir les services en conséquence. Des groupes de discussion, des entretiens avec des employés et des citoyens, des observations et le tri par cartes les ont aidées à acquérir une connaissance approfondie des besoins des usagers. La grande utilisation que les citoyens font du portail témoigne du succès de cette approche.
Organisation générale de l’assurance sociale, Arabie saoudite
En Arabie saoudite, l’Organisation générale de l’assurance sociale (General Organization of Social Insurance – GOSI) a lancé un programme de transformation agile pour convertir son modèle opérationnel «axé sur les projets» en un modèle de prestation de services «axé sur les produits» (GOSI, 2021). Jusqu’alors, le développement de logiciels au sein de la GOSI reposait sur le modèle planifier-construire-exécuter. Les équipes travaillaient donc de manière cloisonnée, ce qui était synonyme de priorités divergentes, de développement plus lent et de coûts plus élevés. Le programme de transformation agile avait pour but de faire évoluer les méthodes de travail traditionnelles pour les remplacer par une collaboration transversale placée sous le signe de la flexibilité, de la réactivité et de l’amélioration continue. Il a été expérimenté avec succès en 2018, lors du lancement d’Ameen, le système d’assurance sociale de la GOSI, et ce succès a encouragé l’institution à accélérer le passage à l’approche agile axée sur les produits.
Ces méthodes agiles permettent une livraison et une mise en œuvre plus rapides des produits et ont impliqué la définition de nouvelles fonctions dans l’organisation, l’adoption de nouvelles méthodes de travail, la mise en place d’un accompagnement et d’un processus d’amélioration continue. Il a également fallu que les équipes chargées des technologies de l’information aient accès à des outils collaboratifs pour pouvoir réellement développer les produits. Le changement de culture et de mentalité n’a pas concerné que ces équipes. Il a aussi impliqué des transformations profondes au sein de l’organisation, en particulier une gestion du changement et le recours à divers moyens de diffusion pour informer sur le changement, de même qu’une nouvelle manière de gérer les ressources humaines reposant notamment sur la formation continue et des évaluations des performances à 360°.
Emploi et Développement social Canada
Emploi et Développement social Canada (EDSC) remplit ses missions par l’intermédiaire de plusieurs branches constituées d’équipes spécialisées réparties dans quatre régions. Efficace pour la fourniture de services, cette approche ne favorisait en revanche pas une démarche collaborative en matière de développement de services et produits centrés sur l’usager. De ce fait, les améliorations apportées aux services étaient généralement ponctuelles, souvent sans implication des usagers et des organisations de service. En 2017, EDSC a cherché à y remédier en lançant à titre pilote un processus immersif de design thinking qui a transformé les idées des employés, usagers et partenaires en services centrés sur l’usager. Ce projet s’inscrivait dans le cadre d’une stratégie pluriannuelle de transformation des services qui a conduit, entre autres, à la création du Centre d’accélération, un espace physique permanent dans lequel une collaboration en mode présentiel ou virtuel permet d’imaginer des améliorations des services et des solutions à partir de méthodes de conception agiles et reproductibles (EDSC, 2020).
Le Centre d’accélération décloisonne l’organisation pour recueillir les idées innovantes de ses employés, usagers et partenaires afin de les traduire en services centrés sur l’usager. Il a permis à EDSC d’atteindre en seulement 16 semaines le premier de ses principaux objectifs – élaborer, dans le cadre d’une concertation, une feuille de route quinquennale pour la transformation des services –, ce qu’il n’avait jusqu’alors jamais pu faire en aussi peu de temps. La feuille de route a été mise au point par 50 représentants des différents services d’EDSC qui ont réfléchi collectivement pour définir 33 solutions susceptibles de maximiser l’impact sur l’expérience client. Des prototypes de concepts ont été testés par des Canadiens dans l’ensemble du pays afin de valider les idées et de recueillir des commentaires.
Le Centre d’accélération illustre la manière dont une stratégie générale de transformation des services fait évoluer les structures organisationnelles et de gouvernance d’EDSC et engendre de nouveaux moyens. Le cloisonnement des programmes, agences et régions cède rapidement la place à une gestion intégrée des services. En 2020, EDSC a été récompensé par le Prix AISS des bonnes pratiques pour les Amériques pour ses réalisations.
Résultats
Le tableau 1 recense les résultats obtenus par ces institutions grâce au design thinking et aux méthodes agiles.
Institution | Résultats obtenus |
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CDG Prévoyance, Maroc |
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TGSS, Espagne |
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GOSI, Arabie saoudite |
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EDSC, Canada |
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Principaux facteurs de réussite
L’accompagnement et la formation sont indispensables pour faciliter le passage au design thinking et aux méthodes agiles, de même que pour surmonter le cloisonnement des structures organisationnelles et combler les lacunes du personnel sur le plan des compétences. En Arabie saoudite, l’accompagnement a fait partie intégrante de la stratégie mise en œuvre par la GOSI pour venir à bout de la résistance de certains salariés au raccourcissement des délais et à la collaboration transversale. De plus, la GOSI a créé des communautés de pratiques en matière d’expérience utilisateur comprenant notamment des chefs de mêlée, afin d’encourager l’apprentissage mutuel et la pollinisation croisée des idées. Au Canada, EDSC a formé et mobilisé un réseau d’ambassadeurs du changement dans chacune des régions du pays. Les ambassadeurs sont des salariés qui ont participé à une séance de conception du Centre d’accélération et qui sont en mesure d’expliquer le processus ainsi que les objectifs de la transformation des services à leurs collègues. Ils leur apportent une expertise concernant cette transformation et sont chargés de présenter des idées dans leur branche ou région puis de faire remonter les réactions des salariés.
L’établissement de boucles de rétroaction avec les salariés est capital pour favoriser des méthodes de travail agiles. EDSC a souligné que les méthodes de travail internes étaient aussi itératives que le processus de développement. Les enseignements tirés de la première séance accélérée étaient systématiquement revus pour améliorer les modalités de collaboration en vue des séances accélérées ultérieures. Les salariés se sont d’autant mieux convertis aux nouvelles méthodes qu’ils ont pu influer sur les caractéristiques des nouvelles structures organisationnelles.
Le soutien et l’expertise de l’écosystème externe sont essentiels. Les méthodes centrées sur l’usager exigent un éventail de compétences et d’interactions beaucoup plus large, si bien qu’il est indispensable que la collaboration ne s’arrête pas aux portes de l’institution. Ainsi, CDG Prévoyance, au Maroc, a bénéficié d’un soutien fort d’associations de retraités et d’experts externes. Ce soutien a été capital lorsque les compétences nécessaires faisaient défaut en interne, en particulier aux étapes du design thinking et de l’intelligence collective.
Conclusions
Partout dans le monde, les institutions de sécurité sociale – et, plus largement, les organismes publics – cherchent des moyens d’édifier des organisations agiles centrées sur l’usager. D’après les estimations, en 2023, 60 pour cent des organismes publics répartis dans le monde entier font appel à des méthodes de conception axées sur l’usager pour concevoir leurs services numériques (Gartner, 2022). Comme en témoigne l’expérience des membres de l’AISS, créer des organisations centrées sur l’usager pour exploiter pleinement ces méthodes est une tâche difficile qui suppose des investissements stratégiques à long terme.
Les méthodes agiles et centrées sur l’usager passent par l’acquisition de compétences hautement spécialisées et par une coordination et une interaction multidisciplinaires, ce qui est difficile à réaliser dans l’ensemble de l’organisation et à grande échelle. À titre d’exemple, un audit portant sur les pratiques agiles de l’Administration de la sécurité sociale (Social Security Administration – SSA), aux États-Unis, a mis en lumière certaines des difficultés rencontrées pour appliquer correctement les méthodes de développement agile et respecter de bonnes pratiques afin de créer de nouvelles solutions de manière continue (OIG, 2022).
Les travaux de recherche mettent en évidence quatre grandes difficultés que les organismes doivent surmonter en faisant preuve d’anticipation (Brown, Kaur et Khan, 2020): les cultures hiérarchiques, le manque de talents et de capacités, l’obsolescence des stratégies des organisations et la complexité des processus d’achat et de partenariat. Une approche itérative reposant sur le triptyque «tester-échouer-apprendre» suppose que les institutions érigent l’autonomie en norme et l’échec en passage obligé au lieu de défendre une culture bureaucratique rigide et rétive à l’échec.
Il faudra renforcer les capacités internes en les enrichissant de compétences agiles essentielles dans les domaines de la conception centrée sur les utilisateurs, de la gestion des produits et de l’ingénierie de l’automatisation tout en tenant compte de contraintes courantes dans le secteur public, telles que les contraintes budgétaires, le plafonnement des salaires et les restrictions liées aux politiques de recrutement. Les équipes cloisonnées typiques d’un fonctionnement bureaucratique devront céder la place à des équipes transversales, et ce mouvement devra s’accompagner de réformes des politiques de recrutement et de gestion des performances. Enfin, à long terme, le design thinking et les méthodes agiles peuvent être à l’origine d’importants gains d’efficience parce qu’ils permettent d’élaborer des solutions qui sont robustes et inclusives et qui ont un réel impact sur les citoyens du fait qu’elles répondent véritablement aux besoins des utilisateurs.
Toutefois, les solutions centrées sur les usagers ne sont pas une panacée. Les organismes doivent donc gérer les attentes de façon proactive et faire connaître la valeur de ces approches de manière à obtenir l’adhésion des diverses parties prenantes internes. Les initiatives présentées ci-dessus, mises en œuvre par les institutions membres de l’AISS, fournissent des orientations utiles à l’heure où les organismes publics s’attellent à la tâche à la fois complexe et incontournable qui consiste à édifier des organisations centrées sur l’usager.
Références
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AISS. 2022a. Lignes directrices de l’AISS en matière de technologies de l’information et de la communication. Genève, Association internationale de la sécurité sociale.
AISS. 2022b. Lignes directrices de l’AISS en matière de continuité et de résilience des services et systèmes de sécurité sociale. Genève, Association internationale de la sécurité sociale.
Arratia García, A. 2022. Customer-centric mobile apps and agile methodologies (Webinaire de l'AISS, 14 septembre). Genève, Association internationale de la sécurité sociale..
Awad, N. et. al. 2022. Delivering government services like a digital native. [S.l.], Boston Consulting Group.
Banque mondiale. 2022. Service Upgrade – The GovTech approach to citizen centred services. Washington, DC, Groupe de la Banque mondiale.
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Emploi et Développement social Canada. 2020. La transformation des services: le design thinking et le Centre d’accélération (Bonnes pratiques en sécurité sociale). Genève, Association internationale de la sécurité sociale.
Gartner. 2022. How government CIOs can adopt human-centred design into their operating model. [S.l.].
Mailes, G; Carrasco, M.; Arcuri A. 2021. The global trust imperative. [S.l.], Boston Consulting Group & Salesforce.
OCDE. 2009. Rethinking e-government services - User-centred approaches (OECD e-Government Studies). Paris, Organisation de coopération et de développement économiques.
OIG. 2022. Agile software development at the Social Security Administration - Audit. [S.l.], Social Security Administration Office of the Inspector General.
Organisation générale de l'assurance sociale. 2021. Programme de transformation agile: passer d’un modèle axé sur les projets à un modèle axé sur les produits (Bonnes pratiques en sécurité sociale). Genève, Association internationale de la sécurité sociale.
Trésorerie générale de la sécurité sociale. 2022. Importass: le nouveau portail de la Trésorerie générale de la sécurité sociale. Une pratique de la Trésorerie générale de la sécurité sociale, Fédération des organismes gestionnaires de la sécurité sociale espagnole
Welby, B.; Hui Yan Tan, E. 2022. Designing and delivering public services in the digital age (OECD Going Digital Toolkit Notes, No. 22). Paris, Organisation de coopération et de développement économiques.