La crise de la COVID-19 a contraint les pays des Amériques à prendre des mesures sans précédent pour protéger leur population, en premier lieu dans les domaines de la santé publique et de la sécurité sociale. Les États ont notamment mis au point un large éventail de politiques visant à protéger les citoyens contre la perte de revenu lorsque les confinements ont rendu impossible l’exercice d’une activité économique productive. Ces politiques sont à la fois nombreuses et variées, englobant des mesures de protection de l’emploi, le recours aux régimes d’indemnisation du chômage et la création de programmes sociaux pour protéger les publics les plus durement touchés par la crise, comme les travailleurs indépendants et informels.
Les exemples analysés révèlent que divers nouveaux programmes et nouvelles prestations s’adressant à de larges segments de la population ont été déployés dans le cadre d'interventions d’une ampleur sans précédent. Les institutions de sécurité sociale ont contribué de manière déterminante à l’efficacité et à l’efficience de la mise en œuvre de ces nouvelles mesures. De même, les prestataires de soins de santé ont joué un rôle fondamental dans le déploiement des mesures sanitaires prises à l’échelon national. À noter que ces institutions sont parvenues à assurer la continuité de leurs services en face à face tout en réduisant les contacts physiques inutiles avec le public. Le recours à des canaux numériques et à la télémédecine et le passage à une approche alliant l’humain et le numérique ont non seulement permis d'obtenir ce résultat, mais ont aussi montré la voie à suivre pour évoluer vers une sécurité sociale plus agile et une meilleure qualité des services.
La crise de la COVID-19 a aussi montré que les systèmes de sécurité sociale devaient changer pour offrir au public une protection plus forte. Bon nombre des mesures adoptées pourraient contribuer à atteindre ces objectifs – tant du point de vue du contenu des politiques sociales que des aspects opérationnels.
Messages clés
- L’impact de la COVID-19 a obligé les pays de la région Amériques a prendre des mesures sans précédent, en particulier dans les domaines de la santé et de la sécurité sociale, afin de protéger les segments de la population les plus durement touchés.
- Les prestataires de soins de santé ont apporté une contribution vitale à l’effort national. En adoptant des mesures innovantes, ils ont réussi à assurer la continuité de l’offre de services publics.
- Les mesures de protection de l’emploi et le soutien aux personnes privées de leur emploi et aux groupes vulnérables à travers des programmes d’urgence font partie des mesures de sécurité sociale qui ont joué un rôle majeur. De plus, les entreprises touchées par la crise ont été soutenues par un assouplissement de leurs obligations en matière de sécurité sociale.
- Les institutions de la région Amérique ont notamment eu pour priorité de garantir la continuité des services publics. La numérisation et l’offre de services téléphoniques et à domicile ont joué un rôle crucial à cet égard. Au niveau national, la coordination entre les institutions de sécurité sociale et d'autres organismes a été déterminante pour la mise en œuvre de la réponse des pouvoirs publics.
- Le rôle important des institutions de sécurité sociale dans la protection de la population nationale est l'un des principaux enseignements à retenir de la pandémie. Leurs capacités et leur résilience sont dont déterminantes lorsqu’il s'agit d'affronter des situations exceptionnelles.
- La crise provoquée par la COVID-19 a révélé au grand jour les lacunes de la protection sociale, en particulier pour les travailleurs indépendants et les travailleurs informels. Dans le même temps, elle a également conduit à des améliorations du système. Les enseignements tirés lors de la mise en œuvre de mesures destinées à protéger les groupes les plus touchés, de même que les leçons à retenir de la numérisation des services et des actions menées pour assurer leur continuité, seront précieux pour continuer de développer les systèmes et services de sécurité sociale.
Politiques sociales et programmes mis en place en réponse à la crise
La crise de la COVID-19, qui a commencé en mars 2020, a déstabilisé les économies et les systèmes de sécurité sociale du monde entier. Selon les estimations de l’Organisation internationale du Travail (OIT), l'équivalent de 255 millions d’emplois à temps plein ont été détruits dans le monde en 2020 (BIT, 2021).
Dans ce contexte, en plus de déployer des politiques de santé face à la pandémie, les pays ont élaboré un ensemble de mesures d’urgence pour protéger les catégories de la population les plus durement touchées. Parmi ces mesures figurent divers dispositifs de maintien dans l’emploi visant à sauver des emplois. Confrontées à des destructions d’emplois bien réelles, les institutions de sécurité sociale ont non seulement introduit des régimes de chômage temporaire d’urgence, mais aussi augmenté le montant et la durée de versement de prestations existantes. Certains pays ont, en plus de ces mesures, apporté un soutien aux entreprises des secteurs les plus sinistrés pour les aider à réintégrer les travailleurs licenciés (AISS, 2021a).
Soutien à l’emploi et prestations de chômage
Les prestations de chômage ont pour but de compenser la perte de revenu provoquée par le chômage involontaire. D'après les calculs de l’OIT, seulement 38,6 pour cent de la population mondiale ont accès à une forme quelconque de protection et seulement 21,8 pour cent perçoivent effectivement des prestations (BIT, 2017), ce qui représente un taux de couverture inférieur à celui constaté dans les autres branches de la sécurité sociale.
AISS (2021) décrit une série de mesures adoptées dans la région Amériques depuis le deuxième semestre 2020. Ces mesures peuvent être réparties dans deux grandes catégories: i) la majoration des prestations de chômage et l'assouplissement des conditions d'ouverture des droits et d'accès à une couverture maladie; et ii) l’introduction à titre temporaire de prestations de chômage supplémentaires, forfaitaires ou proportionnelles aux prestations existantes, visant à apporter rapidement un soutien aux travailleurs et aux familles. Dans certains pays où la branche chômage n’existait pas, des aides ont été versées aux chômeurs sous la forme de transferts monétaires, y compris aux travailleurs indépendants et aux travailleurs informels, généralement exclus du champ d'application des régimes de protection contre le chômage (AISS, 2020a).
La «Prestation forfaitaire d’urgence et l’extension de la couverture d'assurance maladie», en Colombie, la «Prestation d'assistance chômage temporaire», en Dominique, le versement d'aides financières aux travailleurs indépendants et informels précaires au Salvador et en Argentine («Programme d’aide d’urgence au travail et à la production»), de même que l'aide aux familles de travailleurs indépendants précaires au Pérou sont des exemples de ces mesures. La «Prestation en espèces en faveur des entreprises du secteur du tourisme réintégrant des travailleurs en chômage partiel», en Uruguay (BPS, 2021), et le programme «BEST Cash», en Jamaïque, appartiennent à une troisième catégorie de mesures, en l’occurrence celles prises pour soutenir les entreprises dans les secteurs d'activité les plus sinistrés.
La République dominicaine a accordé aux entreprises touchées par le confinement et immatriculées auprès de la Trésorerie de la sécurité sociale (Tesorería de la Seguridad Social – TSS) une subvention salariale égale à 70 pour cent de leur masse salariale.
Soutenir les publics vulnérables
La crise a conduit les pouvoirs publics à créer des prestations sociales d’urgence pour protéger les catégories de la population dépourvues de couverture et à étendre les régimes existants aux groupes vulnérables. Ces prestations ont revêtu des formes diverses et peuvent être réparties dans les catégories suivantes:
- Prestations en espèces temporaires. Prestations versées régulièrement pendant une durée limitée. Les critères d’ouverture des droits, variables, reposaient sur le revenu, la perte d’emploi et la composition du ménage.
- Prestations versées en une seule fois. Ces prestations spéciales avaient pour but d'aider les plus vulnérables, même si dans certains cas, elles ont parfois été versées à l’ensemble de la population.
- Majoration de prestations existantes. Certaines institutions de sécurité sociale ont augmenté temporairement les prestations existantes.
- Paiement anticipé de prestations. En plus de répondre aux besoins financiers engendrés par la crise, les autorités ont cherché à réduire le risque sanitaire lié à l’affluence dans les centres de paiement.
- Assouplissement temporaire des conditions d’ouverture des droits. Pour augmenter le nombre de ménages pouvant prétendre aux prestations, plusieurs pays ont assoupli les conditions d’ouverture des droits.
- Extension de la couverture de prestations existantes. Certains pays ont étendu la couverture de prestations existantes à des groupes jusqu’alors exclus, comme les travailleurs informels.
Le nombre sans précédent de mesures adoptées s’est traduit par un élargissement de la couverture des programmes d'aide sociale existants et par une augmentation des prestations qu’ils versent, en particulier des programmes d'aide financière d’urgence (AISS, 2020c). Les exemples ci-après en sont une illustration.
Anguilla a introduit deux régimes de prestations financés par l’État. Le premier, administré par l’Office de sécurité sociale d'Anguilla (Social Security Board – SSB), reposait sur les cotisations acquittées par les individus, tandis que l'autre versait directement des prestations aux personnes qui n'étaient pas affiliées au SSB ou n'avaient pas assez cotisé. Des milliers de travailleurs, y compris des travailleurs indépendants ou exerçant une forme d’emploi atypique, ont ainsi pu percevoir des prestations en espèces pendant une durée limitée à trois mois. En moins d'un mois, le SSB a créé une plateforme Web pour recevoir les demandes en ligne et effectuer les paiements par l'intermédiaire des banques. En parallèle, il a déployé une campagne de sensibilisation pour informer le grand public des prestations proposées.
L’Argentine a institué le Revenu familial d’urgence (Ingreso Familiar de Emergencia – IFE), un programme non contributif en faveur des ménages comptant des travailleurs occasionnels, des chômeurs, des travailleurs domestiques et des petits contribuables appartenant aux catégories situées au bas de l’échelle fiscale. Ce dispositif présente de nombreuses caractéristiques intéressantes, à commencer par le fait qu'il a été l’occasion d'une coordination étroite entre organismes publics et qu'il est compatible avec d'autres prestations non contributives. Il constitue également une porte d’entrée pour de nouveaux bénéficiaires de la sécurité sociale, ce qui encourage leur inclusion dans les futures politiques.
À la Grenade, où il n’existait pas de protection contre le chômage, le Conseil d’assurance nationale (National Insurance Board – NIB) a institué la Prestation d'assistance chômage. Le personnel a reçu une formation pour apprendre à utiliser le nouveau logiciel, le service de paiement électronique a été modernisé pour que les prestations puissent être virées directement sur le compte bancaire des bénéficiaires et une campagne de communication a été déployée pour faire connaître la nouvelle prestation.
Au Canada, Emploi et développement social Canada (EDSC) a introduit un paiement unique non imposable de 300 CAD pour les personnes âgées bénéficiaires de la pension de sécurité de la vieillesse (SV). EDSC a également instauré la Prestation canadienne d’urgence (PCU), une prestation financière versée pendant quatre semaines aux salariés et travailleurs indépendants canadiens contraints de cesser de travailler en raison de la COVID-19.
Parmi les autres exemples cités dans AISS (2020) figure celui du Brésil, où les chômeurs et microentrepreneurs qui exerçaient leur activité dans l'économie formelle ou informelle et n'étaient pas encore inscrits dans le registre national unique de la protection sociale avaient la possibilité de s'inscrire par l’intermédiaire d'un site Web ou d’une application mobile afin de percevoir une prestations d’urgence pendant trois mois. Divers pays ont anticipé le paiement des prestations ou versé des primes ou majoré le montant des prestations de vieillesse et d'invalidité.
Le Costa Rica a introduit une nouvelle prestation d’urgence (Bono Proteger), versée pendant trois mois aux salariés et aux travailleurs indépendants (formels et informels) privés de leur emploi et de leur revenu et à ceux dont le temps de travail avait été réduit. Des informations sur la prestation ont été diffusées par l'intermédiaire d’une application mobile utilisée par 90 pour cent des travailleurs éligibles.
En Équateur, une «prestation d’urgence» spéciale a été mise en place en faveur des travailleurs informels contaminés par la COVID-19 ou touchés d'une autre manière par la pandémie. Elle a été versée par l’intermédiaire de programmes de sécurité sociale existants.
Les États-Unis ont approuvé le «Plan de sauvetage américain», qui comprenait une série d'aides financières et prévoyait une extension de certaines prestations et certains avantages fiscaux en lien avec les prestations de chômage, ainsi qu’une revalorisation du crédit d'impôt au titre de l’éducation des enfants (Child Tax Credit) et du crédit d'impôt au titre du revenu d'activité (Earned Income Tax Credit).
Flexibilité et exonérations temporaires de cotisations sociales
Dans le cadre des mesures d’urgence adoptées pour soutenir les entreprises à la suite de la chute spectaculaire de l'activité économique, beaucoup de gouvernements et d'institutions de sécurité sociale ont réduit les cotisations de sécurité sociale ou en ont temporairement suspendu le paiement (AISS, 2020d). L’objectif était d’aider les entreprises à faire face à la crise et de protéger ainsi les emplois. Au Brésil, les employeurs ont été dispensés de payer leurs cotisations au Fonds de garantie d’indemnité de licenciement (Fundo de Garantia por Tempo de Serviço – FGTS). En Argentine, les employeurs dont le chiffre d’affaire à fortement diminué sous l’effet de la pandémie, en particulier dans les secteurs du tourisme, des transports et de l’hôtellerie, entre autres, ont pu solliciter une exonération des cotisations de sécurité sociale.
Même si certaines de ces mesures avaient déjà été adoptées lors de précédentes crises, cette fois, elles ont été ciblées et envisagées de manière globale, l’objectif étant qu’elles soient complémentaires avec d'autres interventions publiques.
Reconnaissance de la COVID-19 comme une maladie professionnelle
Beaucoup de pays de la région Amériques ont reconnu la COVID-19 comme une maladie professionnelle. C’est par exemple le cas de l’Argentine, du Brésil et du Canada. Des dispositions similaires ont été adoptées au Chili, au Costa Rica et en République dominicaine. Au Mexique, la COVID-19 est reconnue comme une maladie professionnelle chez les salariés qui présentent des symptômes d'infection ou chez qui le diagnostic a été confirmé (loi sur la sécurité sociale, 2021 ). En revanche, au Panama, il faut qu’un médecin établisse l’origine de l’infection pour que celle-ci puisse être considérée comme une maladie professionnelle, et les travailleurs à domicile ne sont pas concernés par cette disposition. En Colombie et au Pérou, la COVID-19 est considérée comme une maladie professionnelle pour le personnel de santé. En Uruguay, en cas d'infection, la prise en charge médicale et son coût incombent systématiquement au prestataire de soins de santé intégré auprès duquel le travailleur concerné est affilié. Au Paraguay, pour que le retour au travail se fasse dans de bonnes conditions de santé et de sécurité, des protocoles sectoriels en matière de sécurité et de santé au travail ont été établis. Ils définissent des lignes directrices à adopter par les entreprises dans le cadre du dialogue social.
Mesures opérationnelles: continuité des services et déploiement des programmes
Les mesures de restriction des interactions sociales entrées en vigueur pendant la pandémie de COVID-19 ont interrompu ou fortement réduit la fourniture de services dans les locaux des institutions de sécurité sociale. Celles-ci ont alors été contraintes d’adapter leurs modalités de fourniture des services afin de garantir la continuité de leur activité et de réagir à la hausse de la demande de prestations. Il est possible de distinguer plusieurs catégories de mesures opérationnelles (AISS, 2020e):
- recours accru aux canaux numériques, qu'il s'agisse de canaux électroniques, mobiles ou de services de partage de données;
- approches pragmatiques visant à toucher tous les segments de la population, notamment au moyen de centres d'appels fournissant des services aux personnes dans l'incapacité d'accéder aux canaux numériques et de services à domicile si nécessaire;
- flexibilité et adaptation des exigences en matière de présence physique et de présentation de documents papier lors d'une demande de prestations et du traitement des opérations;
- redéploiement de personnel vers de nouveaux rôles et adaptation des processus pour traiter un volume d’opérations sans précédent.
Offre de services publics
Les canaux numériques ont contribué de façon déterminante à garantir la continuité des services durant la période de restrictions liées à la pandémie et leur utilisation a considérablement augmenté. Les institutions se sont appuyées sur leurs portails de services numériques existants et, dans le contexte de la pandémie, les ont complétés par des plateformes d'assistance virtuelle – c’est par exemple le cas de l’Administration de la sécurité sociale (Administración Nacional de la Seguridad Social – ANSES) de l’Argentine.
Si les canaux numériques ont de plus en plus de succès auprès du public, certaines catégories de bénéficiaires éprouvent des difficultés à les utiliser. C’est pourquoi les institutions ont renforcé leurs centres d'appels en réaffectant du personnel, en équipant les centres de systèmes informatiques intégrés et, dans certains cas, en leur permettant de réaliser des démarches pour le compte des bénéficiaires. Elles ont aussi fourni des services à domicile, par exemple assuré des livraisons de médicaments – c’est le cas de la Caisse d’assurance sociale du Costa Rica (Caja Costarricense de Seguro Social – CCSS) et de l’Institut de sécurité sociale du Guatemala (Instituto Guatemalteco de Seguridad Social – IGSS) – ou effectué des paiements à domicile – comme l’a fait l’Administrateur colombien de pensions (Administradora Colombiana de Pensiones – ColPensiones).
Les guichets uniques ont joué un rôle particulièrement important dans la fourniture à distance de services de qualité élevée (AISS, 2021b). Plusieurs institutions de la région les ont utilisés pour continuer d'offrir des services au public, par exemple l’Administration fédérale des recettes publiques (Administración Federal de Ingresos Públicos – AFIP), en Argentine (AFIP, 2017), l’Institut national de sécurité sociale (Instituto Nacional do Seguro Social – INSS) (INSS, 2020) et DATAPREV – Entreprise de technologie et d'information de la prévoyance sociale (Empresa de Tecnologia e Informações da Previdência Social), au Brésil (DATAPREV, 2020), l’Institut mexicain d’assurance sociale (Instituto Mexicano del Seguro Social – IMSS), au Mexique (IMSS, 2020), et la Banque d'assurance sociale (Banco de Previsión Social – BPS), en Uruguay (AISS, 2021b). Au Pérou, l’Institut d’assurance sociale de santé (Seguro Social de Salud – EsSalud) a créé la plateforme VIVA, un guichet unique destiné à ses membres (EsSalud, 2020). Cette initiative, prise dans le contexte de la crise sanitaire provoquée par la COVID-19, a offert un moyen d'accès aux services de santé durant le confinement.
La télémédecine, qui consiste à utiliser les technologies de l’information et de la communication pour offrir des services médiaux à distance, est également un exemple important d’utilisation des canaux numériques pour garantir l’accès aux services publics. Elle a joué un rôle déterminant pendant la pandémie parce qu’elle a permis le maintien des liens entre les professionnels de santé et leurs patients tout en évitant le plus possible les contacts physiques, si bien qu'il a été possible de dispenser des soins essentiels durant la pandémie (PAHO et IDB, 2020 ). Elle a été employée par l’Association mutuelle pour la protection de la famille (Asociación Mutual de Protección Familiar – AMPF), en Argentine, par l’Institut équatorien de sécurité sociale (Instituto Ecuatoriano de Seguridad Social – IESS), par EsSalud, au Pérou, par l’Institut de sécurité sociale et des services sociaux des travailleurs au service de l’État (Instituto de Seguridad y Servicios Sociales de los Trabajadores del Estado – ISSSTE), au Mexique, par le Cercle catholique ouvrier de l'Uruguay mutualiste (Círculo Católico de Obreros del Uruguay Mutualista) et la Banque d'assurance sociale (Banco de Previsión Social – BPS) (AISS, 2021b), en Uruguay.
Numérisation des services
Ces dernières années, outre qu’elles ont fait un usage croissant des nouvelles technologies, les institutions de sécurité sociale ont tenté d'allier compétences humaines et capacités technologiques. Dans la région Amériques, cette approche les a aidées à créer des solutions efficaces face à la COVID-19 (AISS, 2020f). Les types de mesures ci-après ont été particulièrement utiles pour lutter contre la pandémie:
- Capacité à mettre au point des solutions numériques souples en période de crise. Pour pouvoir fournir une assistance d’urgence face à la COVID-19, certains gouvernements se sont appuyés sur les institutions de sécurité sociale afin qu’elles les aident à toucher la population. Les initiatives prises par Anguilla, les Bahamas et la Grenade illustrent l’intérêt de cette approche, de même que les services mis en place par l’IGSS, au Guatemala, et par l’Institut d'assurance sociale (Instituto de Previsión Social – IPS), au Paraguay.
- Utilisation de technologies analytiques. Grâce à ces technologies, les institutions ont amélioré leur évaluation de l’impact de la pandémie et leurs processus décisionnels. Au Costa Rica, la CCSS a fait appel à des techniques d'analyse pour suivre le comportement de la COVID-19 dans la population et les soins fournis dans ses établissements de soins. Au Mexique, l’IMSS a mis au point des systèmes similaires, tout comme EsSalud au Pérou, qui a également créé une unité d'intelligence artificielle et d'analyse de données (AISS, 2021e).
- Rationalisation des mécanismes de suivi et de fourniture des services. Le déploiement de mécanismes de suivi plus agiles a permis de gagner en efficacité dans l’attribution des prestations. En témoigne l’expérience de l’IPS, au Paraguay, et de l’IGSS, au Guatemala, qui ont remplacé l’obligation de fournir un certificat de vie papier par un système biométrique et un système de visioconférence.
Conclusions
Près de deux ans après le début de la pandémie de COVID-19, répondre aux besoins de protection sociale existants et naissants engendrés par la désorganisation totale du marché du travail demeure une priorité pour les pouvoirs publics nationaux, qui entendent atténuer l’impact de la crise et protéger les moyens de subsistance des populations.
Les autorités se sont appuyées sur un large éventail de politiques pour protéger les segments de la population touchés, en particulier les plus vulnérables. Certains pays ont étendu et adapté les régimes de sécurité sociale existants, quand d'autres ont pris des mesures ponctuelles, en premier lieu à travers des transferts monétaires non contributifs d’urgence. Les entreprises ont également reçu un soutien, qui a pris la forme d’une réduction des cotisations sociales, d’une exonération temporaire des cotisations ou d'un allongement des délais de paiement.
Les institutions de sécurité sociale ont réagi immédiatement pour adapter leurs modèles de fourniture des services afin de garantir la continuité des services tout en réduisant le plus possible les contacts physiques. Pour y parvenir, elles ont eu recours aux canaux numériques et à la télémédecine, ont adopté des approches pragmatiques pour répondre aux besoins de toutes les catégories de la population, ont assoupli les conditions d’octroi des prestations, ainsi que redéployé le personnel et adapté les processus pour pouvoir faire face à une charge de travail inédite. Ces institutions ont aussi joué un rôle dans le déploiement de mesures sanitaires à l’échelle nationale.
L’examen de ces diverses expériences révèle à quel point les capacités institutionnelles – un personnel qualifié, des ressources technologiques, des infrastructures et une bonne gouvernance – sont importantes pour que les mesures de sécurité sociale mises en œuvre soient efficaces, aient la portée voulue et soient appliquées au bon moment. Il met également en lumière la nécessité, pour les institutions de sécurité sociale, de renforcer ces capacités.
Enfin, pour ce qui est de l'avenir, les institutions et les pouvoirs publics évaluent comment tirer le meilleur parti des expériences menées et des changements introduits durant la pandémie afin d'améliorer encore les systèmes et services de sécurité sociale et, partant, la protection sociale de la population.
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