Partenariats stratégiques et solutions TIC pour l’extension de la couverture de sécurité sociale en Afrique

Partenariats stratégiques et solutions TIC pour l’extension de la couverture de sécurité sociale en Afrique

Grâce à des partenariats stratégiques et des solutions modernes de technologies de l’information et de la communication (TIC), les institutions membres de l’Association internationale de la sécurité sociale (AISS) renforcent la portée, l’étendue et l’adéquation de la couverture de la sécurité sociale.

Partout en Afrique, presque tous les pays disposent de programmes et/ou régimes de sécurité sociale  qui couvrent, en théorie, la majorité de la population. Au cours des dernières décennies, le discours politique relatif à l’extension de la couverture de sécurité sociale s’est traduit par l’adoption de nouvelles législations visant à étendre la portée de la couverture, et par la mise en œuvre de réformes des régimes actuels qui prévoient d’inclure des groupes de population à l’origine exclus, tels que les travailleurs informels et les personnes travaillant pour leur propre compte, afin de leur permettre de participer volontairement aux programmes obligatoires de sécurité sociale. 

Toutefois, l’extension réelle de la couverture demeure un enjeu permanent, la conception des programmes étant déconnectée des réalités socioéconomiques des communautés les plus vulnérables. Dans le cadre d’une économie à prédominance informelle et agraire, la population en âge de travailler manque non seulement d’intérêt à agir, mais également de capacité financière pour participer activement aux programmes obligatoires d’assurance sociale contributive. Combiné à de véritables lacunes au niveau des investissements en matière d’assistance sociale et des programmes de soins de santé essentiels et universels, l’Afrique reste le continent enregistrant les taux de couverture de la sécurité sociale les plus bas au monde.

Selon les estimations de l’Organisation internationale du Travail (OIT, 2021), seulement 17,4 pour cent de la population africaine bénéficie d’un accès adéquat à au moins une forme de prestation de protection sociale. Ces taux varient en fonction des pays et des branches de la sécurité sociale, avec des pays exceptionnels tels que l’Afrique du Sud, le Botswana, le Cap-Vert, l’Eswatini, le Lesotho, l’Île Maurice, la Namibie et les Seychelles, qui ont atteint une couverture universelle de la pension de vieillesse grâce à l’utilisation parallèle de financements contributifs et non contributifs. Par ailleurs, l’Association internationale de la sécurité sociale (AISS) a mis en évidence les variations de couverture entre les branches et les groupes de population (AISS, 2021).

La sécurité sociale n’est pas seulement un droit humain fondamental. C’est un choix crucial qui présente un véritable potentiel socioéconomique pour les individus et la société. L’extension réelle de la couverture de sécurité sociale est le résultat d’un programme bien conçu, de financements adéquats et durables et de la capacité administrative à appliquer la législation relative à la sécurité sociale. En somme, bien que la conception des programmes et la stratégie de financement jouent un rôle fondamental pour déterminer les taux de couverture potentiels, c’est la capacité administrative à, d’une part, atteindre, affilier et recouvrer les cotisations et, d’autre part, fournir des prestations et services, qui permet de garantir l’extension réelle de la couverture.

Face au double défi que représentent la lutte contre le travail informel et l’extension de la couverture de sécurité sociale, l’amélioration de la capacité administrative des institutions de sécurité sociale demeure cruciale. Afin de répondre à ce besoin, les institutions membres de l’AISS mettent en place des partenariats stratégiques et des solutions modernes de technologies de l’information et de la communication (TIC) pour renforcer leur capacité administrative, améliorer l’efficacité et favoriser l’efficience en matière de gestion et de fourniture des prestations et services à un nombre croissant de personnes vivant dans une situation de pauvreté et de privation qui recouvre de multiples facettes. Cet article décrit les mesures présentées lors du concours du Prix AISS des bonnes pratiques pour l’Afrique 2020, en analysant les considérations politiques et administratives relatives à l’extension de la couverture de sécurité sociale.

Considérations politiques et administratives relatives à l’extension de la couverture de sécurité sociale

L’extension de la couverture de sécurité sociale est tridimensionnelle – portée, étendue et adéquation. Alors que la portée et l’adéquation de la couverture dépendent des politiques et législations qui déterminent, pour les programmes non contributifs, la population couverte, les risques pris en charge, la stratégie de financement, les conditions d’ouverture des droits, la durée des prestations, les revenus assurables et les formules de calcul des prestations – ainsi que les montants des prestations pour les programmes contributifs – l’étendue de la couverture est lié à la capacité administrative.  Le graphique ci-dessous dresse un tableau des interactions et des conditions relatives à la mise en œuvre de l’extension de la couverture.

Graphique 1: Les trois dimensions de l’extension de la couverture sociale Figure 1: The tri-dimensional extension of social security coverage Source: Author, 2021.

Au-delà des considérations politiques et des questions liées à la conception des programmes, les institutions de sécurité sociale sont avant tout des prestataires de services publics. Lorsqu’elles mettent en œuvre la législation relative à la protection sociale, soit elles mobilisent les solutions préexistantes, soit elles soutiennent la course à l’innovation afin de développer des outils et des infrastructures de services publics, tout en accomplissant leur devoir de gérer et de fournir la protection sociale à tous. 

Un exemple typique est la mise en place de registres sociaux par les institutions de sécurité sociale, qui, ensuite, deviennent une source de référence pour l’identification nationale. Alternativement, les administrations de protection sociale peuvent s’appuyer sur des bases de données nationales afin d’identifier et d’affilier des bénéficiaires/cotisants potentiels aux programmes de protection sociale.

En toute logique, des taux de couverture inférieurs aux taux potentiels dans les programmes de protection sociale sont caractérisés par trois éléments principaux, à savoir l’exclusion, le travail informel et la non-conformité, parallèlement à un manque d’accès réel aux prestations et services. L’incapacité des institutions de sécurité sociale à toucher et sensibiliser, ainsi qu’à identifier et affilier les bénéficiaires ou les cotisants potentiels se traduit généralement par l’exclusion d’individus et/ou de groupes de population qui devraient en théorie être couverts, entraînant ainsi des taux de couverture faibles.

Par ailleurs, l’incapacité à garantir la conformité et à recouvrer les cotisations dans une économie à prédominance informelle aboutit à des écarts entre les taux de couverture globaux et réels au sein des programmes de sécurité sociale contributifs. Le manque d’accès aux prestations et services mine le potentiel des politiques et/ou programmes de protection sociale.

En Afrique, la priorité des institutions membres de l’AISS consiste à mettre en place des partenariats stratégiques et des solutions TIC modernes afin d’améliorer leur capacité administrative et ainsi favoriser l’efficience et l’efficacité dans la gestion et l’extension de la couverture de sécurité sociale aux groupes de population vulnérables qui, bien qu’étant éligibles, ne sont pas couverts, comme expliqué ci-dessous.  

Lutter contre l'exclusion

L’exclusion est une des principales raisons qui expliquent les faibles taux de couverture de la sécurité sociale en Afrique. Elle découle tant de la conception des programmes et politiques que des lacunes au niveau de la mise en œuvre. Dans les faits, les programmes de protection sociale dans les pays du continent révèlent des cas exceptionnels de programmes de soins de santé véritablement universels dans des pays comme l’Île Maurice. Par exemple, les pensions sociales universelles ciblent les personnes âgées; les prestations universelles pour enfant à charge ciblent les enfants; et les programmes obligatoires d’assurance sociale ciblent les employés du secteur formel. Mais surtout, les programmes d’assurance volontaires ciblent de manière implicite les individus et/ou groupes capables de cotiser.

Parallèlement à l’exclusion qui découle de la conception des programmes, les lacunes au niveau de la mise en œuvre entraînent des erreurs d’exclusion, en particulier pour les programmes non contributifs, sous condition de ressources, conditionnels et/ou ciblant les personnes en situation de pauvreté. L’exclusion provient en outre de l’incapacité des institutions de sécurité sociale à toucher et affilier les personnes et/ou groupes de population qui devraient en théorie être couverts, en raison des contraintes en matière d’administration et d’infrastructures qui les empêchent d’atteindre les quartiers enclavés et géographiquement reculés. Les institutions membres de l’AISS en Afrique s’engagent dès lors à relever ces défis.

Par exemple, afin de résoudre le problème des faibles taux de couverture de la sécurité sociale – estimés à moins de 20 pour cent – et de la prédominance de l’emploi informel au Kenya, le Fonds de pension des autorités locales (Local Authorities Pension Trust – LAPTRUST) a mené une campagne de marketing numérique afin de faire connaître les réglementations existantes en matière de sécurité sociale et d’étendre la couverture au secteur informel. La campagne, intitulée Eneza Pensheni – l’équivalent en swahili de «Diffuser la pension» – s’appuyait sur le réseau mobile à grande vitesse et la forte pénétration d’Internet afin de créer des applications mobiles qui ont permis au Fonds de toucher les groupes dits «difficiles à couvrir», qui représentent la majorité de l’économie informelle (Fonds de pension des autorités locales, 2020a).

Aux Seychelles, le Fonds de pensions des Seychelles (Seychelles Pension Fund – SPF) a exploité des éléments du comportement des consommateurs afin d’étendre stratégiquement la couverture de la sécurité sociale au-delà des groupes de population couverts par le régime obligatoire, par le biais du programme de chèques-cadeaux de bienvenue pour les contributions volontaires. Le programme visait à identifier les mécanismes qui pouvaient inciter les cotisants existants et/ou les retraités à influencer le comportement des cotisants potentiels et à les encourager à contracter un produit d’assurance volontaire géré par le SPF.

Reconnaissant l’importance de la sécurité sociale et s’appuyant sur les tendances comportementales de la population autour d’événements et de dates spécifiques, tels que Noël, la Saint-Valentin, la fête des Mères et la Journée internationale de la femme, le Fonds a conçu un chèque-cadeau qu’une personne assurée pouvait offrir à un proche en guise de pack de bienvenue au régime de contribution volontaire.  Ce programme a été élargi pour inclure d’autres événements et dates spécifiques, tels que les anniversaires, afin que les personnes assurées affilient leurs proches à un programme d’assurance volontaire et s’engagent à payer leurs cotisations via des déductions de salaire effectuées par leur employeur et payées au SPF (Fonds de pensions des Seychelles, 2020a).  Le programme de chèques-cadeaux de bienvenue pour les contributions volontaires étend la couverture aux individus qui ne disposent pas d’une grande capacité de cotisation, en s’appuyant sur la bienveillance des êtres chers qui participent à l’emploi productif, diminuant ainsi l’incidence de l’exclusion. 

Le Fonds de pensions des Seychelles est par ailleurs résolu à minimiser l’incidence de l’exclusion en vulgarisant les connaissances sur la sécurité sociale grâce à des campagnes de communication et de sensibilisation, garantissant ainsi la loyauté des membres et membres potentiels. La campagne Protecting you (On vous protège): Secteur informel a dès lors permis au Fonds d’interagir avec les pêcheurs dans leur environnement naturel, en utilisant plusieurs stratégies, telles que les partenariats avec l’association des propriétaires de bateaux afin d’encourager les pêcheurs à cotiser auprès du SPF pour leur retraite. Ces campagnes de sensibilisation regroupant des pêcheurs des communautés de pêcheurs des trois îles principales ont été relayées par les médias nationaux pour un maximum de visibilité et ont abouti à de nouvelles affiliations et/ou au paiement des périodes de cotisation perdues (Fonds de pensions des Seychelles, 2020b).

À un niveau de communication plus global, le SPF a produit des bandes dessinées éducatives, qui ont été diffusées sur les médias nationaux afin de sensibiliser le grand public à la sécurité sociale. Les bandes dessinées représentent une plateforme à impact élevé peu coûteuse, qui permet au Fonds de toucher directement la population cible et de lui donner des informations de première main, d’établir une meilleure relation et d’instaurer la confiance avec ses membres, ainsi que d’éviter la désinformation. Cela permet dès lors d’augmenter la portée et d’avoir des répercussions profondes en matière de lutte contre l’exclusion (Fonds de pensions des Seychelles, 2020c). 

Alors que les institutions de sécurité sociale utilisent des solutions TIC modernes afin de toucher, d’affilier, et de gérer des programmes visant à protéger les personnes appartenant aux groupes difficiles à couvrir ainsi que celles vivant dans des régions géographiquement reculées, elles sont confrontées à un phénomène plus complexe lié à l’ampleur de l’économie informelle, qui a un impact considérable sur les taux de conformité et d’adhésion.

Lutte contre le travail informel et amélioration de la conformité

Parallèlement à l’exclusion issue de la conception et/ou des problèmes de mise en œuvre, l’ampleur de l’économie informelle représente un obstacle de taille à l’extension de la couverture, tant dans les pays en développement que dans les pays développés. En règle générale, l’économie informelle nuit aux taux de conformité et favorise l’évasion et la fraude au niveau des impôts et des cotisations de sécurité sociale (Mineva et Stefanov, 2018).

Des niveaux élevés d’économie informelle se traduisent généralement par des niveaux élevés d’emploi précaire et informel. Cela restreint l’applicabilité de la législation relative à la sécurité sociale et favorise la non-conformité et/ou la non-adhésion. Par exemple, en raison de niveaux élevés d’économie informelle, les employeurs peuvent ignorer délibérément les dispositions de la législation sur la sécurité sociale qui prévoient de déclarer et d’affilier les employés aux fins de la sécurité sociale. Alternativement, ils peuvent manipuler le statut des employés en les déclarant en tant que prestataires de services, en particulier dans le cas des travailleurs de plateforme, des personnes travaillant pour leur propre compte et/ou du travail familial. Ils peuvent ainsi éluder leur devoir en matière de déclaration, d’affiliation et de paiement des cotisations de sécurité sociale, ce qui a de profondes répercussions sur les taux de couverture.

Les impacts négatifs de l’économie informelle sur les systèmes de sécurité sociale sont divers. Ils prennent notamment la forme de répercussions sociopolitiques et économiques négatives sur les systèmes de sécurité sociale ou d’obstacles à l’accès à la protection sociale pour certains groupes de population, ce qui entraîne une perte de couverture potentielle et donc des taux de couverture faibles et un déficit au niveau des recettes tirées des cotisations. L’incapacité des régimes à identifier, affilier et garantir la conformité en matière de recouvrement des cotisations auprès de toutes les personnes et/ou tous les groupes de population couverts par la législation mène à l’évasion et la fraude au niveau des cotisations de sécurité sociale.

En réponse aux défis posés par l’économie informelle et la non-conformité, la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), Tunisie, a lancé le programme Protège-moi, grâce à un partenariat entre les ministères des Affaires sociales, de la Femme, de l’Agriculture et des Technologies de la communication; un fournisseur de services de télécommunications (TT); et une start-up de technologie privée. Le programme visait à étendre la couverture de la sécurité sociale aux femmes rurales travaillant dans le secteur agricole. Il a permis d’amender la législation relative à la sécurité sociale en incorporant les travailleurs intérimaires et saisonniers du secteur agricole et en prévoyant des modalités plus flexibles pour le paiement des cotisations (Caisse nationale de sécurité sociale, 2020).

L’expérience de la CNSS témoigne de la manière dont les administrations de la sécurité sociale peuvent impulser des changements législatifs relatifs à l’extension de la couverture à la grande majorité de la population et exploiter la technologie afin de toucher, affilier les potentielles personnes assurées et recouvrer les cotisations de sécurité sociale auprès des groupes dits «difficiles à couvrir». Néanmoins, la mise en place d’une assurance volontaire dans des contextes caractérisés par une économie informelle importante, des emplois précaires, un manque de capacité à cotiser, etc., plutôt que d’élaborer des mesures visant à promouvoir l’emploi formel et l’assurance obligatoire ne peut pas garantir une extension réelle de la couverture, compte tenu des risques élevés de défaut de paiement de cotisations.

En ce sens, les partenariats stratégiques et l’utilisation de solutions TIC modernes se révèlent d’une importance capitale. Au Mali, par exemple, l’Institut national de prévoyance sociale (INPS), a géré son assurance volontaire en partenariat avec une entreprise privée dans le cadre du Projet d’inclusion sociale: SAER-EMPLOI-AV+. Ce projet a été conçu et mis en œuvre en réponse au problème de manque d’information chez les travailleurs indépendants, les travailleurs informels et les employés des professions libérales sur l’existence d’une couverture de la sécurité sociale, un problème qui était exacerbé par la rigidité des conditions d’ouverture des droits (Institut national de prévoyance sociale, 2020).

Des campagnes de communication visant à sensibiliser les groupes de population cibles ont également été organisées. Parmi les autres mesures, citons la simplification du processus d’affiliation et l’octroi de conditions spéciales pour le paiement des cotisations, le recours à des méthodes de paiement électroniques (banque en ligne, Orange money, Mobicash, etc.), ainsi que l’étalement des paiements (par jour, par semaine, par mois) pour réduire la charge financière. Élément innovant majeur de SAER-EMPLOI-AV+: il est mondial, et couvre tous les Maliens du monde. À l’heure actuelle, il est entièrement opérationnel dans les pays transfrontaliers, tels que la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Cameroun (Douala), qui comptent une forte concentration de migrants maliens; il leur offre ainsi une protection sociale chez eux, basée sur les revenus économiques perçus dans des pays étrangers (Institut national de prévoyance sociale, 2020).

De la même manière, le Fonds de pension des autorités locales (Local Authorities Pension Trust – LAPTRUST), Kenya, a mobilisé ses partenariats stratégiques afin d’étendre la couverture de la pension et d’améliorer la conformité dans le secteur informel, grâce à l’initiative Save As You Spend (Économisez tout en dépensant).  La mise en œuvre de l’initiative nécessitait l’établissement d’un plan de pension individuel, Mpension, qui ciblait avant tout le secteur informel. Elle exploite les services d’une banque importante et d’un grand fournisseur de services de télécommunications du pays afin d’affilier les cotisants, grâce à un numéro USSD servant à effectuer le paiement des cotisations via le portefeuille de paiement mobile (Fonds de pension des autorités locales, 2020b).

Ce système s’appuie sur l’analyse des habitudes de dépenses du ou des cotisant(s) individuel(s) pour effectuer des micro déductions qui correspondent à une proportion de l’argent réellement dépensé et qui est crédité sur le portefeuille de pension individuel (compte). Cette solution répond au manque de discipline inhérent en matière d’épargne pension, tout en garantissant un équilibre entre les besoins immédiats et futurs d’un individu. Cela favorise la participation réelle des employés informels au(x) régime(s) de pension contributif(s) et a de profondes répercussions sur l’extension de la couverture. 

Améliorer l’accès à l’information, aux prestations et aux services

Comme nous l’avons vu plus haut, les institutions de sécurité sociale sont des prestataires de services dont le mandat principal consiste à recouvrer les cotisations sociales et fournir des prestations et services de sécurité sociale de manière cohérente et en temps opportun. Avant d’adopter des solutions TIC et de s’engager dans des partenariats stratégiques, les processus administratifs de recouvrement des déclarations et cotisations, et de réception et gestion des demandes étaient effectués manuellement, ce qui entraînait des temps d’attente plus longs avant l’octroi des prestations. D’autant plus que la pratique traditionnelle des institutions de sécurité sociale de fournir des prestations/services sur site et directement a mené à des files excessivement longues, avec des temps d’attente fluctuants pour les bénéficiaires et autres usagers des services de sécurité sociale.

Par défaut, les programmes de protection sociale jouent un rôle fondamental pour garantir et remplacer les revenus, ce qui signifie qu’ils doivent permettre de fluidifier les flux de revenus en cas d’imprévus. C’est toutefois rarement le cas étant donné que le temps d’attente excède généralement le délai habituel pour le paiement des salaires et revenus, à savoir 30 jours. Ainsi, les règles de la Conférence interafricaine de la prévoyance sociale (CIPRES) recommandent un délai de 45 jours pour le traitement des dossiers de pension. Cela implique que les retraités ou survivants potentiels sans source de revenus alternative sont voués à sombrer dans la pauvreté en attendant la réponse à leur demande. Malheureusement, cette situation peut pousser les bénéficiaires potentiels à contracter des prêts à taux élevé dans des banques et des institutions de microfinance ou des prêts à risque auprès de courtiers non réglementés, hypothéquant ainsi leurs futurs droits à la pension pour obtenir un emprunt permettant de leur garantir un revenu.

Malgré tout, des progrès importants ont été accomplis grâce à la mise en place des guichets uniques, à la décentralisation de la réception et du traitement des demandes, et à la séparation des points de paiement et de fourniture des services via la création de multiples centres de services. Dans un grand nombre de pays africains, cela a entraîné une externalisation généralisée du recouvrement des cotisations et des opérations de paiement vers les banques et autres institutions financières; ainsi, les bureaux de poste et les institutions de microfinance se chargent désormais du recouvrement des cotisations sociales et/ou du paiement des prestations. Cependant, compte tenu des lenteurs administratives, des contraintes opérationnelles et de la multiplicité et diversité de la clientèle de ces institutions, les probabilités pour les retraités de faire face à des files d’attente aux centres de services restent identiques et s’accompagnent d’une dégradation constante de la qualité des services.

En réponse à la demande d’amélioration continue en vue d’une plus grande efficience et efficacité, les administrations de la sécurité sociale ont adopté des solutions TIC nouvelles et modernes afin d’établir des partenariats stratégiques pour la gestion des régimes et des programmes, renforçant ainsi l’accès réel aux prestations de manière cohérente et en temps opportun. Citons, entre autres, le programme Saving costs through a mobile wallet for pensioners (Diminuer les coûts grâce à un portefeuille électronique pour les retraités), mis en place par le Fonds de pension des autorités locales, Kenya (Local Authorities Pension Trust, 2020c); le paiement en ligne des cotisations sociales, instauré par la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS), Cameroun (Caisse nationale de prévoyance sociale, 2020); ainsi que l’automatisation généralisée des principaux processus métier par les institutions de sécurité sociale dans plusieurs pays du continent.   

Les partenariats stratégiques et l’utilisation de solutions TIC modernes ouvrent de nouvelles voies pour permettre aux administrations de la sécurité sociale de maintenir un flux d’information continu vers les différentes parties prenantes, renforçant ainsi la loyauté des cotisants et des bénéficiaires, tout en établissant des liens avec les cotisants potentiels. Aux Seychelles, le Fonds de pensions des Seychelles est tenu de respecter les dispositions légales en vigueur qui prévoient de fournir à chaque membre un relevé annuel de ses cotisations. Cela génère une charge de travail considérable pour le Fonds, à laquelle s’ajoutent le risque de disposer d’adresses erronées à la suite d’un changement d’emploi des cotisants, et la probabilité que l’employeur – qui sert d’intermédiaire – ne transmette pas le relevé de compte à ses employés. 

Afin d’accomplir son devoir, le Fonds a développé le service de pension en ligne pour l’actualisation systématique et la consultation directe des relevés de compte par les membres. La direction a profité de la forte pénétration d’Internet dans le pays pour développer et intégrer l’application du service de pension en ligne sur le site Web du Fonds et ainsi permettre aux membres de s’inscrire et de consulter facilement leurs relevés de compte. Cette solution a dès lors permis d’améliorer l’efficacité et l’efficience de la transmission des relevés de comptes aux membres (Fonds de pensions des Seychelles, 2020d).  Les solutions TIC modernes jouent également un rôle crucial dans la fourniture des services et améliorent l’accès réel aux prestations et services.  

Conclusion

Ces dernières décennies, les pays africains ont réalisé des progrès considérables en matière d’extension de la couverture de sécurité sociale. Néanmoins, l’extension de la protection sociale à la majorité de la population demeure un défi constant en raison des restrictions politiques et des lacunes au niveau de la capacité administrative des institutions de sécurité sociale, qui les empêchent de toucher, d’affilier et de fournir une protection sociale à un nombre toujours croissant de personnes nécessitant une protection sociale. 

Combiné à une économie informelle généralisée et à des incohérences en matière de conception des politiques/programmes de protection sociale, les administrations de la sécurité sociale doivent lutter contre des niveaux élevés d’exclusion, de travail informel et de non-conformité, tout en améliorant l’accès aux prestations et services, dans le but d’étendre la couverture.

Les expériences des institutions membres de l’AISS en Afrique montrent que:

  1. L’extension de la couverture est possible grâce à l’adoption de mesures subtiles et d’approches innovantes en matière de gestion des régimes de sécurité sociale et des programme d’assistance sociale.
  2. Compte tenu des réalités actuelles, les administrations de la sécurité sociale doivent relever trois défis fondamentaux que sont l’extension de la couverture légale afin de minimiser l’incidence de l’exclusion, la lutte contre l’économie informelle pour promouvoir l’adhésion et renforcer la conformité, et l’amélioration de l’accès à l’information, aux prestations et aux services, dans le but d’étendre la couverture.
  3. Les partenariats stratégiques et les solutions TIC modernes jouent un rôle crucial dans l’amélioration de la capacité administrative des institutions de sécurité sociale, renforçant ainsi l’efficacité et l’efficience pour toucher, affilier et fournir une protection sociale à un nombre toujours croissant de personnes nécessitant des prestations et services de sécurité sociale.

La sécurité sociale n’est pas seulement un droit humain fondamental. C’est un choix crucial qui présente un véritable potentiel socioéconomique pour les individus et la société. Malgré les faibles de taux de couverture actuels au sein des pays et dans toutes les branches de la sécurité sociale, l’expansion de la couverture – en termes de portée et d’extension – est réalisable. Une conception plus cohérente des programmes et politiques, combinée à la mise en place de partenariats stratégiques s’appuyant sur des solutions TIC modernes, peut améliorer la capacité administrative des institutions de sécurité sociale à toucher, affilier et fournir une protection sociale à un nombre toujours croissant de personnes nécessitant des prestations et services de sécurité sociale.          

Références

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