La sécurité sociale des travailleurs indépendants en Europe: progrès et évolution

La sécurité sociale des travailleurs indépendants en Europe: progrès et évolution

L’absence de couverture de la sécurité sociale pour les travailleurs indépendants a récemment suscité un vif intérêt au sein de l’Europe. Les mutations du monde du travail, et notamment la prévalence accrue du travail via une plateforme, ont conduit à une augmentation du nombre de travailleurs indépendants à faible revenu. Ces tendances, associées à la pandémie de COVID-19, ont mis en lumière l’insuffisance historique de la protection des travailleurs indépendants dans toute la région.

Dans la mesure où les règles régissant l’accès à la sécurité sociale ont par le passé été pensées pour les personnes engagées dans une relation de travail traditionnelle, toutes celles exerçant en dehors de ce cadre, notamment les travailleurs indépendants, ne disposent souvent d’aucune couverture adéquate (Commission européenne, 2023). Comme illustré par le graphique 1, des inégalités persistent en Europe concernant l’accès légal aux prestations (de nature obligatoire ou volontaire). Si les salariés peuvent généralement accéder à un ensemble complet de prestations, les travailleurs indépendants sont, quant à eux, moins susceptibles de bénéficier d’une protection aux étapes clés de la vie et face aux aléas du marché du travail, avec des écarts de couverture considérables en matière de chômage, d’accidents du travail et de congés maladie indemnisés.

Graphique 1. Nombre de pays en Europe assurant une couverture légale aux travailleurs indépendants, par branche de la sécurité sociale (2020)

Graphique 1

Source: Profils des pays de l’AISS – Europe (à paraître). Information mise à jour en janvier 2020. Dans le graphique figure la couverture accordée dans le cadre des régimes contributifs (obligatoires ou volontaires) et financés par l’impôt.

Au sein de l’Union europé, la Recommandation du Conseil relative à l’accès des travailleurs salariés et non salariés à la protection sociale préconise une extension de la couverture formelle efficace et adéquate, une simplification des transferts de prestations entre les différents régimes ainsi qu’une transparence accrue des systèmes (ibid.). La recommandation appelle également à combler les lacunes qui existent en matière de couverture légale «au moins sur une base volontaire voire, s’il y a lieu, sur une base obligatoire» (Conseil de l’Union européenne, 2019). Cette distinction reconnaît que, si un nombre croissant de pays en Europe étend la couverture aux travailleurs indépendants dans le cadre de régimes obligatoires pour certains risques, leur affiliation demeure bien souvent volontaire. Et cela malgré les données relatives à une faible adhésion, à une sélection défavorable et à des conséquences connexes qui affectent la possibilité d’assurer un niveau adéquat de prestations et leur financement durable, comme le reconnaissent les conclusions du Conseil sur la protection sociale des travailleurs non salariés publiées récemment (Conseil de l’Union européenne, 2023).

Outre les lacunes en matière de couverture légale, l’accessibilité financière de la sécurité sociale demeure un enjeu constant et croissant pour nombre de travailleurs indépendants. La part des travailleurs indépendants vulnérables et menacés par la pauvreté, notamment les indépendants dits «sans salariés» et ceux en situation de dépendance économique, est notable et en augmentation, en particulier dans certains pays (Schoukens, 2022). Par ailleurs, les taux de cotisation des indépendants sont généralement bien supérieurs à ceux des salariés. Comme illustré par le graphique 2, en raison de la nécessité de prendre en compte la part à charge du salarié et celle à charge de l’employeur, le taux de cotisation de nombreux travailleurs indépendants à travers l’Europe s’élève à plus du double de celui généralement appliqué aux salariés.

Graphique 2. Taux de cotisation, au total, des travailleurs indépendants et des salariés pour toutes les branches de la sécurité sociale

Graphique 2

Source: Profils des pays de l’AISS – Europe (à paraître). Information mise à jour en janvier 2020. Le taux de cotisation renvoie à un pourcentage du revenu (pour les salariés) ou du revenu déclaré (pour les indépendants). Les systèmes proposant une cotisation forfaitaire ne figurent pas dans ce graphique.

Toutefois, le fait de combler le vide juridique qui existe en matière de couverture et d’aborder la question de l’accessibilité financière ne pourra résoudre que partiellement le problème. Afin d’atteindre efficacement les travailleurs indépendants, il convient également de connaître avec précision leurs besoins spécifiques et les défis auxquels ils font face, notamment les difficultés relatives au calcul et à la déclaration des cotisations, le maintien d’une densité adéquate des cotisations ainsi que la méconnaissance du système de sécurité sociale dans son ensemble ou des conséquences liées au choix d’un «autre» statut professionnel (AISS, 2012). Des outils administratifs pratiques sont nécessaires pour surmonter ces obstacles et faciliter la pleine intégration des travailleurs indépendants au système de sécurité sociale.

Le présent article met en lumière les évolutions récentes dans le domaine de la sécurité sociale des travailleurs indépendants en Europe. Il vient compléter une série d’articles parus précédemment sur la sécurité sociale pour les travailleurs de plateformes en Europe et au-delà (AISS, 2023a, 2023b et 2023c). Il aborde les trois thématiques suivantes: les approches permettant l’instauration et le maintien d’un système de sécurité sociale inclusif qui garantit aux travailleurs une couverture complète indépendamment de leur statut professionnel; les réformes ou initiatives qui assurent l’accessibilité financière, l’adéquation et la viabilité à long terme du système; et la simplification des procédures administratives pour faciliter la participation des travailleurs indépendants au régime contributif.

Proposer une couverture plus exhaustive aux travailleurs indépendants

Au-delà d’un niveau minimum de sécurité de revenu assuré par des dispositifs financés par l’impôt, le caractère adéquat et inclusif d’un système repose sur une couverture légale et un accès effectif à des prestations par le biais de régimes fondés sur la rémunération, laissant entendre que les «systèmes les plus inclusifs» proposent une couverture pour toutes les branches sur une base obligatoire (Spasova et al., 2019). En Slovénie, par exemple, les travailleurs indépendants bénéficient d’une couverture pour l’ensemble des régimes obligatoires d’assurance sociale grâce à une application unique (ZPIZ, 2023); des méthodes similaires ont également été adoptées en Croatie, en Hongrie, en Islande et au Luxembourg. Par contraste, au Danemark, en Finlande et en Suède, un accès de niveau supérieur se fait «à la carte» avec une couverture légale pour l’ensemble des risques, mais la participation reste toutefois volontaire pour certains risques.

Plusieurs pays de la région, dont l’Irlande, le Portugal et la France, sont parvenus à étendre la couverture grâce à une offre de prestations plus complète proposée aux travailleurs indépendants dans le cadre des régimes obligatoires. L’Irlande, pays dans lequel l’assurance sociale des indépendants est obligatoire depuis 1988, a notamment adopté une approche par paliers pour ce qui a trait à la couverture obligatoire. Ne prenant en compte à l’origine que les pensions de vieillesse et de réversion, la couverture a été étendue pour y inclure les prestations de maternité en 1997 (ministère de la Protection sociale, 2023), puis les prestations d’invalidité en 2017 (INOU, 2024), et enfin l’assurance chômage en 2019 dans le cadre du dispositif de prestations pour les demandeurs d’emploi ayant cotisé en tant qu’indépendants (Jobseeker’s Benefit for the Self-employed) (Citizens Information, 2024; Reddan, 2019). En 2012, malgré des exemptions sous certaines conditions, le Portugal a étendu la couverture obligatoire pour l’assurance chômage aux travailleurs indépendants, qu’ils soient entrepreneurs indépendants, à la tête d’une société à responsabilité limitée à un seul associé ou en situation de dépendance économique. Le pays a par ailleurs amélioré les prestations de maladie ainsi que les allocations de soins pour l’ensemble des indépendants (ISS, 2022). De même, en 2021, la France a ouvert aux travailleurs indépendants exerçant une profession libérale (comme la fourniture de services intellectuels, techniques ou de soins) l’accès aux indemnités maladie journalières en espèces pour une période maximale de quatre-vingt-dix jours et calculées sur la base des recettes de cotisations moyennes lors des trois années précédentes (Ameli, 2024).

Le degré d’inclusivité d’un système national de protection sociale vis-à-vis des travailleurs indépendants a des conséquences importantes sur la capacité de ce système à composer avec des formes de travail nouvelles et émergentes (comme le travail de plateformes), qui viennent mettre à mal les classifications traditionnelles. D’après de récentes études, la structure actuelle des prestations sociales – et notamment le degré d’accessibilité des travailleurs indépendants à la protection sociale – peut contribuer à définir la nature de la réponse juridique, politique et stratégique apportée par un pays face au travail de plateformes (Sieker, 2022). Les systèmes faisant preuve d’une plus grande inclusivité envers les travailleurs indépendants, tels que ceux des pays nordiques et de l’Autriche, sont parvenus à adopter à cet égard des mesures plus axées sur l’intégration, qui n’ont représenté qu’un changement mineur et entraîné moins de confrontation (ibid.).

Aborder les questions d’accessibilité financière, d’adéquation et de durabilité des régimes

Même en cas de couverture légale inclusive, le fait d’assurer aux travailleurs indépendants des prestations adéquates et financièrement accessibles, sans pour autant nuire à la durabilité financière des régimes, demeure un défi de taille. Un objectif particulièrement important consiste à garantir des cotisations suffisantes sur une période prolongée dans le but d’accumuler des droits. En vue de surmonter ces défis, les pays ont cherché de nouveaux dispositifs pour partager la responsabilité des cotisations et ont procédé à l’adaptation de l’assiette de cotisation. Pour favoriser les affiliations, ils ont également instauré des subventions et procuré une certaine souplesse. Devant composer avec, d’une part, l’accessibilité financière et, d’autre part, l’adéquation des prestations, les pays de la région adoptent en permanence des réformes visant à sécuriser la viabilité des systèmes sur le long terme.

Les travailleurs indépendants en situation de dépendance économique et le revenu de base flexible au Portugal

Plusieurs pays en Europe, dont l’Espagne, l’Italie et le Portugal, classent les travailleurs indépendants en situation de dépendance économique dans une sous-catégorie spécifique, qui bénéficie souvent d’un meilleur accès aux prestations par rapport aux non-salariés. Les récentes réformes adoptées au Portugal ont étendu la couverture de la sécurité sociale aux travailleurs indépendants grâce à la reconnaissance d’une situation de dépendance économique de certains travailleurs, obligeant le donneur d’ordres à verser des cotisations tout en permettant une certaine souplesse en matière de déclaration de revenus.

Au Portugal, l’Institut de la sécurité sociale (Instituto da Segurança Social) détermine le statut des «donneurs d’ordres» en fonction de l’ensemble des déclarations de revenus annuelles du travailleur. Les donneurs d’ordres qui représentent entre 50 et 80 pour cent de la valeur totale de l’activité d’un travailleur indépendant au cours d’une année civile sont tenus de verser chaque année des cotisations au titre de la sécurité sociale des travailleurs à un taux de 7 pour cent (et de 10 pour cent si le donneur d’ordres représente plus de 80 pour cent de la valeur de l’activité) (ISS, 2023). Ces entités reçoivent une notification pour chaque travailleur concerné et peuvent, sur le portail de la sécurité sociale, consulter leur statut et effectuer directement le versement de leur cotisation annuelle. Si elle ne concerne qu’un faible pourcentage de travailleurs indépendants, l’implication d’un tiers (également disponible dans d’autres pays pour certains sous-groupes, voir l’encadré 1) permet une couverture plus équitable.

En outre, les travailleurs indépendants au Portugal jouissent d’une grande souplesse pour déterminer leur assiette de cotisation qui est liée à leurs déclarations de revenus trimestrielles. Seuls 70 pour cent des revenus trimestriels déclarés sont pris en compte dans le calcul des cotisations, avec l’application d’un taux standard de 21,4 pour cent sur la moyenne mensuelle. La principale caractéristique de ce dispositif est qu’il permet aux travailleurs de définir chaque trimestre si leur revenu imposable est supérieur ou inférieur à celui du trimestre précédent, par intervalles de 5 pour cent et jusqu’à 25 pour cent. Les travailleurs peuvent ainsi prendre en compte la fluctuation de leurs revenus et bénéficier d’une autonomie dans la gestion de leurs cotisations à la sécurité sociale. En guise d’incitation supplémentaire et de dispositif d’amortissement lors des périodes de transition, une faible cotisation forfaitaire est appliquée aux travailleurs indépendants lors du premier trimestre suivant leur affiliation et pour tous les trimestres lors desquels les revenus perçus sont faibles ou inexistants (ISS, 2023).

Encadré 1. Régimes adaptés à des profils particuliers de travailleurs indépendants

En Allemagne, la Caisse d’assurance sociale des artistes (Künstlersozialkasse – KSK) a été reconnue comme un exemple de réussite pour aborder la question des conditions d’emploi des travailleurs indépendants aux profils particuliers.

Dans le cadre de la KSK, les artistes et les écrivains indépendants qui satisfont aux exigences en matière d’assurance obligatoire bénéficient d’un modèle tripartite dans lequel ils ne s’acquittent que de la moitié des cotisations, tandis que la tranche restante est prise en charge par une subvention du gouvernement fédéral (à hauteur de 20 pour cent) et par les cotisations sociales versées par les entreprises qui recourent à des services artistiques et d’édition (à hauteur de 30 pour cent). Les cotisations des utilisateurs et de l’État permettent de compenser celles qui auraient été versées par un employeur si l’artiste jouissait d’un contrat à long terme (OCDE, 2018). Les cotisations mensuelles des travailleurs sont toujours calculées à partir de leurs revenus professionnels puis, une fois «complétées» par la KSK, elles sont transférées aux organismes d’assurance pension, d’assurance maladie et d’assurance dépendance (KSK, 2023).

Une assiette de cotisation adaptée en Espagne

En Espagne, les travailleurs indépendants sont affiliés à un régime spécial, dans lequel le versement des cotisations à la sécurité sociale intervient dès le premier jour du mois de lancement de l’activité. Depuis janvier 2023, les cotisations sont désormais calculées sur la base du revenu net. Ce nouveau système se caractérise par une grande souplesse et par l’intégration de nouvelles prestations, dont certaines ont fait l’objet d’une augmentation en termes tant de montant que de durée. Il représente une réelle avancée en matière d’égalité des prestations et cotisations pour l’ensemble des travailleurs.

Conformément aux changements apportés, les indépendants déclarent leur revenu annuel attendu puis, après un abattement de 7 pour cent au titre des frais normalisés, sont classés dans l’une des 15 tranches auxquelles est associé un montant minimum et maximum de cotisations. Les trois premières tranches font partie du régime de «cotisation moindre» instauré pour les travailleurs dont le revenu est inférieur au salaire minimum interprofessionnel, avec des cotisations inférieures à celles prélevées précédemment. Trois travailleurs indépendants sur quatre devraient être concernés par ledit régime. Il permet également aux travailleurs de modifier leur assiette de cotisation jusqu’à six fois par an en fonction de la variation de leur revenu net annuel prévu. Tant l’affiliation au régime que la déclaration de l’activité peuvent être effectuées sur le site Importass conçu à cet effet (voir l’encadré 2).

Enfin, les nouveaux entrepreneurs peuvent demander à bénéficier lors de leur première année d’activité d’une cotisation forfaitaire réduite d’un montant de 80 euros (EUR) par mois. Ce dispositif peut être prolongé d’un an en cas de revenu inférieur au salaire minimum interprofessionnel, voire de deux ans, ou même de trois ans, pour certaines catégories de travailleurs (Seguridad Social, 2023). Les communautés d’Andalousie, de Madrid et de Murcie ont franchi une étape supplémentaire en mettant en place un dispositif «zéro frais» entièrement subventionné pour les nouvelles affiliations au régime forfaitaire de la communauté. Une solution similaire, avec toutefois des exigences complémentaires, a également été adoptée par les communautés des îles Baléares et de La Rioja (Instituto BBVA de Pensiones, 2023).

Les incitations au moyen de primes en Türkiye

En Türkiye, les travailleurs indépendants sont affiliés au régime général et jouissent de prestations similaires à celles des salariés. Des incitations financières sont même mises en place afin d’encourager leur affiliation. Anciennement connu sous le nom de BAĞ-KUR, le système des travailleurs indépendants s’intitule désormais «4/b», du nom de l’article régissant l’application de la Loi 5502 relative à l’institution de sécurité sociale. Les cotisations au titre des prestations de courte durée (couvrant les risques professionnels, la maladie et la maternité), de longue durée (invalidité, pension de vieillesse et pension de réversion) et de la branche maladie sont prélevées sur la base du revenu déclaré en appliquant, respectivement, un taux de 2, de 20 et de 12,5 pour cent.

Dans le cadre d’un projet plus vaste visant à accroître l’emploi formel, notamment chez les femmes, les jeunes et les personnes en situation de handicap, la Türkiye a adopté plusieurs lois avec un ensemble de 18 mesures axées sur des incitations, des rabais et une assistance en matière de cotisations d’assurance. Si les mesures mises en place englobent de multiples groupes, elles ont un impact direct sur les travailleurs indépendants avec un rabais de 5 points de pourcentage automatiquement appliqué à tous ceux qui sont affiliés au régime 4/b à jour de leurs cotisations, c’est-à-dire non endettés auprès de l’Institution de sécurité sociale (Sosyal Güvenlik Kurumu – SGK). Ce rabais, qui permet de diminuer le taux de cotisation total de 34,5 à 29,5 pour cent, est financé par le ministère du Trésor et des Finances et applicable dans la branche d’assurance pour les prestations de longue durée. Cette incitation vise à favoriser le paiement des cotisations en temps opportun, tout en atténuant les pressions financières. Les incitations sont encore plus importantes pour les jeunes entrepreneurs âgés de 18 à 29 ans affiliés au régime 4/b, dont les cotisations sont entièrement prises en charge par le ministère du Trésor pendant une année.

Une confirmation du revenu des travailleurs indépendants en Finlande

Pour assurer la viabilité et l’adéquation notamment en ce qui a trait au phénomène de sous‑assurance, la Finlande a adopté en 2022 une réforme visant à modifier le revenu pris en compte dans le calcul des cotisations d’assurance pension pour les travailleurs indépendants. Dans le système précédent, un taux de cotisation de 25,6 ou de 24,1 pour cent était appliqué au revenu annuel déclaré par le travailleur, conduisant souvent ce dernier à choisir la tranche de cotisation la plus faible avec des répercussions négatives sur le montant de sa pension liée au revenu et d’autres transferts de revenu tels que les prestations de maladie et de congé pour obligations familiales (Kangas, 2022).

Depuis janvier 2023, le taux de cotisation est maintenu, mais est désormais appliqué au «revenu confirmé tiré d’une activité indépendante» (revenu YEL), un montant devant correspondre à la valeur monétaire de la prestation de travail, soit le salaire qui serait versé si l’activité du travailleur indépendant était réalisée par un travailleur salarié (Centre finlandais des pensions, 2023). Les estimations du revenu YEL sont effectuées par les prestataires de pension qui utilisent tous la même méthode de calcul fondée sur le chiffre d’affaires et le salaire médian du secteur d’activité (ibid.). Cette approche offre aux travailleurs une certaine marge de manœuvre, dans la mesure où le système de calcul permet au revenu YEL un écart de 30 pour cent par rapport au montant recommandé. En outre, les travailleurs peuvent fournir des renseignements supplémentaires sur la valeur monétaire de leur prestation de travail pour justifier d’un écart par rapport à l’estimation globale. Enfin, la réforme prévoit des dispositifs de suivi régulier avec une révision et une adaptation du revenu YEL tous les trois ans. Lors des deux premiers exercices de révision, le prestataire de pension peut augmenter le revenu annuel confirmé jusqu’à 4 000 EUR à la fois, ce qui se traduit par une augmentation des cotisations de pension mensuelles à hauteur de 80 EUR maximum lors de chaque révision.

Améliorer l’accessibilité, faciliter la couverture et s’adapter aux nouveaux types d’emplois indépendants

Outre la couverture légale et les mesures mises en place pour assurer l’accessibilité financière, l’adéquation et la viabilité, il s’est avéré compliqué d’étendre la couverture de sécurité sociale aux indépendants en raison d’un décalage entre les exigences administratives et la nature même de l’emploi indépendant et de l’entrepreneuriat (AISS, 2012), ainsi que d’une méconnaissance du sujet parmi les travailleurs indépendants. Conformément aux Lignes directrices de l’AISS en matière de solutions administratives pour l’extension de la couverture, il est important que les outils et mécanismes administratifs soient adaptés aux besoins particuliers de la population cible (AISS, 2022). Des solutions spécifiques doivent également tenir compte des nouveaux types d’emplois indépendants, comme les travailleurs inscrits sur plusieurs plateformes et percevant un revenu de celles-ci ou bien les travailleurs de plateformes exerçant une activité en ligne pour des donneurs d’ordres situés à l’étranger. Pour relever ces défis, les pays ont simplifié l’affiliation et le paiement des cotisations, ont procédé à l’uniformisation des procédures auprès d’autres organisations, ont promu les systèmes de sécurité sociale en en facilitant l’accès et ont œuvré à la mise en place de régimes fiscaux qui favorisent les nouvelles formes d’emplois indépendants.

Le statut d’autoentrepreneur en France

En janvier 2020, à des fins de simplification en matière de gestion et de suivi, le régime social des indépendants (RSI) a été intégré au régime général de la sécurité sociale. À l’exception des prestations de chômage qu’ils ne peuvent percevoir et de dispositions moins intéressantes en cas d’accidents du travail et d’invalidité, la protection offerte aux indépendants est comparable à celle des salariés. Sont tenus de s’affilier au régime les travailleurs indépendants réguliers ainsi que les autoentrepreneurs, un statut disponible pour toute personne souhaitant déclarer une activité économique principale ou complémentaire. Ce statut facilite les procédures de création et de gestion d’une entreprise individuelle tout en permettant aux travailleurs de bénéficier d’un régime de cotisation simplifié.

En tant qu’autoentrepreneurs, les travailleurs sont exemptés de TVA et leurs cotisations à la sécurité sociale sont calculées sur la base du chiffre d’affaires déclaré chaque mois ou chaque trimestre. Les taux de cotisation varient de 6 à 21,2 pour cent en fonction de l’activité réalisée (artisanat, commerce ou profession libérale, comme la fourniture de services intellectuels, techniques ou de soins). Le calcul des cotisations sur la base du revenu déclaré allège la pression financière qui pèse sur les travailleurs avec un versement de cotisations uniquement en cas de revenu perçu. Ce type de calcul permet également d’aborder les défis d’ordre administratif en limitant la nécessaire tenue d’un registre des recettes et des achats qui précisent le mode de paiement. À l’instar d’autres innovations numériques adoptées dans le pays (voir l’encadré 2), tant les déclarations de revenus que le paiement des cotisations s’effectuent par voie électronique via le site ou l’application mobile conçus à cet effet. Les travailleurs ont également la possibilité de fusionner le paiement de leurs cotisations sociales et de leur impôt sur le revenu. Des efforts importants ont été déployés pour promouvoir ce site Web et son utilisation.

Les procédures simplifiées ainsi que l’adaptation du montant des cotisations au revenu perçu encouragent l’affiliation au régime de sécurité sociale, malgré de possibles répercussions sur le long terme en matière de prestations. Le régime de pensions de vieillesse s’appuyant sur le nombre de trimestres validés, un modèle dans lequel une absence de revenu donne lieu à une absence de cotisation peut nuire à la capacité des travailleurs à satisfaire aux conditions pour la reconnaissance de ce droit. Si les travailleurs indépendants ont la possibilité de verser des cotisations de base dans chaque régime, procéder de la sorte les sort automatiquement du système consacré aux autoentrepreneurs pour les intégrer au système classique des indépendants en perdant le bénéfice d’un paiement fusionné des cotisations.

Encadré 2. Les innovations numériques au profit de la sensibilisation et d’un meilleur accès

Outre la simplification en matière d’affiliation et de recouvrement des cotisations, les innovations numériques contribuent à surmonter les obstacles liés au déficit de connaissance des sujets relatifs à la sécurité sociale. Toutefois, les sites Web contenant des renseignements sur les prestations et les procédures en des termes simples et mettant à disposition des outils de simulations des cotisations permettent de combler le déficit d’informations et d’aider les travailleurs indépendants à satisfaire à leurs obligations dans le domaine de la sécurité sociale.

Mon-entreprise (France)

L’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) propose des guides en ligne axés sur la création d’entreprise, avec un outil d’aide à la décision comportant une liste de questions simples et dynamiques ainsi que des fonctionnalités pour épauler les travailleurs, qu’il s’agisse de choisir un statut juridique, de simuler les cotisations à la sécurité sociale ou autre.

Importass (Espagne)

La plateforme Importass vise à fournir des renseignements et à faciliter les procédures à partir de tout dispositif électronique via un espace public et un espace personnalisé (espace personnel). Sur cette plateforme, les assurés peuvent consulter en temps réel leurs informations personnelles, leurs antécédents professionnels et leur situation en matière de sécurité sociale. Les travailleurs indépendants ont accès à une rubrique spécifique sur le portail qui regroupe toutes les procédures dont ils pourraient avoir besoin. L’espace personnel de ces travailleurs est toujours en cours d’élaboration.

Le compte de l’entrepreneur en Estonie

En Estonie, depuis janvier 2019, les travailleurs indépendants dont le revenu par année civile est inférieur à 40 000 EUR peuvent ouvrir un compte de l’entrepreneur. Celui-ci est conçu comme un dispositif permettant à un individu de déclarer ses revenus à la suite d’une rémunération pour la fourniture de biens ou de services à une personne morale ou physique. Il simplifie les procédures administratives et offre aux individus la possibilité d’exercer leur activité économique sans avoir à s’enregistrer en tant qu’entreprise individuelle, à conserver des documents comptables ou à émettre des factures. En facilitant les opérations relatives à la sécurité sociale et aux impôts pour les nouveaux types d’emplois indépendants, le compte de l’entrepreneur prend en charge plusieurs sources de revenus grâce à la coordination et l’interconnexion entre la Direction estonienne des impôts et des douanes (MTA) et la banque gestionnaire du compte de l’entrepreneur. Ce compte individuel permet le versement automatique des cotisations, avec une retenue aux fins de l’impôt et de la sécurité sociale à hauteur de 20 pour cent pour les revenus jusqu’à 25 000 EUR, et de 40 pour cent pour les revenus supérieurs à 25 000 EUR (voir le graphique 3). Sur le montant total prélevé, 60 pour cent sont affectés à la taxe sociale, 36,4 pour cent à l’impôt sur le revenu et 3,6 pour cent à la retraite obligatoire par capitalisation. Le droit à l’assurance maladie est garanti à condition que la part consacrée à la taxe sociale ne soit pas inférieure au montant minimum mensuel obligatoire (fixé à 215,82 EUR en 2023). Les travailleurs peuvent en outre contrôler leurs droits en consultant le statut de leur compte sur un site créé à cet effet.

Graphique 3. Illustration des procédures de mise en œuvre d’un compte de l’entrepreneur en Estonie

Graphique 3

S’il constitue une solution innovante en termes de taxation, de simplification de l’affiliation et de portabilité, le compte de l’entrepreneur a également ses inconvénients. En effet, le montant minimum mensuel obligatoire aux fins de la taxe sociale étant identique dans les différents régimes, le recours au compte de l’entrepreneur en tant que source unique pour la sécurité sociale a pour effet une hausse du revenu mensuel minimum permettant d’atteindre le seuil, passant de 654 à 1 798,50 EUR, en raison de l’évolution du taux de 33 à 12 pour cent (60 pour cent de 20 pour cent). Il est donc plus approprié d’utiliser ce compte non pas en tant que source unique, mais davantage en tant que complément à la sécurité sociale. Le compte de l’entrepreneur est notamment incompatible avec les prestations de chômage, car l’ouverture d’un compte, même en l’absence de transactions, empêche la reconnaissance du statut de «chômeurs», obligeant donc les individus à fermer le compte avant de déposer une demande de prestations. Toutefois, dans la mesure où il simplifie les processus et permet de cotiser sur la base de plusieurs sources de revenus, le compte de l’entrepreneur demeure particulièrement adapté aux travailleurs de plateformes.

Le régime fiscal des indépendants en Serbie

Étant l’un des pays qui affichent le taux de travailleurs en ligne le plus élevé (Stephany et al., 2021), l’administration fiscale en Serbie a mis en œuvre en 2022 un nouveau système de taxation pour les travailleurs indépendants. Celui-ci s’applique aux personnes physiques (résidents et non-résidents) qui génèrent des revenus en travaillant en Serbie et aux personnes morales qui, lorsqu’elles versent des revenus, n’effectuent aucun calcul ni aucun versement de taxes ou de cotisations dans le pays. Conçu pour les travailleurs indépendants, ce système reconnaît l’activité réalisée en ligne grâce à des mesures ciblant les revenus perçus par l’intermédiaire de sites Web dans une monnaie étrangère (NALED, 2023).

Depuis janvier 2023, les indépendants déclarent leur revenu chaque trimestre et peuvent choisir entre les deux modèles de taxation suivants: le modèle A à 20 pour cent avec frais normalisés de 96 000 dinars serbes (RSD) et le modèle B à 10 pour cent avec frais normalisés de 57 900 RSD + 34 pour cent du revenu brut (ibid.). Si le taux de cotisation à la sécurité sociale (assurance invalidité et pension) est identique dans les deux modèles (soit 24 pour cent), dans le modèle A – conçu pour les individus qui envisagent de percevoir de faibles revenus – les revenus inférieurs au niveau des frais normalisés ne sont pas assujettis aux cotisations, tandis que dans le modèle B les affiliés doivent verser une cotisation obligatoire d’au moins 25 218 RSD. L’assurance santé est obligatoire dans les deux modèles en cas de non-affiliation du travailleur dans le cadre d’une autre forme d’emploi exercée.

Le nouveau système met également à disposition des outils en ligne conçus pour simplifier les procédures, avec un outil de simulation des taxes permettant aux travailleurs d’estimer leurs cotisations et par conséquent de choisir le modèle auquel s’affilier. Pour les travailleurs déjà assurés dans le cadre d’un emploi régulier (ou lorsque les versements sont effectués en leur nom dans le cadre de tout autre régime), les cotisations en tant qu’indépendants augmentent le coefficient personnel pour le calcul de la pension et donc le montant des prestations perçues lorsqu’ils satisfont aux conditions pour la reconnaissance de ce droit. Grâce au maintien des deux modèles et à la possibilité d’opter pour l’un ou pour l’autre chaque trimestre, le système fournit aux travailleurs le moyen d’évaluer et de choisir le régime fiscal le plus adapté à leur revenu ainsi que les droits en matière de sécurité sociale dont ils souhaitent bénéficier. Cette stratégie permet également de favoriser le développement des activités indépendantes.

Remarques complémentaires

En Europe comme ailleurs, il est essentiel d’assurer aux travailleurs indépendants une protection sociale complète et adéquate, tant pour des raisons de principe – dans le respect du droit à la sécurité sociale – que pour des questions de stratégie visant l’extension de la couverture aux travailleurs exerçant sous de nouvelles formes de travail, notamment le travail de plateformes. Malgré la position de la région en tant que leader historique de la promotion d’une sécurité sociale relativement exhaustive et le niveau de couverture globale élevé, les droits des indépendants demeurent lacunaires et varient considérablement au sein de l’Europe.

Dans ce contexte, l’amélioration de la couverture des travailleurs indépendants a constitué ces dernières années une priorité pour de nombreux pays européens. Parmi les dispositifs clés adoptés, citons les suivants: l’extension de la couverture pour intégrer de nouvelles prestations; le renforcement de l’accessibilité financière, de l’adéquation et de la viabilité; l’amélioration de la réactivité des systèmes administratifs; et l’adaptation des systèmes de sécurité sociale et de recouvrement aux évolutions récemment observées quant à la structure du travail des indépendants. Les mesures prises en matière de sécurité sociale s’inscrivent par ailleurs dans un contexte de réformes plus vastes du système fiscal des travailleurs indépendants.

Comme mentionné dans le 12e principe du socle européen des droits sociaux, c’est en respectant le principe d’une sécurité sociale adéquate et comparable pour un travail équivalent (Parlement européen, Conseil européen et Commission européenne, 2017) que les pays peuvent garantir que la décision d’exercer une activité indépendante est plus dictée par les avantages apparents que confère ce type d’activité – à savoir l’autonomie, la flexibilité, l’entrepreneuriat et le perfectionnement des compétences – que par de potentielles conséquences (négatives) que cette activité pourrait avoir en matière de protection des travailleurs. Pour assurer la couverture adéquate et exhaustive des travailleurs indépendants, il faudra disposer d’un ensemble d’outils permettant aux systèmes de mieux relever les défis que suppose l’activité de ces travailleurs, tout en garantissant la cohérence, la viabilité et la compatibilité entre les approches adaptées et les droits et obligations de tous les travailleurs, afin de prendre en compte la flexibilité croissante des carrières professionnelles.

Enfin, la mise en place en Europe de régimes axés sur la flexibilité et l’inclusivité, qui tiennent compte de l’évolution constante du marché du travail et de la nature dynamique des revenus et des statuts professionnels, permettra de mieux couvrir les travailleurs indépendants ainsi que tout travailleur, peu importe la forme de son activité.

 

Références

AISS. 2012. Manuel sur l’extension de la couverture de sécurité sociale aux travailleurs indépendants . Genève, Association internationale de la sécurité sociale.

AISS. 2022. Lignes directrices de l’AISS en matière de solutions administratives pour l’extension de la couverture. Genève, Association internationale de la sécurité sociale.

AISS. 2023a. Les travailleurs de plateforme et la protection sociale: les avancées sur la scène internationale. Genève, Association internationale de la sécurité sociale.

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