Même si les programmes de protection contre le chômage ne sont guère développés dans la région Asie-Pacifique, à l’instar du reste du monde, d’importants développements sont mis en œuvre en vue d’en élargir et d’en améliorer la couverture. La pandémie de COVID-19 a accéléré certains d’entre eux. Cet article présente les tendances globales et les bonnes pratiques concrètes des institutions membres de la région.
La protection contre le chômage vise à garantir la sécurité des revenus en cas de pertes d’emploi et à promouvoir la création de postes décents (BIT, 2021a). Elle comprend l’assistance ou l’assurance-chômage. En outre, elle est souvent liée aux politiques actives du marché du travail. Il s’agit de différents types de mesures de promotion de l’emploi, comme des services de conseils pour trouver un travail, préparer un curriculum vitæ (CV) et des entretiens d’embauche, des recommandations ou des informations sur les postes à pourvoir, ou encore une aide à la requalification et à l’amélioration des compétences (Bedard, Carter et Tsuruga, 2020). Les normes du travail de l’Organisation internationale du Travail (OIT) comprennent trois outils importants pour concevoir une protection contre le chômage. La Convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, définit les normes minimums en matière de prestations de chômage. En revanche, la Convention (no 168) sur la promotion de l’emploi et la protection contre le chômage, 1988, et la Recommandation (no 176) sur la promotion de l’emploi et la protection contre le chômage, 1988, établissent des normes plus strictes et des lignes directrices de mise en œuvre détaillées.
De manière générale, la protection contre le chômage reste la branche la moins largement mise en œuvre de la sécurité sociale (BIT, 2021a). En 2020, sa couverture juridique était limitée à 36,6 pour cent en Asie‑Pacifique, contre 64,2 pour cent en Amérique, 82 pour cent en Europe et en Asie centrale, ainsi que 11,6 pour cent en Afrique. La couverture effective était encore plus basse: seulement 14 pour cent des chômeurs et chômeuses en Asie-Pacifique ont reçu des prestations en espèces, contre 16,4 pour cent en Amérique, 51,3 pour cent en Europe et en Asie centrale, ainsi que 5,3 pour cent en Afrique (BIT, 2021a). La structure du marché du travail dans les pays à revenu faible et intermédiaire de la région Asie-Pacifique constitue un défi de taille à relever pour élargir la protection contre le chômage. Le nombre élevé d’emplois informels et de sous-emplois, la prédominance des emplois de courte durée, saisonniers, à temps partiel et interentreprises, mais aussi du travail indépendant, en particulier chez les femmes, empêche la mise en place d’une protection contre le chômage efficace et durable (Bista et Carter, 2017). Par conséquent, il est bienvenu que l’attention portée à cette protection se soit récemment renforcée dans la région. En effet, sur les 18 programmes en place, 10 ont été lancés depuis 2005 (voir le tableau 1). Ces développements ont eu lieu suite à des chocs économiques régionaux et internationaux. Toutefois, ils ont principalement concerné l’Asie du Sud-Est et de l’Ouest, où l’assurance sociale domine dans la plupart de ces pays, à l’exception de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande (assistance sociale), mais aussi de la Jordanie (assurance sociale ou compte individuel) (AISS, 2022). La pandémie de COVID-19 a entraîné un regain d’intérêt pour cette question au-delà de ces sous-régions.
Pays | Année d'introduction | Type de programme |
---|---|---|
Nouvelle-Zélande | 1930 | Aide sociale |
Australie | 1944 | Aide sociale |
Japon | 1947 | Assurance sociale |
Chine | 1986 | Assurance sociale |
Iran | 1987 | Assurance sociale |
Thaïlande | 1990 | Assurance sociale |
République de Corée | 1993 | Assurance sociale |
Mongolie | 1994 | Assurance sociale |
Inde | 2005 | Assurance sociale |
Bahreïn | 2006 | Assurance sociale |
Viet Nam | 2006 | Assurance sociale |
Jordanie | 2010 | Assurance sociale / compte individuel |
Myanmar | 2012 | Assurance sociale |
Koweït | 2013 | Assurance sociale |
Laos | 2013 | Assurance sociale |
Arabie saoudite | 2014 | Assurance sociale |
Malaisie | 2017 | Assurance sociale |
Indonésie | 2021 | Assurance sociale |
Source: AISS, 2022. |
Expériences de protection contre le chômage en Asie-Pacifique
À fur et à mesure de l’évolution des systèmes de sécurité sociale et de la capacité de mise en œuvre, de plus en plus d’institutions de sécurité sociale dans la région Asie-Pacifique lancent des plans de protection contre le chômage (BIT, 2021a; Bedard, Carter et Tsuruga, 2020). Le ralentissement économique et les pertes d’emploi générés par la pandémie de COVID-19 ont accentué les vulnérabilités liées au chômage auxquelles de nombreux pays à revenu faible et intermédiaire sont confrontés dans la région, y compris les personnes travaillant dans l’économie informelle. Ainsi, des discussions tripartites ont été menées en vue d’évaluer la faisabilité du lancement de plans d’assurance-chômage dans des pays comme le Bangladesh et l’Indonésie (BIT, 2021a). Afin de trouver des solutions communes permettant de relever ce défi complexe et de partager des bonnes pratiques, l’AISS a réuni des institutions membres lors de webinaires, du Forum virtuel de la sécurité sociale pour l’Asie et le Pacifique en 2022 mais aussi d’autres événements. L’objectif de cet article est de stimuler cette réflexion sur ce sujet dans la région en récapitulant les expériences, les défis et les leçons apprises des institutions membres.
Ministère des Ressources humaines et de la Sécurité sociale, Chine
Le ministère chinois des Ressources humaines et de la Sécurité sociale a pris plusieurs initiatives afin de limiter les conséquences de la pandémie de COVID-19 pour les entreprises, de conserver les niveaux d’embauche et de protéger les moyens d’existence de la population. Cette stratégie était composée de plusieurs éléments (Ministère des Ressources humaines et de la Sécurité sociale, 2021; AISS, 2020). Tout d’abord, les micro, petites et moyennes entreprises, qui représentent 90 pour cent du nombre total d’emplois, pouvaient bénéficier d’un remboursement des cotisations qu’elles avaient versées dans le cadre de l’assurance-chômage si elles limitaient les licenciements aux niveaux prédéfinis, en fonction de la taille de la société concernée, de l’historique des cotisations, de la durée de l’embauche et d’autres critères. Ensuite, les cotisations patronales de ces entreprises ont été annulées, diminuées et reportées à plusieurs reprises au cours des deux ans de la pandémie.
Outre les modifications apportées aux régimes existants, l’assurance-chômage s’est développée de manière considérable. Les allocations chômage ont été prolongées jusqu’en décembre 2020 pour les personnes qui n’ont pas retrouvé de travail même après l’expiration de leurs droits. Les distinctions entre les citoyens et les citoyennes, d’une part, et les migrants et migrantes, d’autre part, (qui constituent une pierre angulaire du système de sécurité sociale de la Chine) ont été temporairement assouplies: les migrants et migrantes travaillant sur le sol chinois ont bénéficié d’allocations de subsistance temporaires, calculées selon les normes en vigueur en la matière, dans les villes où ils ont payé leurs cotisations.
Agence nationale de sécurité sociale pour l’Emploi (National Social Security Administering Body for Employment – BPJS Ketenagakerjaan), Indonésie
En 2021, l’Indonésie a créé le tout premier programme d’assurance-chômage du pays. Il couvre uniquement les travailleurs et travailleuses qui participent déjà à deux programmes publics de sécurité sociale, à savoir l’initiative de l’Institution de sécurité sociale pour le secteur de la santé (Social Security Administering Body for the Health Sector – BPJS Kesehatan) et le plan de sécurité sociale pour les travailleurs de la BPJS Ketenagakerjaan. Cette dernière gère le versement des prestations en espèces, tandis que la formation et l’accès aux informations du marché du travail incombent au ministère de la Main-d’œuvre (BIT, 2021b).
Outre les conseils d’orientation professionnelle, mais aussi les formations en ligne et hors ligne, les travailleurs et travailleurs éligibles peuvent recevoir des prestations en espèces pendant six mois au maximum, y compris 45 pour cent de leur salaire mensuel au cours des trois premiers mois et 25 pour cent les mois suivants. Les employeurs qui n’inscrivent pas les membres de leur personnel devront leur verser des indemnités forfaitaires à titre compensatoire en plus de leur fournir une formation professionnelle.
Le programme est financé à l’aide d’un taux de cotisation total s’élevant à 0,46 pour cent des salaires mensuels, dont 0,22 pour cent proviennent du gouvernement et 0,24 pour cent de l’employeur. Il est important de noter que les cotisations patronales à l’assurance-chômage sont une recomposition des éléments du régime de retraite dédiés à la compensation du travail et à l’assurance-vie, sans créer de charge financière supplémentaire pour les employeurs (Medina, 2021). En 2022, le nombre total de bénéficiaires dans le cadre du programme de prestations de chômage devrait être de 629 000 (Cabinet Secretariat, 2022).
Institution de sécurité sociale (Social Security Corporation – SSC), Jordanie
Le gouvernement de Jordanie a lancé le programme Istidama à 200 millions de dinars jordaniens (JOD) pour protéger les travailleurs et les travailleuses pendant la pandémie (SSC, 2021). La SSC s’est appuyée sur les Lignes directrices de l’AISS en matière de recouvrement des cotisations et de conformité (AISS, 2019a) et sur les Lignes directrices de l’AISS en matière de qualité des services (AISS, 2019b) pour développer des réponses efficaces en temps opportuns face à la hausse sans précédent du chômage. Le programme s’appliquait aux travailleurs et aux travailleuses de deux catégories d’entreprise entre les mois de décembre 2020 et décembre 2021. Tout d’abord, les personnes employées dans des établissements qui n’étaient pas autorisés à ouvrir, à cause des restrictions mises en place pour lutter contre la pandémie, touchaient 50 pour cent de leur salaire net. En outre, le programme versait les cotisations des travailleurs et des travailleuses aux assurances applicables dans la limite d’un plafond défini. Ensuite, les personnes travaillant dans les secteurs et les entreprises les plus durement touchés par la pandémie recevaient 75 pour cent de leur salaire net, une aide financée en commun par le gouvernement et leur employeur. La SSC a également aidé les employeurs à gérer les conséquences de la pandémie sur les liquidités en diminuant les cotisations totales à la sécurité sociale de 21,75 à 5,25 pour cent entre les mois de mars et de mai 2020, mais aussi en les autorisant à reporter leurs cotisations pour cette période à une date ultérieure.
Organisation de la sécurité sociale (Social Security Organization – SOCSO), Malaisie
Depuis 2019, le personnel de toutes les entreprises privées (toutes tailles confondues) de Malaisie bénéficie d’une protection contre le chômage garantie en vertu de la loi EIS (Employment Insurance System) de 2017. L’EIS fournit cinq types d’indemnités via la SOCSO, à savoir pour la recherche d’emploi, pour le retour à l’emploi anticipé, pour la diminution de revenus, pour la formation et pour les frais de formation. Les employeurs et leur personnel sont tenus de cotiser en reversant chacun 0,2 pour cent de leur salaire en vertu de l’EIS. Tous les employés qui ont cotisé pendant au moins 12 mois sur 24 peuvent bénéficier de l’EIS s’ils se retrouvent au chômage (SOCSO, 2020). En mai 2022, 6,4 millions de travailleurs et de travailleuses bénéficiaient de cette couverture. Au cours de l’exercice fiscal 2021-2022, 449 millions de ringgits malaisiens (RM) ont été versés sous forme de prestations à 77 603 travailleurs et travailleuses. Par ailleurs, à ce jour, la SOCSO a aidé 384 000 demandeurs et demandeuses d’emploi à retrouver un travail grâce aux services pour l’emploi (SOCSO, 2021).
Lors de l’entrée en vigueur de l’EIS, la portée des services fournis par la SOCSO a connu une expansion significative. En 2020, la SOCSO est devenue le prestataire national de services pour l’emploi, ce qui a entraîné une hausse des demandes pour ses services d’intermédiation pour l’emploi. Dans le cadre de ce rôle élargi, des mécanismes ont été développés afin de garantir une collaboration efficace au sein de l’écosystème fragmenté des entités publiques et privées fournissant des services pour l’emploi. En vue de relever ce défi, la SOCSO a configuré une plateforme numérique à fenêtre unique. Le portail MyFutureJobs est une plateforme unifiée dédiée à la prestation intégrée de services pour l’emploi. Elle contient des informations sur les demandeurs et demandeuses d’emploi, qui accèdent à des offres adaptées, aux programmes actifs en faveur du marché du travail des ministères et à des conseillers d’orientation professionnelle de la SOCSO qui leur apportent une aide individuelle. En outre, elle fournit en temps réel des informations sur le marché du travail afin de favoriser l’élaboration de meilleures politiques.
L’EIS et le portail MyFutureJobs étaient essentiels pendant la pandémie: le nombre de demandeurs et demandeuses d’emploi a augmenté de 167 pour cent. La SOCSO a conçu plusieurs programmes, disponibles via le portail MyFutureJobs, pour une allocation totale s’élevant à plus de 27 milliards de RM (soit 2,45 pour cent du PIB du pays).
Organisation générale de l’assurance sociale (Organization for Social Insurance – GOSI), Arabie saoudite
Le Royaume d’Arabie saoudite a adopté la loi SANED d’assurance-chômage en 2014 pour fournir un revenu transitoire aux travailleurs et travailleuses sans emploi du secteur privé (GOSI, 2018). Actuellement, l’ensemble des employeurs et leur personnel sont tous obligés de reverser 0,75 pour cent de leur salaire dans le fonds SANED (Saudi Gazette, 2022). La conception des prestations se fonde sur une structure variable en vue d’impulser une transition plus rapide vers le retour à l’emploi: les prestations de chômage sont versées à hauteur de 60 pour cent des salaires mensuels moyens au cours des trois premiers mois, puis à hauteur de 50 pour cent au cours des mois suivants sur une période pouvant aller jusqu’à 12 mois au maximum. En outre, la GOSI, qui est chargée de l’application du programme SANED, travaille en étroite collaboration avec le ministère du Travail et du Développement social, mais aussi avec le fonds Human Resources Development Fund dédié au développement des ressources humaines, en vue de fournir des formations et une aide au développement professionnel aux personnes sans emploi. Le programme SANED apporte une innovation fondamentale: les conditions d’éligibilité et d’exclusion sont gérées automatiquement grâce à un échange de données sans heurts entre les institutions concernées.
Le programme SANED a joué un rôle essentiel dans l’atténuation des conséquences de la crise de COVID-19, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Il a été temporairement modifié afin de couvrir pendant trois mois l’intégralité des Saoudiens qui travaillent dans de petites entreprises de moins de 5 membres, et jusqu’à 70 pour cent de ceux employés par de grandes ou moyennes entreprises (Fusco, 2020). Le programme SANED a versé environ 6,2 milliards de rials saoudiens (SAR) en vue d’aider 478 077 travailleurs et travailleuses au sein de 84 377 entreprises (GOSI, 2021). L’objectif principal était de maintenir le taux de chômage à 12 pour cent tout en minimisant les fraudes. D’importants efforts ont été déployés pour amplifier la portée du programme. La GOSI en a révisé la conception et les flux de travail, a mis en place de nouveaux canaux de communication et a développé des modèles inédits de détection des fraudes. Le personnel du service aux affiliés a augmenté de 700 pour cent. Enfin, les bénéficiaires ont reçu les dernières informations disponibles via plus de 2 millions de SMS.
Ministère de l’Emploi et du Travail et Office national des pensions (National Pension Service – NPS), République de Corée
Le plan d’assurance professionnelle Employment Insurance est le principal outil permettant de protéger les personnes sans emploi en République de Corée. Appuyé par la loi Employment Insurance Act votée en 1993, il a été lancé en 1995. Le ministère de l’Emploi et du Travail est en charge de la supervision générale, du versement des prestations et de la gestion du programme. Le service Korea Workers’ Compensation and Welfare Service (COMWEL) définit le taux des cotisations, que le service national d’assurance maladie (National Health Insurance Service – NHIS) collecte. Même si ce plan était au départ limité aux employés du secteur formel, il a été progressivement étendu au cours de la pandémie afin de garantir une protection contre le chômage élargie à l’ensemble des travailleurs et travailleuses, notamment les professions libérales (ministère de l’Emploi et du Travail, 2021) dont l’activité dépend d’une autre unité économique. La portée de la couverture de l’assurance professionnelle a connu une autre extension pour intégrer les artistes et d’autres catégories de prestataires dépendants grâce à des amendements juridiques votés en décembre 2020 et en juillet 2021 (voir BIT, 2021c pour en savoir plus sur le plan d’assurance professionnelle). En 2020, 14,1 millions de personnes étaient assurées et près de 1,8 million a reçu des prestations de chômage (Statistics Korea).
Tandis que le principal programme d’assurance professionnelle couvre la population active, la République de Corée doit aussi relever les défis du financement de retraites adéquates pour une population vieillissante et de la baisse du taux de natalité. Afin d’alléger la pression exercée sur les fonds de pensions, il est important de créer des emplois pour les travailleurs et travailleuses de 50 à 60 ans et plus, qui représentent 14,6 pour cent de la population et sont appelés localement les «nouveaux quinquagénaires» (NPS, 2021). En juillet 2017, le NPS a créé un «groupe de travail dédié au projet des nouveaux quinquagénaires» pour fournir des consultations et des formations personnalisées afin d’aider cette population à trouver un emploi. Depuis 2018, le NPS a établi un système fondé sur des techniques de big data en vue de proposer aux nouveaux quinquagénaires des postes à pourvoir dans les secteurs public et privé. Le NPS a monté une équipe dédiée dont la mission consiste à établir des collaborations et à développer des projets visant à garantir l’embauche de cette population cible. À compter de la mise en place de la politique d’embauche des nouveaux quinquagénaires, le NPS a proposé des emplois à 1 181 participants et participantes dans le cadre de 51 programmes. Depuis 2021, 20 employés désignés dans sept bureaux régionaux s’efforcent d’instaurer des réseaux avec les gouvernements locaux, mais aussi de mener activement des projets communs visant à identifier les ressources sociales régionales et à les mettre à la disposition des nouveaux quinquagénaires.
Résultats
Le tableau 2 récapitule les résultats obtenus par ces institutions grâce à leurs programmes de protection contre le chômage.
Institution | Résultats obtenus |
---|---|
Ministère des Ressources humaines et de la Sécurité sociale, Chine |
|
SSC, Jordanie |
|
SOCSO, Malaisie |
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GOSI, Arabie saoudite | Avant la pandémie de COVID-19
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Ministère de l’Emploi et du Travail, COMWEL et Office national des pensions, République de Corée |
|
Facteurs clés de réussite
La coordination des régimes d’assurance-chômage avec les politiques actives du marché du travail est fondamentale pour en optimiser l’efficacité, car ces initiatives complémentaires protègent les populations vulnérables qui sont pauvres et travaillent dans le secteur informel, ou bien risquent de l’être prochainement. En Arabie saoudite, la GOSI travaille en étroite collaboration avec d’autres organes gouvernementaux en vue de compléter l’aide financière par un soutien psychologique et une formation visant à impulser un retour l’emploi plus rapide. En Malaisie, les services de proximité, la formation, mais aussi l’adéquation entre l’offre et la demande de main-d’œuvre sont les piliers de l’EIS.
Des capacités élevées sont nécessaires pour fournir des indemnités de chômage exhaustives. Les capacités financières, techniques et administratives requises pour fournir de manière efficace des informations sur le marché du travail et des services de placement sont souvent manquantes, en particulier dans les pays à revenu faible et intermédiaire. En République de Corée, le gouvernement a introduit le concept d’emploi universel. Outre le versement de prestation de chômage via ses 133 centres Employment Welfare Plus Centres à travers le pays, le ministère de l’Emploi et du Travail a établi une feuille de route en décembre 2020 visant à élargir graduellement la couverture de l’assurance professionnelle afin d’intégrer l’ensemble des travailleurs et des travailleuses d’ici 2025. En outre, il a mis en place une aide à l’embauche dans le cadre d’un programme destiné à l’ensemble des demandeurs et demandeuses d’emploi en janvier 2021 (BIT, 2021c).
Il est essentiel que les institutions soient prêtes et que l’administration fasse preuve de flexibilité afin d’élargir la portée de l’assurance-chômage en cas de crises. La solution chinoise en matière de sécurité sociale a été facilitée par le lancement d’une plateforme unifiée d’assurance sociale en 2019. En améliorant la disponibilité des services électroniques sur cette plateforme, les services fournis en personne ont connu une baisse drastique. Les processus de demande ont été simplifiés et les critères d’éligibilité ont été réduits afin d’accélérer le traitement des demandes. Par exemple, les demandes en ligne de prestations de chômage ont été acceptées dans 297 villes. Ce processus a remplacé temporairement la pratique habituelle selon laquelle les demandeurs et demandeuses d’emploi devraient obligatoirement s’inscrire auprès d’agences du service public et démontrer qu’ils s’efforçaient de chercher un emploi.
L’intégration administrative est essentielle pour mettre en œuvre de manière efficace une aide à l’embauche exhaustive. En particulier, les politiques actives du marché du travail mises en place dans les pays en développement souffrent souvent d’une fragmentation des institutions et des programmes, ce qui engendre une duplication des services et de l’inefficacité (Bird et Silva, 2020). L’importante couverture efficace dont bénéficie la Malaisie est une réussite due au portail MyFutureJobs qui consolide différents acteurs et actrices des secteurs public et privé afin de fournir des services d’embauche intégrés et orientés vers les bénéficiaires.
Des analyses avancées des données peuvent améliorer la qualité de l’aide à l’emploi. En Malaisie, les données recueillies via le portail MyFutureJobs ont permis de développer de nouvelles interventions. Par exemple, le comportement des utilisateurs et utilisatrices du portail est régulièrement analysé afin de concevoir des interventions actives à court et à long termes sur le marché du travail. En parallèle, le NPS en Corée utilise des algorithmes pour garantir l’adéquation entre les nouveaux quinquagénaires et les exigences des entreprises, ce qui renforce la qualité des postes proposés.
Le contrôle des fraudes représente toujours une inquiétude importante pour l’assurance-chômage, en particulier en cas de crises lorsque le nombre de demandes connaît une forte hausse, ce qui rend cruciales les vérifications automatiques de l’éligibilité axées sur les données. Par exemple, la GOSI a été en mesure d’échanger de manière automatique des données avec plusieurs institutions afin de vérifier de manière crédible les demandes de prestations de chômage. En outre, la SOCSO en Malaisie se fonde sur l’intégration d’autres institutions pertinentes (comme les services fiscaux et les banques) pour limiter les risques de fraude. L’identité nationale est un atout important pour permettre au programme de s’assurer du caractère unique des demandes et de suivre le statut d’embauche réel de la population.
Même si de nombreuses institutions ont réussi à élargir la portée de l’assurance-chômage lors de la pandémie de COVID-19, la viabilité financière de cette mesure n’est pas assurée. Les mesures mises en place avec succès en Jordanie ont bénéficié d’un important soutien supplémentaire de la part du gouvernement, auquel se sont ajoutés des fonds d’assurance complémentaires provenant de la SSC. En Chine, le solde consolidé des fonds d’assurance-chômage de certaines régions s’est réduit de manière disproportionnée, ce qui peut finir par entraver la capacité financière du pays à faire face à d’éventuelles nouvelles crises de l’emploi. Des interventions politiques visant à garantir un recouvrement financier et à contourner les futurs déficits sont encore en cours de développement.
Conclusion
Près de la moitié de la population active est touchée par les emplois vulnérables dans cette région du monde, soit plus de 900 millions de personnes. Ce chiffre va de 31 pour cent en Asie de l’Est à 72 pour cent en Asie du Sud (AISS, 2018). Or, l’Asie-Pacifique regroupe moins de 20 pour cent des plans de protection contre le chômage mis en œuvre aux quatre coins du globe (AISS, 2022). La plupart des programmes ne comprennent pas de prestations pour les primo-demandeurs et demandeuses d’emploi et excluent les personnes occupant des types d’emplois non standards. Les récessions économiques exercent une influence négative sur le taux d’emploi, particulièrement chez les jeunes travailleurs et travailleuses, par rapport aux personnes plus âgées. Ainsi, l’AISS a identifié la protection des jeunes travailleurs et travailleuses comme l’une des dix priorités en matière de sécurité sociale dans la région (AISS, 2018).
Fait encourageant, un nombre croissant de pays se prépare à lancer des régimes d’assurance-chômage dans la région. Par exemple, aux Philippines, la chambre des représentants a adopté début juin 2021 la loi sur l’extension de l’assurance-chômage, qui doit être maintenant approuvée par le Sénat (Cator, 2021).
Afin d’aider les institutions membres de l’AISS à relever les nouveaux défis qui se présentent sur leur chemin, mais aussi à s’adapter aux évolutions et transformations du marché du travail, l’AISS a publié ses Lignes directrices en matière de promotion de l’emploi durable en 2016 (AISS, 2016). Une version actualisée de ces lignes directrices sera présentée lors du Forum mondial de la sécurité sociale qui se tiendra au Maroc en octobre 2022. Ces lignes directrices ont pour objectif d’aider les institutions membres de l’AISS à prendre des décisions stratégiques éclairées quant à la conception et à la mise en place de programmes et de services visant à aider la population à obtenir un emploi et à le conserver, à améliorer son employabilité grâce à un accès permanent à l’apprentissage tout au long de la vie et à simplifier le retour à l’emploi.
Les expériences récentes des institutions membres de l’Association qui sont décrites dans cet article démontrent de manière concrète comment le contenu des Lignes directrices de l’AISS en matière de promotion de l’emploi durable est appliqué. Elles mettent aussi en lumière les manières permettant de garantir de façon significative la promotion de l’emploi et la protection contre le chômage malgré les défis structurels émergeant dans la région.
Références
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