L’Europe est un continent caractérisé par la diversité de ses profils nationaux de protection sociale, tout autant que par la profondeur et l’extension de la couverture qu’ils assurent.
Tous les systèmes de sécurité sociale de la région sont confrontés aux défis liés au vieillissement de la population, même s’ils se trouvent à différents stades de la transition démographique: alors que Allemagne, l’Espagne, l’Italie, ou encore la Hongrie et la Tchéquie, qui présentent un profil parmi les plus âgés du monde, sont très avancés dans la transition démographique, d’autres pays comme la France et l’Irlande, mais aussi les territoires orientaux de la Fédération de Russie semblent présenter un profil relativement moins âgé. au processus de vieillissement de la population et faire face à l’évolution des besoins des populations, les systèmes de santé et de retraite existants doivent être adaptés.
S’agissant de la retraite, alors que les pays de la région qui sont membres de l’OCDE disposent d’un système de prise en charge du vieillissement par le paiement d’une rente, des solutions différentes, assurant le paiement d’une prestation d’État financée par l’impôt et complétée par de l’épargne privée sont par ailleurs souvent déployées. Le vieillissement commun entraine le même impératif: des dépenses plus importantes à plus ou moins long terme. S’il apparaît comme généralisé au niveau mondial, le vieillissement démographique européen présente donc la particularité d’être ancien, généralisé, et très avancé dans la majorité des pays, plus récent mais aussi plus radical dans d’autres où il promet en outre d’être plus rapide. Quel que soit le modèle choisi, tout réponse institutionnelle adaptée implique la réforme des systèmes existant en matière de gestion des risques retraite et santé, ainsi que la mise en oeuvre de politiques nouvelles dédiées au grand âge. Face à ces enjeux, les institutions membres de l’AISS développent des politiques innovantes susceptibles de répondre d’abord au vieillissement par des pratiques concrètes, en favorisant la mise en oeuvre de services professionnels dédiés à la prise en charge des personnes en perte d’autonomie, ou encore par des solutions accessibles aux plus âgés et aux plus vulnérables de leurs assurés.
Messages clés
- La région Europe est marquée par une double caractéristique: diversité et multiplicité des régimes institutionnels d’une part, et unité des profils démographiques d’autre part, avec, malgré des variantes, un vieillissement massif et généralisé.
- Le vieillissement est à présent plus rapide dans des pays relativement moins riches, alors même qu’ils ne disposent pas des marges budgétaires requises pour y faire face.
- Bien qu’encore insuffisante, la prise en compte de ce phénomène dans une logique de soutenabilité financière a conduit à un durcissement des règles de calcul des pensions de retraite dans la majorité des pays de la région, avec un tassement des droits et un report de l’âge de départ en retraite, de deux ans en moyenne aujourd’hui par rapport aux années 1990 et de 4 ans supplémentaires d’ici 2070. La réduction des droits et l’augmentation des dispositifs contributifs, conséquences de ces réformes, risquent d’accentuer la polarisation des revenus des personnes âgées.
- D’une façon générale, et en dépit de ces politiques qui ont aussi conduit à une augmentation du taux d’activité des populations en âge de travailler, la population active de la région va diminuer, a fortiori en cas de baisse de l’immigration. La population va décroitre, surtout après 2035, tandis que le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans, particulièrement les plus de 80 ans, augmentera sensiblement. Il s’ensuivra une diminution des recettes et une augmentation des dépenses, en particulier s’agissant du système de santé.
- Ce vieillissement implique le développement de soins et de services de longue durée formalisés. Cette professionnalisation est essentielle.
- Dans ce contexte, les membres de l’AISS de la région ont mis en place des pratiques appropriées, qu’on peut organiser en trois grands ensembles: 1) adoption et renforcement d’une politique de formalisation pour assurer la viabilité de services nécessaires et la mobilisation de toutes les ressources disponibles, 2) mise en oeuvre de solutions dédiées aux personnes très âgées, et 3) renforcement de la résilience des services assurés, y compris dans le contexte de la pandémie, souvent par le déploiement de nouvelles technologies.
Faits et tendaces




Les spécificités des vieillissements en Europe
Le Plan d’action de Madrid, adopté par la deuxième Assemblée mondiale sur le vieillissement en avril 2002, a reconnu le vieillissement comme un phénomène commun à tous les pays du monde. Aussi la question a-t-elle été incorporée dans l’agenda pour le développement des Nations Unies, lequel appelle à une société inclusive pour tous les âges. Sur cette base, chaque pays doit fournir un rapport annuel traitant notamment du suivi des objectifs de développement durable comme la lutte contre la pauvreté des personnes âgées, contre l’inégalité, ou la protection de la santé (ONU, 2020). Au cours de l’Assemblée mondiale de la santé de mai 2016, 194 pays dont la quasi-totalité des États de la région ont reconnu la nécessité d’un régime national de soins de longue durée. Sur le plan régional, le vieillissement est suivi sur une partie du continent par l’Union européenne, qui en supervise par ailleurs les déclinaisons budgétaires (Commission européenne, 2020).
Le phénomène est actuellement plus avancé dans les pays industrialisés, et notamment, parmi les pays d’Europe du Sud, centrale et orientale. Or, disposer d’un niveau de développement économique et institutionnel suffisant constitue un prérequis important pour faire face de façon ordonnée au phénomène du vieillissement. D’ici 2050, la population de la région Europe présentera le taux relatif de population âgée le plus important du monde. Aujourd’hui, 20 pour cent de la population a plus de 65 ans sur le continent, et d’ici 2070, Ce taux devrait être de 30 pour cent. Parallèlement, la part des personnes de plus de 80 ans devrait plus que doubler, atteignant 13 pour cent de la population totale d’ici 2070.
Ce vieillissement général et profond aura par ailleurs des conséquences sur les profils de morbidité: les maladies infectieuses sont en recul, mais les maladies de longue durée non contagieuses, telles que les maladies cardiovasculaires, les syndromes respiratoires, d’hyperglycémie ou d’hypercholestérolémie, ou encore les cancers, sont en augmentation, induisant une plus grande vulnérabilité aux épidémies, comme la pandémie actuelle du COVID‑19, particulièrement dangereuse pour les personnes âgées de plus de 65 ans.
Le vieillissement de la population aura également des conséquences sur les profils de morbidité : les maladies infectieuses sont en recul, mais les affections non contagieuses de longue durée telles que les maladies cardiovasculaires, les syndromes respiratoires, l’hyperglycémie, l’hypercholestérolémie et le cancer sont en augmentation. Cette augmentation des maladies chroniques entraîne une plus grande vulnérabilité aux épidémies, comme la pandémie actuelle de COVID‑19, qui est particulièrement dangereuse pour les personnes âgées de 65 ans et plus.
Sur le long terme, le seuil de renouvellement démographique n’étant plus assuré, la population du continent devrait diminuer de 5 pour cent, alors même que les plus de 65 ans verront leur nombre augmenter. En conséquence, le ratio de dépendance démographique (le nombre de personnes dépendantes par rapport au nombre de personnes en âge de contribuer) devrait passer de 35 à 60 pour cent. Ces moyennes cachent des disparités continentales très fortes: ce ratio peut aller en 2070 de moins de 30 pour cent dans certaines provinces russes à 90 pour cent en Pologne; elles témoignent cependant du caractère généralisé du phénomène (Gietel-Basten et al., 2017). En conséquence, et toujours en moyenne, la main-d’oeuvre de la région est appelée à diminuer de 16 pour cent en moyenne d’ici 2070.
Dans l’immédiat, la baisse du taux de natalité, particulièrement fort dans le sud et l’est de la région, et l’augmentation de l’espérance de vie conduisent de nombreux pays d’Europe à entrer dans une période dite «de vieillissement prononcé», où la part de personnes dépendantes (les enfants et les personnes âgées qui ne peuvent plus travailler) augmente plus vite que celle des personnes actives (les travailleurs).
Des différences de profil qui se retrouvent aussi dans les modalités de prise en charge
La région Europe est, comme on l’a vu plus haut, répartie en plusieurs modèles de prise en charge de la vieillesse. S’agissant de la retraite, le modèle dominant de la région reste celui de systèmes de retraite par répartition. Ces retraites sont financées par des cotisations de sécurité sociale, s’élevant en moyenne à 21 pour cent du salaire. Elles sont généralement accompagnées de des prestations universelles financées par l’impôt. C’est le système qu’on retrouve par exemple en Belgique ou en France. Le Danemark, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni disposent de leur côté d’un système de pensions universelles fixant un minimum sous condition de résidence, complété par un système de capitalisation souvent à contributions définies. Certains pays comme la Pologne ou la Suède (et dans une moindre mesure l’Allemagne) sont allés plus loin en lançant une transition vers des systèmes de retraite globaux à cotisations définies (notionnelles ou individuelles), souvent partiellement financés par capitalisation. D’autres pays d’Europe, notamment dans le sud-est de la région, ont développé une solution alternative à la rente en conjuguant système d’État universel et fonds de prévoyance au capital permettant le versement de prestations forfaitaires à différents moments de la vie. Cette typologie n’est pas stabilisée: de nombreux pays de la région ont déplacé la répartition des charges entre premier et deuxième «piliers» au cours des années 2010, en faveur du premier, ou introduit des mesures redistributives pour compenser au moins partiellement les lacunes des régimes privés en matière de couverture ou d’adéquation. C’est le cas notable de la Hongrie, de la Pologne ou de la Fédération de Russie.
Quel que soit le profil national, les mesures prises pour assurer la viabilité générale des régimes de retraite peuvent toutes se résumer à quatre grandes orientations (Dumont, 2020): 1) comprimer ou diminuer la masse financière des pensions versées au retraités; 2) augmenter les prélèvements sur le travail des actifs (soit les cotisations pour les retraites par répartition, soit les intérêts et les dividendes versées à des fonds de capitalisation); 3) augmenter la population active en âge de travailler, et 4) emprunter pour financer les retraites, ce qui revient à les faire prendre en charge avec les intérêts par les générations futures. Confrontés à la nécessité d’assurer l’équilibre des retraites (effectif des retraités/ nombre d’année de retraite/effectif des personnes créant de la richesse), les pays européens ont joué sur l’ensemble des levier disponibles, dans le cadre d’un mouvement visant à augmenter la part contributive et la personnalisation des droits, le taux d’activité des seniors, et retarder l’âge de départ en retraite. Cette politique de vieillissement actif a porté ses fruits: le taux d’activité des 55-65 ans, surtout celui des femmes, a augmenté de 10 points, et l’âge moyen de départ en retraite effective a été repoussé de 2 ans depuis 1990 (mais devra augmenter de 4 ans encore d’ici 2070). Néanmoins, cette hausse ne suffit pas à compenser la baisse nette de la population active. Il est à noter que la Fédération de Russie constitue ici une exception (Nadirova, 2018), n’ayant pas mis en oeuvre de réforme visant à augmenter le taux d’activité des seniors, pour la raison notable qu’il est déjà l’un des plus élevé du continent (Galina et al., 2018).
Au total, le coût net du vieillissement devrait augmenter de 1 à 2 pour cent du PIB du continent d’ici 2070, en dépit du durcissement des règles de calcul des pensions de retraite, et en raison principalement de la hausse des dépenses maladie liées au vieillissement.
S’agissant de la santé en effet, les systèmes en place sont appelés à assumer une augmentation généralisée des dépenses: l’augmentation de la longévité sans changement de profils conduira à une augmentation généralisée des dépenses tout au long de la vie, et des dépenses de santé générales (Breyer, Costa-Font and Felder, 2010), alors même que la technicité des soins et des professionnels les rendra plus coûteux – 50 pour cent de la hausse des coûts depuis 1980 est serait due à cette technicité croissante (Willermé et Dumont, 2015) – et que le nombre des actifs cotisants, comme on l’a vu, sera appelé à diminuer. Une préoccupation financière d’autant plus grande que les dépenses de santé se socialisent: les dépenses financées par l’individu représentent encore dans les pays émergent d’Europe une moyenne 30 pour cent de la dépense totale de santé. Elles sont réduites à 10 pour cent dans les pays scandinaves et de l’Europe de l’Ouest. En outre, au cours des trois dernières décennies, de nombreux pays de la région ont mis en place un système de couverture universelle.
Face aux enjeux à venir, la problématique de l’économie informelle reste essentielle pour le financement de régimes institutionnels adaptés. C’est tout particulièrement vrai pour les prestations de long terme liées à la retraite ou à l’autonomie des personnes âgées, pour lesquelles un financement stable et régulier est nécessaire. Bien que variable d’un pays à l’autre, l’importance de l’économie informelle constitue un point faible institutionnel supplémentaire pour répondre au vieillissement qui s’annonce. C’est encore plus vrai pour les femmes. Cette préoccupation liée à la faiblesse du recouvrement est particulièrement prégnante dans les pays où les revenus des personnes âgées sont pour l’essentiel issus des systèmes publics universels de retraite. En effet, c’est souvent aux systèmes universels, financés par l’impôt de tous, qu’échoie finalement une grande part de la réponse au vieillissement, les avantages des régimes d’épargne-retraite, souvent fiscalement subventionnés, restent le privilège d’une minorité aisée.
Le phénomène de polarisation des revenus à la retraite ne concerne pas uniquement les pays émergents, mais aussi les pays ayant renforcé l’aspect contributif des droits à retraite au nom de la viabilité. Ainsi, et à titre d’exemple, on retiendra qu’en Suède, quand le travailleur moyen dispose d’un taux de remplacement brut de 55 pour cent des revenus moyens de toute sa vie active, celui dont la rémunération fut deux fois plus élevée que la moyenne bénéficiera d’un taux de remplacement de près de 140 pour cent du fait de son épargne retraite, soit une pension de retraite totale presque six fois supérieure à celle du travailleur médian (OCDE, 2021a). Dans les pays où les fonds de pension sont les plus importants, comme le Danemark, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni, le même phénomène est constaté.
Les deux branches, retraite et santé, vont donc devoir faire face aux besoins nouveaux consécutifs au grand vieillissement. L’une des difficultés consiste en la différenciation entre ce qui relève de soins, financés par l’assurance maladie, et ce qui relève de l’accompagnement social. La réalisation des activités de la vie quotidienne (AVQ: manger, se laver, s’habiller, aller aux toilettes, se déplacer et être continent) est généralement utilisée comme indicateur clé pour évaluer le besoin en soins d’une part, et en services d’accompagnement d’autre part. Il est tout à fait possible de ne pas avoir besoin de soins, mais de services de soutien, pour accomplir ces 6 AVQ. Pour cette mission précise, le niveau de qualification (et le coût unitaire) est moindre que pour des prestations de soins proprement dites, c’est-à-dire nécessitant un personnel médical qualifié.
Plusieurs gouvernements européens ont introduit l’assurance soins de longue durée (ASLD) pour aider les personnes à payer les soins réguliers reçus à domicile ou dans une maison de retraite lorsqu’elles ne sont plus en mesure de s’occuper d’elles-mêmes. En la matière, l’égalité dans l’accès aux droits constitue un défi. L’Allemagne a ainsi introduit l’ASLD pour les personnes âgées en 1995 au moyen d’un système d’assurance sociale censé garantir cette égalité. En Belgique, les SLD se composent d’un large éventail de services organisés surtout au niveau régional et municipal, et présentent de fortes disparités selon les territoires. La France a de son côté mis en place un «cinquième risque de sécurité sociale» assuré par les collectivités locales mais appuyé sur un fond national de compensation pour assurer l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire.
Pour réduire les lacunes dans le parcours de soins et les hospitalisations inutiles, on cherche à garantir des services et soins coordonnés, permettant à la personne de rester à son domicile le plus longtemps possible. Ces dernières années, plusieurs pays d’Europe ont adopté une approche plus globale pour fournir des soins et des services de longue durée aux personnes âgées et faciliter le vieillissement sur place. Aux Pays-Bas, un établissement de soins pionnier pour les personnes âgées atteintes de démence, qui favorise le vieillissement sur place et des SLD de qualité, a été construit en 2009 sous la forme d’une maison de soins infirmiers appelée De Hogeweyk. L’établissement s’appelle un «village» et non un «hôpital», et ses habitants sont qualifiés de résidents et non de patients. Ces politiques dédiées en cours de constitution impliquent toujours un effort financier supplémentaire. Des prestations sociales en espèces, moins coûteuses, comme des incitations financières pour les aidants non professionnels (ou les aidants sans statut professionnel) peuvent parfois être mises sur pied, comme par exemple au Danemark, en Irlande, en Italie et au Royaume-Uni, car ces «aidants informels» jouent un rôle majeur dans le bon fonctionnement des systèmes de SLD en Europe. Dans les sociétés vieillissantes, il convient toutefois de promouvoir parallèlement une offre de main-d’oeuvre professionnelle pour permettre aux aidants de prendre des congés ou d’obtenir des formations dans le cadre d’une filière appelée à être très soutenue par l’immigration (Bornia et al., 2011).
Enfin, l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication se développent afin d’assurer le meilleur service d’aide aux personnes âgées. En Allemagne, la recherche sur les soins ambulatoires, informels et intersectoriels explore également le potentiel des technologies numériques pour améliorer l’indépendance des bénéficiaires de soins et décharger les aidants formels et informels. Ailleurs, comme en Autriche, une politique dédiée a été mise en place pour faciliter l’éducation à Internet des plus anciens (Firgo et Famira-Mühlberger, 2020).
Nonobstant l’organisation institutionnelle des systèmes de retraite et de santé, l’organisation de filières professionnelles d’une part, et la formalisation du cadre formel des activités de soutien au grand âge d’autre part, constituent les éléments efficients d’une réponse appropriée aux nouveaux enjeux organisationnels financiers du vieillissement. C’est tout particulièrement vrai pour le financement des politiques de maintien dans l’autonomie, dont la mise en place constitue l’un des enjeux budgétaires des années à venir (Safonov et Shkrebelo, 2021). Aussi, il conviendra d’ajouter à la formalisation du travail et à la professionnalisation des aidants le soutien institutionnel aux aidants informels (Muir, 2017), comme les proches ou la communauté locale, dont la récente étude EMMY a démontré l’importance de l’interaction pour assurer le bien‑être et l’autonomie des personnes âgées (Varlamova et al., 2020). Cette professionnalisation est enfin essentielle pour éviter toute forme de maltraitance, un fléau régulièrement révélé par la presse.
Premières réponses institutionnelles
Différentes solutions opérationnelles ont été mises en place pour répondre aux enjeux ici esquissés. Elles visent à assurer la mise en place de services dédiés aux personnes vieillissantes, à garantir la résilience de ces services dédiés même en temps de crise politique, sociale, ou sanitaire, et à augmenter la formalisation de l’économie et l’extension de la couverture de protection sociale.
Pour améliorer les services dédiés aux travailleurs vieillissants et aux personnes âgées, notamment nécessitant une prestation de soins à domicile ou en établissement, différentes initiatives se sont élaborées. En Suède tout d’abord, un outil de planification du départ en retraite (Uttagsplaneraren), qui permet au citoyen d’évaluer les conséquences sur leurs droits de l’âge de départ, a été mis en place par l’Agence suédoise des pensions. Afin de répondre aux besoins du grand âge et de l’autonomie, différentes politiques ont été mises en oeuvre, comme en Azerbaïdjan, où l’Agence pour une sécurité sociale durable et opérationnelle (DOST) déploie une politique dédiée aux personnes âgées isolées visant à les soutenir dans les actes de la vie quotidienne. Enfin, dans la perspective de mieux accompagner les familles en situation de détresse, l’Institution d’assurance sociale polonaise (ZUS) a mis en oeuvre des prestations exceptionnelles destinées aux personnes âgées dans le cadre de sa politique dite «du bouclier anti-crise».
S’agissant de la résilience des services dédiés, différentes solutions sont développées. Il s’agit tout d’abord de maintenir l’activité de services particulièrement frappés par la pandémie, avec la mise en place de protocoles spécifiques ayant largement recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), comme en Finlande où KELA a déployé deux chatbots (Kela-Kelpo et FPA-Folke) pour assister les assurés sociaux, notamment dans le contexte spécifique de la COVID‑19. On notera en outre, et toujours à titre d’exemple la possibilité d’organiser des visites virtuelles et de discuter avec les conseillers par vidéoréunions, déployée par la ZUS en Pologne, et par de nombreux membres à travers l’Europe. De nombreux services télématiques assurent une orientation personnalisée des assurés, quels que soient l’heure et le lieu où ils se trouvent. L’outil informatique a ainsi et d’une façon générale été privilégié, pour permettre l’accès sans contact à tous les services offerts, comme en Allemagne où l’Assurance pension allemande - Agence fédérale (DRV) a mis en place une stratégie numérique d’ampleur. Une telle évolution requiert des services d’accompagnement et d’éducation à l’usage de ces nouveaux outils, notamment pour les personnes âgées plus réticences à ces technologies: c’est le choix de l’Office public d’assurance sociale letton (SSIA) qui a déployé, avec le service clientèle unifié des collectivités locales, des formateurs informatiques (e-assistant) pour familiariser les usagers avec ces différents services en ligne.
Afin d’améliorer l’accès à l’emploi formel pour assurer le financement des prestations appropriées face au vieillissement (BIT, 2021b), différentes approches sont développées à travers la région. L’éducation à la sécurité sociale, tout d’abord, à l’image de la politique de communication développée par le Fonds de pension cumulatif unifié du Kazakhstan, se développe dans l’ensemble de la région afin de permettre aux citoyens de mieux comprendre les enjeux d’une formalisation de leur emploi. En outre, la logique visant à simplifier les procédures de versement des cotisations des très petites entreprises se généralise, comme avec le programme turc «Application simple pout l’employeur» ou la simplification du versement des cotisations pour le deuxième pilier mis en place dans ce pays. Elle constitue enfin une solution pour la professionnalisation des prestations de service non médicales associées aux politiques de l’autonomie. C’est dans cette perspective qu’en France, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) a mis en place des services simplifiant la formalisation de ce type d’activité, assortis d’une incitation fiscale pour l’employeur individuel.
Bonne pratiques
France: favoriser la formalisation des services à la personne
L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui pilote le réseau des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), a mis en oeuvre une politique dédiée à la formalisation et la professionnalisation des services d’aide à la personne.
Le «chèque emploi service universel» en ligne (CESU+) a permis de simplifier les formalités à accomplir par les personnes qui reçoivent une aide à domicile pour déclarer leur employé et bénéficier d’un allègement fiscal: il constitue ainsi un système simplifié d’immatriculation en ligne, appuyé par une politique de dépense fiscale qui conduit l’État à supporter la moitié des charges du personnel, pour assurer la professionnalisation des services à domicile et donner aux personnes qui les fournissent le statut de salarié, assorti de tous les droits à formation professionnelle associés. Pour les intervenants à domicile qui conservent un statut indépendant, le statut juridique simplifié dit de l’autoentrepreneur qui ouvre droit à une protection sociale complète contre des versements forfaitaires permet la formalisation des microentreprises et l’enrôlement des sociétés individuelles.
Source: AISS (2022).
Azerbaïdjan: une politique d’accompagnement social pour les 65 ans et plus
L’Agence pour la sécurité sociale durable et opérationnelle (Agence DOST) fournit des
services sociaux à domicile aux personnes âgées vivant seules sans parents proches ni
représentants légaux. Dans le cadre de ces services à domicile, les assistants sociaux aident
les personnes âgées à effectuer les tâches ménagères, les achats de produits alimentaires
et de médicaments, les paiements, etc.
Par ailleurs, l’Agence développe des initiatives pour améliorer la prestation de sécurité
sociale aux personnes âgées. Elle contribue à améliorer leur qualité de vie et à promouvoir
leur participation active à la société. C’est pourquoi l’Agence a été désignée comme organe
exécutif de la troisième composante d’’un projet conjoint sur le «vieillissement actif»
par le ministère du Travail et de la Protection sociale de la Population de la République
d’Azerbaïdjan (MLSPP) et le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP). Dans le
cadre de ce projet, l’Agence a mis en oeuvre plusieurs tâches telles que le partage d’expérience intergénérationnel, la transmission aux personnes âgées de nouvelles connaissances et compétences en matière de technologies de l’information et de la communication (TIC), et l’organisation d’activités de loisir.
En outre, l’Agence a mis en place le sous-programme de bénévolat Silver DOST, qui recrute
des retraités comme bénévoles pendant au moins deux mois. Ce programme permet à des
personnes ayant des antécédents différents de devenir des intervenants sociaux temporaires et de servir les citoyens dans les centres de services du DOST.
Source: AISS (2022).
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