Coordination multiniveau dans le domaine de la sécurité sociale: expériences des Amériques

Coordination multiniveau dans le domaine de la sécurité sociale: expériences des Amériques

Les systèmes de sécurité sociale sont de plus en plus interconnectés – à la fois parce que les institutions de sécurité sociale ont des liens entre elles et parce qu’elles entretiennent des relations avec des organismes d’autres secteurs et avec des systèmes d’autres pays. Qui plus est, dans des environnements complexes, au sein même d’une institution, les différentes divisions se spécialisent progressivement dans un domaine particulier, acquièrent une autonomie ou se concentrent sur une zone géographique. De ce fait, les activités stratégiques et opérationnelles des institutions de sécurité sociale supposent souvent l’implication et la coordination d’acteurs multiples coopérant à différents niveaux pour obtenir des résultats.

Si la coordination est souvent indispensable en sécurité sociale, elle n’est pas une condition suffisante. Il faut aussi que des politiques avisées et des institutions fortes soient en place pour garantir l’exercice des droits à la sécurité sociale. La coordination étant coûteuse, les études internationales soulignent qu’elle ne doit pas constituer une fin en elle-même et déconseillent de concevoir des politiques extrêmement complexes exigeant une coordination étroite dans des contextes où les moyens sont limités.

Lorsqu’une coordination s’impose, il n’existe pas de recette unique pour la mettre en œuvre tant les politiques et structures institutionnelles diffèrent d’un contexte à l’autre. Certains mécanismes peuvent fonctionner dans un pays ou une institution et se révéler inefficaces ailleurs. De surcroît, le degré et la complexité de la coordination nécessaire à la bonne mise en œuvre d’un projet peuvent varier en fonction des objectifs poursuivis par une stratégie ou une politique, et des capacités dont disposent les acteurs et institutions impliqués. Il faut donc que les mécanismes de coordination soient adaptés au contexte local et répondent à des objectifs stratégiques précis et bien définis.

Dans la région des Amériques, la coordination n’a rien d’une pratique nouvelle pour les institutions de sécurité sociale. Il en existe au contraire de multiples exemples, que ce soit au niveau stratégique (coordination au niveau macro), au niveau des opérations et procédures (coordination au niveau méso) ou au niveau de la fourniture des services (coordination au niveau micro). L’analyse des exemples qui suivent repose sur cette typologie simplifiée, décrite dans le tableau 1, ce qui ne doit pas faire oublier que, en pratique, les différents niveaux ne sont pas toujours clairement délimités.

Tableau 1. Niveaux de coordination
Niveau Description
Coordination au niveau macro (niveau stratégique) éfinitions, politiques, outils et structures déterminant la logique interne du système de protection sociale, dont les rôles et fonctions des acteurs et institutions et la manière dont les différentes composantes du système devraient interagir et s’articuler.

Bonne articulation globale entre le système de protection sociale et les autres politiques socio-économiques.
Coordination au niveau méso (niveau opérationnel) Outils utilisés par le système administratif pour assurer la coordination de différents programmes.

Mise en place, au niveau méso, d’institutions ou d’instances ayant vocation à contrôler régulièrement la coordination. En principe, ces instances sont compétentes non pas pour établir des définitions au niveau macro, mais plutôt pour fixer des moyens de coordination pratiques, par exemple pour améliorer les procédures de coordination, établir des normes communes aux différentes provinces ou régions, etc.
Coordination au niveau micro (niveau de la fourniture des services) Établissement de liens au niveau micro avec d’autres programmes ou services. L’accent est mis sur la fourniture des services, c’est-à-dire la manière dont les fonctionnaires, agents locaux et autres acteurs coordonnent différents programmes ou services.

Coordination entre différentes unités ou différents points de fourniture des services.
Source: D’après OIT et al., 2021.

La coordination multiniveau en sécurité sociale: initiatives mises en œuvre dans les Amériques

Cet article présente des exemples de bonnes pratiques tirées de l’expérience des Amériques et impliquant au moins deux des trois niveaux de coordination décrits. Bien que les trois puissent être à l’œuvre dans tous les exemples, les descriptions se concentrent sur ceux où la coordination a été la plus évidente. L’article s’appuie dans une large mesure sur le cadre mis au point pour le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (UNDESA) et l’Organisation internationale du Travail (UNDESA et OIT, 2021; OIT et al., 2021).

La Campagne pour la prévention des accidents du travail déployée au Brésil et le Programme Intercosecha mis en œuvre par l’Argentine illustrent les trois niveaux de coordination. Les conventions collectives de responsabilité commune, en Argentine, et les soins spécialisés pour les affiliées connaissant une grossesse à haut risque, au Mexique, sont des exemples dans lesquels il a fallu assurer une coordination au niveau opérationnel et à celui de la prestation des services. Enfin, les bonnes pratiques de l’Uruguay (Logiciel public) et de l’Argentine (Documents numériques relatifs au travail et à la sécurité sociale), ainsi que, dans un contexte international, le Système d’accords internationaux SIACI (Sistema de Acuerdos Internacionales de Seguridad Social) mis en place par les pays du MERCOSUR illustrent la coordination aux niveaux stratégique et opérationnel.

Ces exemples et le niveau auquel une coordination était nécessaire sont présentés de façon synthétique dans le tableau 2.

Tableau 2. Bonnes pratiques impliquant une coordination multiniveau
Pays Bonne pratique Coordination au niveau stratégique Coordination opérationnelle Coordination de la fourniture de services
Argentine Programme Intercosecha X X X
Brésil Campagne nationale de prévention des accidents du travail (CANPAT) X X X
Argentine Les conventions collectives de responsabilité commune dans le secteur de la sécurité sociale: un outil qui favorise le travail décent en milieu rural   X X
Mexique Soins spécialisés pour les affiliées au programme IMSS-BIENESTAR en situation de grossesse à haut risque, présentant des complications ou requérant des soins obstétricaux d’urgence, dans des hôpitaux de deuxième et troisième niveaux de l’Institut mexicain d’assurance sociale   X X
Argentine Documents numériques relatifs au travail et à la sécurité sociale – guichet unique et source unique de données (livre des salaires électronique) X X  
Uruguay Logiciel public et travail collaboratif X X  
MERCOSUR (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) Système d’accords internationaux – SIACI X X  

Coordination multiniveau (aux niveaux stratégique, opérationnel et de la fourniture de services)

Programme Intercosecha, Argentine

En Argentine, le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale (Ministerio de Trabajo, Empleo y Seguridad Social – MTEySS) a introduit le Programme Intercosecha, qui a pour but d’indemniser les travailleurs agricoles temporaires inactifs entre deux périodes de récolte.

L’agriculture est associée à divers facteurs de vulnérabilité; il s’agit d’une activité saisonnière qui se caractérise par une précarité de l’emploi, une mobilité géographique, une forte rotation du personnel et la non-déclaration à la sécurité sociale. À cela s’ajoutent des aléas climatiques qui menacent les récoltes et le revenu des travailleurs.

Le programme verse une aide financière mensuelle pendant la période de creux saisonnier (pendant quatre mois au maximum), permet d’accéder à des cours et formations et aux services pour l’emploi et facilite la mobilité entre régions.

Il a vocation à s’appliquer dans l’ensemble du pays. Compte tenu de l’extrême dispersion géographique de la population rurale, il est mis en œuvre dans le cadre d’accords spécifiques conclus entre le MTEySS et les autorités provinciales, avec le concours des syndicats du secteur agricole et du Registre national des travailleurs ruraux et des employeurs (Registro Nacional de Trabajadores Rurales y Empleadores – RENATRE).

Les autorités provinciales et municipales recensent les travailleurs de leur territoire avec l’aide des associations de producteurs et des syndicats représentant les diverses activités, établissent une liste des bénéficiaires potentiels et demandent leur inscription auprès du département chargé de l’emploi et de la formation (Secrétariat à la sécurité sociale, 2015).

Tableau 3. Coordination mise en œuvre dans le cadre du Programme Intercosecha
Programme Intercosecha
Coordination stratégique Accord entre le MTEySS et les autorités provinciales
Coordination opérationnelle Planification commune entre le MTEySS et les autorités provinciales. Coordination du suivi avec d’autres organismes pour éviter que des prestations et programmes ne fassent double emploi avec d’autres
Coordination de la fourniture de services Mise en œuvre conjointe avec les associations professionnelles et les syndicats pour que tous les bénéficiaires aient accès au programme

Campagne de prévention des accidents du travail, Brésil

Le sous-secrétariat de l’inspection du travail, qui est un service du Secrétariat à la sécurité sociale du ministère des Finances brésilien, a déployé la Campagne nationale de prévention des accidents du travail (CANPAT), qui consiste en une série d’activités visant à promouvoir une culture de la sécurité et de la santé au travail. La CANPAT a une visée strictement préventive et a pour but de sensibiliser la société aux préjudices causés par les accidents et les maladies.

Elle comprend deux volets: le premier, qui s’adresse aux travailleurs et aux employeurs, prévoit la mise en œuvre d’actions sur le lieu de travail, tandis que le second a vocation à instaurer une culture de prévention parmi les jeunes et les adolescents à travers des activités proposées dans les écoles publiques et privées.

Elle implique l’organisme central de l’inspection du travail et les inspections du travail régionales implantées dans les 27 unités fédérales du pays. Plusieurs institutions partenaires publiques et privées, ainsi que des fédérations et confédérations d’employeurs et de travailleurs ont aussi été associées.

La coordination interne entre l’organisme central et les inspections du travail régionales, de même qu’entre les services de l’inspection du travail, les partenaires institutionnels et autres autorités, est indispensable au bon déroulement de la campagne (Ministère de la Sécurité sociale, 2017).

Tableau 4. Coordination mise en œuvre dans le cadre de la CANPAT
CANPAT
Coordination stratégique Accord entre l’inspection du travail et les institutions partenaires publiques et privées
Accords au niveau de la Commission nationale tripartite
Coordination opérationnelle Coordination entre l’organisme central de l’inspection du travail et l’ensemble des inspections du travail régionales
Coordination de la fourniture de services Coordination avec les entreprises pour la mise en œuvre des activités relevant du premier volet
Coordination avec les centres éducatifs pour la mise en œuvre des activités relevant du deuxième volet

Coordination à deux niveaux (stratégique et fourniture de services)

Les conventions collectives de responsabilité commune, Argentine

En Argentine, le Secrétariat à la sécurité sociale (Secretaría de Seguridad Social – SSS), qui fait partie du MTEySS, a mis en place un outil pour favoriser le travail décent en milieu rural. Cette initiative repose sur la signature, entre les syndicats et les employeurs, de conventions de responsabilité commune qui facilitent l’accès à la sécurité sociale des travailleurs et de leur famille (à savoir l’accès aux pensions de vieillesse et d’invalidité, à l’assurance accidents du travail et maladies professionnelles, à l’assurance chômage, aux allocations familiales et à la couverture maladie) et garantissent le paiement des cotisations de sécurité sociale.

Ces conventions sont signées entre les associations de travailleurs ruraux et les entreprises du secteur. Après signature, elles sont soumises à l’Administration fédérale des recettes publiques (Administración Federal de Ingresos Públicos – AFIP) et à l’Administration nationale de la sécurité sociale (Administración Nacional de la Seguridad Social – ANSES), qui se chargent ensuite de les envoyer au SSS. Le SSS les approuve, vérifie leur conformité et traite les litiges et questions liés à leur application et à leur interprétation (Secrétariat à la sécurité sociale, 2012).

Tableau 5. Coordination mise en œuvre dans le cadre des conventions collectives de responsabilité commune
Conventions collectives de responsabilité commune
Coordination stratégique Signature de conventions entre le SSS, l’AFIP et l’ANSES
Signature de conventions avec les organisations représentant les travailleurs agricoles et les entreprises participant à l’initiative
Coordination de la fourniture de services Paiement de cotisations par le biais d’intermédiaires chargés de les prélever à la source (désignés dans chaque convention)
Présentation de la proposition de convention à l’AFIP et à l’ANSES et approbation formelle par le SSS

Soins spécialisés pour les affiliées en situation de grossesse à haut risque, Mexique

L’absence de soins médicaux spécialisés est l’une des principales causes de mortalité maternelle. Ces soins permettent d’apporter une réponse rapide et efficace aux problèmes de santé et complications qui surviennent pendant ou après la grossesse. Or, au Mexique, beaucoup d’hôpitaux ruraux sont dans l’incapacité de prodiguer ces soins et cette prise en charge complexes parce qu’ils ne disposent pas de l’infrastructure et du personnel nécessaires.

Dans le cadre de la stratégie visant à réduire la mortalité maternelle en milieu rural, l’Institut mexicain d’assurance sociale (Instituto Mexicano del Seguro Social – IMSS) a mis au point un modèle pour coordonner l’offre de soins spécialisés entre le programme national de santé publique IMSS-Bienestar et les hôpitaux de deuxième et troisième niveaux gérés par le régime obligatoire de l’IMSS. Plus précisément, le Conseil technique de l’IMSS a, par la résolution 126, autorisé les hôpitaux relevant du régime obligatoire de l’IMSS à dispenser gratuitement des soins spécialisés prénatals, obstétricaux et néonatals aux bénéficiaires du programme IMSS-Bienestar en cas de grossesse à haut risque.

La mise en œuvre de la résolution repose sur la conception d’un modèle d’intervention qui agit sur les principaux facteurs à l’origine des décès, renforce la prévention avant la grossesse, et prend en charge précocement et efficacement les principales urgences obstétricales et autres urgences liées à des complications périnatales. S’agissant de ces urgences, une procédure d’orientation et de réorientation systématisée, séquencée et coordonnée permet d’accéder gratuitement à une prise en charge spécialisée et pluridisciplinaire lorsque les soins nécessaires sont plus complexes que ceux prodigués par les hôpitaux ruraux du programme IMSS-Bienestar (Institut mexicain d’assurance sociale, 2020).

Tableau 6. Coordination mise en œuvre dans le cadre du programme de soins spécialisés pour les affiliées en situation de grossesse à haut risque
Soins spécialisés pour les affiliées en situation de grossesse à haut risque
Coordination stratégique Conclusion d’accords entre IMSS-Bienestar et le Conseil technique en vue d’autoriser le paiement de soins médicaux dispensés dans des hôpitaux de deuxième et troisième niveaux
Coordination de la fourniture de services Application de la résolution 126 instaurant un système d’orientation et de soins coordonnés entre les hôpitaux ruraux d’IMSS-Bienestar et les hôpitaux relevant du régime obligatoire de l’IMSS

Coordination à deux niveaux (stratégique et opérationnel)

Documents numériques relatifs au travail et à la sécurité sociale, Argentine

En Argentine, l’AFIP a déployé un registre des salaires numérique qui permet aux employeurs de disposer d’un guichet unique et d’une seule source de données pour établir les documents numériques relatifs au travail et à la sécurité sociale.

Mise en œuvre conjointement par l’AFIP et le MTEySS, cette initiative permet aux employeurs de s’acquitter plus facilement de leurs obligations et garantit la qualité et la cohérence des informations soumises. Elle évite d’avoir à communiquer plusieurs fois les mêmes données à différents organismes et simplifie le processus grâce à un guichet unique.

L’application en ligne (par l’intermédiaire de laquelle les informations sont collectées) respecte les exigences des différents acteurs ou organismes impliqués, qu’ils soient compétents en matière de travail ou en matière de sécurité sociale. Elle permet aux employeurs de systématiser le processus de déclaration des salaires en se connectant au système avec leur code d’identification fiscale et en important un fichier qui contient les bulletins de salaire de leurs employés. Ils peuvent ensuite valider ces informations par l’intermédiaire de la déclaration récapitulative renvoyée par l’AFIP.

Ce système a exigé une coordination au niveau stratégique, mais aussi au niveau opérationnel parce qu’il implique que chaque organisme définisse ses besoins et les données qui sont nécessaires. Il a en outre remplacé les formulaires existants (Administration fédérale des recettes publiques, 2016).

Tableau 7. Coordination mise en œuvre dans le cadre du guichet unique pour les documents numériques
Guichet unique pour les documents numériques relatifs au travail et à la sécurité sociale
Coordination stratégique Conclusion d’un accord entre l’AFIP et le MTEySS pour la mise en œuvre du guichet unique
Conclusion d’un accord entre l’AFIP et le MTEySS pour uniformiser la saisie de données et la validation des données
Coordination opérationnelle Coordination entre organismes pour la définition des exigences à satisfaire par l’application en ligne
Conclusion d’accords pour le transfert d’informations entre organismes

Logiciel public et travail collaboratif, Uruguay

La Banque d’assurance sociale (Banco de Previsión Social de Uruguay – BPS) a défendu l’idée d’adopter un logiciel public (qui a été mis au point avec des ressources de l’État et peut donc être partagé entre différents organismes publics) plutôt que de s’engager dans la conception d’un nouveau système ou de lancer un processus d’appel d’offres pour en acquérir un.

En encourageant la BPS à s’intéresser aux solutions logicielles utilisées dans d’autres organismes publics et à examiner si elles pourraient répondre à ses besoins, cette initiative a favorisé la coordination entre organismes et renforcé les réseaux collaboratifs. Elle a également été fructueuse sur le plan des coûts et des ressources parce qu’elle a permis de bénéficier d’économies d’échelle et d’utiliser des solutions logicielles éprouvées avec un délai de mise en œuvre beaucoup plus court que s’il avait fallu les développer ou les acheter.

Ainsi, dans le cas du Système d’agenda électronique, le développement initial avait pris environ dix mois. Sa mise en œuvre par la BPS, notamment la réalisation des modifications nécessaires pour l’adapter à l’environnement de l’institution, a nécessité quatre mois, soit 40 pour cent du temps de développement.

Le succès de cette expérience a conduit d’autres organismes à vouloir adopter la solution. Elle a ainsi été choisie par l’Agence pour le développement de l’administration électronique et de la société de l’information (Agencia de Gobierno Electrónico y Sociedad de la Información y del Conocimiento – AGESIC), qui a continué de l’optimiser et a proposé son application à l’administration centrale dans son ensemble (Banque d’assurance sociale, 2017).

Tableau 8. Coordination mise en œuvre dans le cadre de la bonne pratique Logiciel public et travail collaboratif
Logiciel public et travail collaboratif
Coordination stratégique Conclusion d’un accord entre l’organisme qui a réalisé le développement du logiciel et celui qui souhaite réutiliser la solution
Conclusion d’un accord interinstitutionnel pour garantir l’horizontalité de la solution et permettre sa gouvernance
Coordination opérationnelle Accord portant sur les normes et flexibilité de la solution logicielle initiale
Coordination des modifications nécessaires à la réutilisation

SIACI, MERCOSUR (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay)

Les pays du MERCOSUR (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) ont créé un système d’échange de données reposant sur les technologies de l’information et de la communication afin d’appliquer concrètement l’accord multilatéral régional de sécurité sociale. Ce système, dénommé SIACI, a amélioré l’efficience et la fiabilité des échanges d’informations qui, jusqu’en 2008, figuraient sur des formulaires imprimés envoyés par courrier postal. Le SIACI fait appel à des canaux de communication sécurisés et à des certificats numériques pour authentifier les informations échangées. Il conserve en outre la trace des informations demandées et envoyées par chaque pays, ce qui permet d’évaluer le fonctionnement de l’accord multilatéral.

L’échange entre pays a ainsi gagné en agilité, ce qui facilite l’établissement et l’ouverture des droits des assurés. Le système a simplifié le travail des unités chargées de la gestion des prestations dans les institutions de sécurité sociale des pays et a accru la confiance à l’égard des informations échangées en vertu de l’accord de sécurité sociale.

Le projet a nécessité une coordination opérationnelle entre les pays du MERCOSUR au stade de la conception et de la mise en œuvre du système, en particulier en ce qui concerne l’architecture et les technologies choisies. Une coordination opérationnelle a aussi été indispensable pour assurer un suivi du système. Une coordination stratégique a eu lieu avec l’Organisation ibéro-américaine de sécurité sociale (Organización Iberoamericana de Seguridad Social – OISS), qui a joué le rôle d’organisation tiers de confiance et a hébergé les données sensibles et les informations relatives aux opérations réalisées (Institut national de sécurité sociale, 2009).

Tableau 9. Exemples de la coordination mise en œuvre dans le cadre du SIACI
SIACI
Coordination stratégique Accord passé entre les pays en vue de la mise en œuvre du système SIACI
Accord passé avec l’OISS pour que celle-ci devienne organisme de confiance pour l’hébergement de données sensibles
Coordination opérationnelle Coordination des équipes techniques des différents pays pour définir les spécifications du système
Accords en vue de l’utilisation de logiciels libres pour éviter les coûts liés à l’achat de solutions propriétaires ou de licences

Conclusions

Comme souligné dans cet article, les bonnes pratiques issues de l’expérience des Amériques illustrent différentes formes de coordination fructueuses, mises en œuvre à différents niveaux. Elles peuvent constituer une source d’enseignements pour d’autres pays qui envisagent de mener à bien des projets similaires. Ces exemples, ainsi que le cadre d’analyse et les pratiques d’autres régions citées dans le rapport de l’OIT et al. (2021) fournissent une base pour comprendre et concevoir des actions de coordination dans la région et au-delà.

Une bonne coordination est essentielle pour la gouvernance de la sécurité sociale, favorisant l’extension de la couverture et permettant aux bénéficiaires d’exercer leurs droits. Le besoin de coordination ne se limite pas à la sécurité sociale et exige une approche à l’échelle de l’administration dans son ensemble, impliquant tous les acteurs et organismes compétents, publics comme privés.

Il n’est pas rare que des politiques bien conçues sur le papier échouent en raison d’un manque de coordination ou d’une mise en œuvre défaillante. La coordination n’est cependant pas une panacée. Même si une coordination plus ou moins étroite est généralement indispensable pour mettre œuvre des politiques et programmes de sécurité sociale complexes, elle n’est généralement pas suffisante. Elle doit, pour être efficace, s’appuyer sur des politiques solides.

Enfin, les pouvoirs publics et les institutions ne doivent pas oublier que la coordination a un coût. En conséquence, avant de mettre en place des actions de coordination complexes, il faut systématiquement en évaluer le rapport coût-bénéfice, toutes les politiques n’exigeant pas une coordination.

Selon Michael Jacobs, «tout le monde croit dans la coordination, mais personne ne veut en faire l’objet».

Références

Administration fédérale des recettes publiques. 2016. Documents numériques du travail et de la sécurité sociale – guichet unique et source unique de données (livre des salaires électronique) (Bonnes pratiques en sécurité sociale). Genève, Association internationale de la sécurité sociale.

Banque d'assurance sociale. 2017. Logiciel public et travail collaboratif (Bonnes pratiques en sécurité sociale). Genève, Association internationale de la sécurité sociale.

BIT et al. 2021. Governance of social protection systems: a learning journey - Module #1: Coordination. Genève: Bureau international du travail.

Institut mexicain d'assurance sociale. 2020. Soins spécialisés pour les affiliées au programme IMSS-BIENESTAR en situation de grossesse à haut risque, présentant des complications ou nécessitant des soins obstétricaux d’urgence, dans des hôpitaux de deuxième et troisième niveaux de l’Institut mexicain d’assurance sociale (Bonnes pratiques en sécurité sociale). Genève, Association internationale de la sécurité sociale.

Institut national de sécurité sociale. 2009. Système d’accords internationaux – SIACI (Bonnes pratiques en sécurité sociale). Genève, Association internationale de la sécurité sociale.

Ministère de la Sécurité sociale. 2017. Campagne nationale de prévention des accidents du travail (CANPAT) (Bonnes pratiques en sécurité sociale). Genève, Association internationale de la sécurité sociale.

Secrétariat à la sécurité sociale. 2012. Les conventions collectives de responsabilité commune dans le secteur de la sécurité sociale: un outil qui favorise le travail décent en milieu rural (Bonnes pratiques en sécurité sociale). Genève, Association internationale de la sécurité sociale.

Secrétariat à la sécurité sociale. 2015. Programme Intercosecha (Bonnes pratiques en sécurité sociale). Genève, Association internationale de la sécurité sociale.

UNDESA; OIT. 2021. Global research on governance and social protection – Global overview. New York, NY, Département des affaires économiques et sociales du Secrétariat des Nations unies.