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Promotion d’une croissance inclusive et de la cohésion sociale – Asie et Pacifique

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Promotion d’une croissance inclusive et de la cohésion sociale – Asie et Pacifique

De premiers signes laissent supposer que l’économie mondiale est en train de résorber la crise de la COVID-19. On s’attend toutefois à ce que chaque pays se relève à une vitesse différente de la crise. Dans la région Asie et Pacifique, les économies plus développées devraient connaître une relance plus rapide que celles qui le sont moins. En général, les pauvres – et les personnes qui ont basculé dans la pauvreté à cause de la crise – sont confrontés à des difficultés pour une durée indéterminée.

La sécurité sociale a constitué l’un des principaux composants des mesures inédites adoptées par les gouvernements en réponse à la pandémie. L’observatoire en ligne sur la COVID-19 du Bureau international du Travail (BIT) a répertorié 363 mesures dans 40 pays d’Asie et du Pacifique, 73 pour cent d’entre elles impliquant le recours à des régimes de sécurité sociale non contributifs et 27 pour cent à des régimes de sécurité sociale contributifs (BIT, 2020c). En dehors des économies les plus développées de la région, la forte participation des gouvernements au financement des prestations de sécurité sociale met en lumière la portée limitée des programmes contributifs ainsi que la nécessité d’apporter une aide sociale aux personnes dépourvues de protection sociale. En parallèle, la crise souligne que, bien souvent, les régimes d’assurance chômage nationaux ne possèdent pas les capacités nécessaires pour faire face à des chocs externes d’une ampleur exceptionnelle. De par leur conception, ces programmes concernent les pertes d’emplois qui sont de nature structurelle et prévoient un revenu de remplacement sous la forme de prestations en espèces pour une durée maximale de seulement trois mois, en règle générale.

Les mesures d’urgence prises par les gouvernements pour soutenir le mode de consommation des ménages durant la pandémie ont pu apporter une stabilisation et un sentiment de sécurité. Toutefois, ces mesures d’urgence sont, par définition, temporaires. Il convient dès lors de se poser une importante question: ces mesures temporaires composent-elles un prélude à l’élaboration d’une politique qui garantirait une couverture de protection sociale permanente, en particulier pour les travailleurs qui ne peuvent se permettre de participer aux programmes contributifs actuels?

Pour renforcer de manière tangible la reprise socio-économique dans la région et pour promouvoir l’inclusion sociale ainsi que la croissance économique, les systèmes de sécurité sociale doivent faire partie intégrante des politiques visant une croissance et un développement durables et inclusifs.

Messages clés

  • Le concept d’autonomisation économique – c’est-à-dire permettre aux individus de satisfaire leurs propres besoins et leur conception du bien-être – s’avère fondamental pour la croissance inclusive et la cohésion sociale, quelle qu’en soit la définition. C’est en effet grâce à l’autonomisation économique que la sécurité sociale élabore d’importants outils pour la croissance inclusive et la cohésion sociale. Tant du point de vue de l’offre que de la demande, la sécurité sociale entraîne une autonomisation.
  • La sécurité sociale «ne peut pas tout faire toute seule» et doit agir en tant que partenaire clé. L’identification des synergies entre la sécurité sociale, l’emploi et d’autres politiques socio-économiques ainsi que leur prise en compte permettront d’optimiser les investissements réalisés par l’intermédiaire de la sécurité sociale. Les mesures de sécurité sociale d’urgence ne peuvent avoir que des effets temporaires et provisoires. Pour renforcer de manière tangible la cohésion sociale, la sécurité sociale doit servir d’instrument de croissance inclusive.
  • La pandémie de COVID-19 est venue mettre fin à des décennies de progrès en matière de réduction de la pauvreté et des inégalités, ce qui démontre non seulement la gravité de la pandémie, mais aussi la fragilité des progrès accomplis. Les systèmes de sécurité sociale doivent soutenir les individus tout au long de leur vie, leur permettre de sortir de la pauvreté, et les empêcher de basculer dans la pauvreté.
  • La pandémie de COVID-19 a réaffirmé de manière indéniable la nécessité des programmes de soins de santé universels et des socles de protection sociale universels. Plus que jamais, les sociétés doivent garantir le droit humain à la sécurité sociale et assumer la responsabilité financière de l’exercice de ce droit de manière durable.
  • On s’attend toutefois à ce que chaque pays se relève à une vitesse différente de la crise. Les pays plus riches et plus développés devraient connaître une relance plus rapide que ceux plus pauvres et moins développés, qui nécessiteront un financement supplémentaire et immédiat pour se remettre de la crise et garantir leur développement durable.
  • Les gouvernements doivent impliquer l’ensemble des parties prenantes afin d’identifier les priorités de la sécurité sociale, de mobiliser l’espace fiscal, et d’organiser l’amélioration des programmes existants et la mise en œuvre de nouveaux régimes, dans l’objectif d’atteindre de manière progressive une couverture universelle à moyen ou à long terme.
  • Un système d’identification digne de confiance, l’inclusion numérique et une connectivité numérique fiable constituent des domaines prioritaires à l’heure où les pays d’Asie et du Pacifique sortent de la pandémie. La connectivité numérique, en plus d’une identification sûre, garantit la disponibilité d’une série de services en ligne personnalisés pour les gouvernements et les citoyens, y compris la fourniture/l’obtention d’informations, l’envoi de demandes, la soumission de plaintes et de réclamations, et la réception/le versement de paiements.
  • Les gouvernements doivent mettre sur pied une coordination interinstitutionnelle saine qui couvre les politiques, les opérations et la fourniture des services. En particulier, le partage de données permet d’assurer une approche pangouvernementale dans la gestion des différents instruments politiques et des informations sociales. Le partage des bases de données du gouvernement soulève en outre un certain nombre de questions en matière de sécurité et de confidentialité.

Facts & trends

Indicators of growth and inequality

Figure 1. GDP per capita growth 2005–2020
Figure 2. Proportion of informal employment in Asian employment, 2021 or latest year available
Figure 3. Expected evolution in unemployment in 2021–22
Unemployment and poverty rates
Informality levels
Vulnerable groups: Workers in economically high-risk jobs and trainees

Paramètres socio-économiques en Asie et Pacifique avant la pandémie

Avant la pandémie de COVID-19, la région Asie et Pacifique enregistrait près de deux décennies de forte croissance économique. Si le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) de la région est passé de 5,1 pour cent en 2018 à 4,4 pour cent en 2019, il dépassait largement le taux enregistré à l’échelle mondiale ces années-là, qui était respectivement de 3,5 et 2,8 pour cent. La part annuelle moyenne des revenus du travail n’a toutefois augmenté qu’en Asie de l’Est, la sous-région qui compte le plus grand nombre d’économies plus avancées, et les inégalités se sont exacerbées dans les autres sous-régions (BIT, 2020a).

La proportion de la population vivant sous le seuil de l’extrême pauvreté (1,90 USD par jour) a diminué de manière significative, passant de 37,6 pour cent en 1997 à 20,5 pour cent en 2007 et à 7,5 pour cent en 2017 (BIT, 2018a). Les personnes vivant dans une pauvreté modérée ou près du seuil de pauvreté représentaient 16,8 pour cent de la population en Asie de l’Est, 34,4 pour cent en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique, et 56,7 pour cent en Asie du Sud.

L’économie informelle est prégnante en Asie et Pacifique, où l’on retrouve jusqu’à 1,3 milliard des 2 milliards de travailleurs informels du monde entier. À l’exception de l’Asie du Sud-Est et du Pacifique et de l’Asie du Sud, l’économie informelle compte plus d’hommes que de femmes, 70,5 pour cent des travailleurs informels étant des hommes contre 64,1 pour cent de femmes. En Asie du Sud-Est et dans le Pacifique, cette comparaison est respectivement de 75,2 et 75,4 pour cent. En Asie du Sud, ces proportions s’élèvent respectivement à 86,8 et 90,7 pour cent. Le travail informel touche en majeure partie les jeunes, 86,3 pour cent des travailleurs âgés de 15 à 25 ans étant actifs dans l’économie informelle (BIT, 2018b).

Le travail informel et le niveau d’éducation sont négativement corrélés. Les données sur la région révèlent que les personnes ayant obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur sont moins susceptibles de s’engager dans l’économie informelle que celles n’ayant pas dépassé l’enseignement primaire, avec des probabilités de respectivement 0,31 et 0,90 (BIT, 2018a). Le travail informel et la pauvreté sont emmêlés dans un cercle vicieux, chacun étant la cause et la conséquence de l’autre, et la relation entre ces deux composantes se complique davantage lorsque l’on ajoute les inégalités à l’équation.

Les données probantes de la région révèlent qu’une réduction de la pauvreté ne se traduit pas de manière systématique en une diminution des inégalités. La République populaire de Chine (Chine dans la suite du texte) est le premier pays à atteindre la cible de réduction de la pauvreté fixée par les objectifs de développement durable des Nations Unies, du fait du taux de croissance réel de son PIB, qui s’élève en moyenne à 9,5 pour cent depuis les années 1980. La Chine constitue toutefois l’un des pays au monde où les inégalités sont les plus criantes, en termes tant de revenus que de richesse ou d’éducation (BAsD, 2019). En République de Corée, le taux de pauvreté prépandémie se chiffrait à 0,2 pour cent, mais le marché du travail dualiste et très segmenté du pays, qui se compose de travailleurs réguliers et irréguliers, a entraîné une importante inégalité au niveau des revenus salariaux (OCDE, 2011). Ces deux pays ont fait d’un meilleur accès à l’éducation et du renforcement des compétences de la population active une priorité dans leurs réponses à ces défis. Ces tendances méritent d’être mises en avant à l’heure où la région s’efforce de se relever de la crise actuelle.

Sécurité sociale, inclusion et cohésion sociale

En conséquence de la crise de la COVID-19, on estime que la croissance dans la région Asie et Pacifique s’est réduite de 2,2 pour cent en 2020, soit une baisse de près de 7 points de pourcentage par rapport aux années précédentes. Il s’agit du premier taux de croissance négatif qu’enregistre la région depuis plusieurs décennies. Elle aurait perdu environ 81 millions d’emplois en 2020 (32 millions pour les femmes et 49 millions pour les hommes), et 22 millions de personnes se sont ajoutées aux 25 millions vivant dans l’extrême pauvreté. L’Asie du Sud est la région qui a enregistré le plus de pertes d’emplois (près de 50 millions), viennent ensuite l’Asie de l’Est (16 millions), l’Asie du Sud-Est (14 millions) et les îles du Pacifique (0,5 million) (BIT, 2020a). Ces développements ont eu d’importantes conséquences négatives sur le travail informel, la pauvreté et les inégalités. D’après les Nations Unies, la pandémie est venue mettre fin à des décennies de progrès en matière de réduction de la pauvreté, des inégalités et de l’exclusion (ONU, 2020).

La pandémie a réaffirmé de manière indéniable la nécessité des programmes de soins de santé universels et des socles de protection universels, ainsi que celle d’accorder une priorité absolue à la sécurité sociale dans les programmes politiques nationaux.

La force de la sécurité sociale, en tant qu’instrument politique faisant partie du processus de reprise, réside dans sa capacité inhérente à influencer les deux pans de l’économie. D’une part, les conséquences de la demande sont immédiates et sont le fruit des multiplicateurs de revenus des dépenses en sécurité sociale. Les conséquences de l’offre, d’autre part, peuvent prendre plus de temps à se manifester, puisqu’il s’agit surtout de retours sur investissement d’un pays sur ses ressources humaines. Les investissements sociaux visant à faire sortir les individus de la pauvreté grâce à l’éducation et au renforcement des compétences, par exemple, peuvent mettre un certain temps avant d’engendrer des retours, mais leurs effets seront plus solides, dans le sens où les compétences acquises permettent ensuite une plus grande sécurité de revenu et une meilleure mobilité sociale.

Tant du point de l’offre que de la demande, la sécurité sociale entraîne une autonomisation. Le concept d’autonomisation économique – c’est-à-dire permettre aux individus de satisfaire leurs propres besoins et leur conception du bien-être – s’avère fondamental pour l’inclusion et la cohésion sociale, quelle qu’en soit la définition. Sans autonomisation économique, les individus se sentiraient difficilement inclus dans la société. C’est en effet grâce à l’autonomisation économique que la sécurité sociale élabore d’importants outils pour l’inclusion et la cohésion sociale. Un emploi rémunérateur et productif constitue la meilleure façon de concrétiser l’autonomisation économique. Ainsi, la sécurité sociale et l’emploi décent sont liés de manière étroite.

Des systèmes de sécurité sociale complets ne suffiront pas à eux seuls à renforcer la croissance inclusive et la cohésion sociale. Il existe diverses synergies politiques entre la sécurité sociale et l’emploi, ainsi qu’avec les soins de santé, la résilience climatique, l’éducation et la formation, les initiatives permettant le passage de l’école à la vie active et la création d’emplois, les stages et l’entrepreneuriat, la microfinance et l’aide aux nouvelles entreprises. L’identification de ces synergies et leur prise en compte entraîneront les retours sur investissement les plus élevés dans le domaine de la sécurité sociale. Pour y parvenir, la mise en pratique des politiques doit subir d’importantes améliorations. À cet égard, les avancées technologiques pourraient permettre de surmonter les vases clos institutionnels dans le secteur public, de manière à améliorer la coordination et l’intégration des politiques.

Sécurité sociale et synergies politiques

Les infrastructures institutionnelles qui sous-tendent la coordination et les actions de suivi jouent un rôle important pour harmoniser la mise en œuvre des politiques de sécurité sociale et celle des autres politiques publiques, et inversement. Il ne suffit pas, par exemple, que les régimes de sécurité sociale non contributifs identifient les participants au programme et leur proposent une formation à l’emploi. Les actions de suivi sont tout aussi importantes pour veiller à ce que les participants au programme parviennent à se servir des compétences acquises et à trouver du travail, et à ce que les offres d’emploi garantissent un emploi de meilleure qualité et plus sûr, des revenus plus élevés et, à terme, une mobilité sociale.

La coordination doit simplifier – et non compliquer – la mise en œuvre des politiques. Elle implique l’harmonisation des politiques et processus afin de les rendre similaires, logiques et interconnectés au sein des institutions et entre ces dernières. L’objectif poursuivi par la coordination, à savoir l’autonomisation économique qui encouragera ensuite l’inclusion et la cohésion sociale, doit être énoncé avec clarté. Les accords officiels conclus entre les institutions compétentes jetteront les bases pour déterminer les outils et normes qui régiront la façon dont la coordination sera mise en pratique, dans l’idéal de manière durable et à l’abri des caprices des partis politiques. Le partage des données sociales et les bases de données interopérables constituent d’importants outils pour la coordination des politiques, auxquels s’ajoute la définition d’un cadre d’interopérabilité, de normes, de rôles et de responsabilités ainsi que de tous les renseignements relatifs comme les accords de niveau de services, la sémantique des données, l’échange et la maintenance (voir AISS, 2019; BIT, AISS et DAES, 2021).

Des exemples provenant de pays de la région mettent en lumière les efforts déployés par les gouvernements et les organisations de la sécurité sociale afin de bâtir des synergies politiques, certaines s’appuyant sur de simples réseaux institutionnels et d’autres étant plus élaborées et de plus grande envergure.

En Australie, le ministère pour les Services aux personnes (Department of Human Services – DHS) a été créé en 2009 par le gouvernement à la suite de l’intégration de trois grandes agences séparées: Centrelink, Medicare et l’Agence pour les pensions alimentaires. En 2012, le DHS a développé myGov, qui offre un accès en ligne sécurisé à une série de services du gouvernement australien à un seul endroit. Le DHS a été renommé Services Australia en 2019, et a pour vision de «simplifier les services du gouvernement pour que les citoyens puissent continuer à vivre leur vie». Le Corporate Plan 2021–22 (Services Australie, 2021) désigne, entre autres, les partenariats solides avec de nombreuses autres agences publiques comme essentiels à la fourniture de services fluides, dans l’ensemble du gouvernement, à des bénéficiaires communs.

En Chine, les services communautaires de protection sociale – dont les deux composantes sont les politiques actives du marché du travail et l’accès à la protection sociale – permettent d’étendre la protection sociale à un grand nombre de personnes. Il s’agit de services publics communautaires créés grâce à des partenariats entre les secteurs public et privé, la société civile et des organisations non gouvernementales (ONG), qui relèvent de la supervision du gouvernement. Les politiques actives du marché du travail prennent la forme de services sociaux et à domicile, par exemple les soins médicaux et l’aide à domicile, ainsi que de services de soins et d’activités sociales afin d’aider les personnes âgées, les personnes handicapées et les enfants. Des formations professionnelles et des services d’aide au retour à l’emploi sont par ailleurs proposés. En outre, les services communautaires de protection sociale se chargent des services d’enregistrement à la sécurité sociale, de recouvrement des cotisations et de paiement des prestations. Le plan sur cinq ans (2016-2020) de la Chine prévoit l’extension des services communautaires de protection sociale en vue d’accroître les revenus et le niveau de consommation des ménages, d’atteindre la couverture universelle et de développer le secteur des services du pays (Ortiz, Schmitt et De, 2019).

En Inde, la législation de 2005 a mis sur pied le programme phare du pays sur l’emploi rural, le Mahatma Gandhi National Rural Employment Guarantee Act. En tant que programme de protection sociale prévoyant une garantie légale fondée sur les droits, il offre: au moins cent jours d’emploi garanti par an à chaque ménage situé en zone rurale dont les membres adultes se portent volontaires pour réaliser une activité manuelle non qualifiée; une allocation de chômage journalière si le demandeur ne reçoit aucune offre d’emploi dans les quinze jours suivant sa requête; et, si le salaire n’est pas versé dans les quinze jours suivant la fin de l’emploi, les travailleurs ont le droit de recevoir une compensation journalière correspondant à 0,05 pour cent des salaires perçus jusqu’au paiement effectif du salaire. Le programme protège des millions de citoyens indiens contre la pauvreté. En raison de la pandémie de COVID-19, le gouvernement a revu à la hausse les dispositions du programme quant au montant des allocations, aux taux de salaire et au niveau d’emploi dans le cadre des mesures de soutien adoptées (Accountability Initiative, 2021).

En 2018, l’Organisation de la sécurité sociale malaisienne a lancé son programme de synergie sociale, dont l’objectif consiste à renforcer de manière systématique et progressive la coordination des interventions de l’assurance sociale, de l’aide sociale et du marché du travail afin de résoudre les problèmes que sont la pauvreté, le désengagement vis-à-vis du programme et les doublons au niveau des prestations de sécurité sociale. La plateforme du programme de synergie sociale, intitulée MySynergySystem, repose sur une technologie blockchain grâce à laquelle les données sont partagées et gérées de manière saine et cohérente au sein des agences gouvernementales et des ONG, qui fournissent les aides et les prestations aux citoyens. Une gestion saine et cohérente des données partagées empêche la duplication des prestations et, entre autres, permet de suivre les progrès des participants au programme. Cette innovation est importante et constitue une étape majeure dans la lutte contre les vases clos et l’écosystème fragmenté de la sécurité sociale malaisienne.

En raison du climat naturel de la région, les Philippines sont en moyenne frappées par vingt typhons chaque année, dont cinq sont destructeurs. Pour le ministère du Travail et de l’Emploi (Department of Labour and Employment – DOLE), la gestion des risques liés aux catastrophes et au climat, la sécurité sociale et les politiques actives du marché du travail sont indissociables. Il propose par conséquent un emploi rémunéré à court terme ou un entrepreneuriat aux citoyens touchés par des catastrophes ou des chocs naturels. Il offre des possibilités d’emploi et d’entrepreneuriat aux travailleurs déplacés, défavorisés et au chômage, qui travaillent pour la plupart dans l’économie informelle. Des programmes bien conçus renforcent les capacités et créent des opportunités pour les populations pauvres et marginalisées. Les participants au programme suivent une formation sur la sécurité au travail et le DOLE leur verse le salaire en vigueur dans la région et les inscrit aux programmes de sécurité et d’assurance maladie du pays (Ortiz, Schmitt et De, 2019).

Domaines prioritaires de la sécurité sociale après la pandémie

Les décideurs politiques de la région Asie et Pacifique anticipent le travail qui les attend après la pandémie. Outre la nécessité de maintenir le versement des revenus d’urgence et les mesures d’emploi et d’incitation pour les entreprises, les gouvernements nationaux devront, dans un avenir proche, participer au dialogue social afin d’identifier les priorités dans le domaine de la sécurité sociale, de mobiliser l’espace fiscal et de nouer un contrat social visant à atteindre, au fur et à mesure, des programmes universels, que ce soit en améliorant les programmes existants ou en adoptant de nouveaux régimes.

Trois domaines prioritaires joueront un rôle fondamental dans ces discussions:

Des systèmes fiables pour définir les identités et assurer un soutien crucial. Les gouvernements de nombreux pays en développement de la région ont immédiatement pu tirer deux enseignements de la pandémie: la nécessité de savoir qui étaient les citoyens et où ils se trouvaient, ainsi que l’intérêt de disposer d’une infrastructure de fourniture efficace en vue d’étendre les aides cruciales. La pandémie a permis à nombre de pays de la région de créer des registres des citoyens sans couverture de sécurité sociale. Ces registres peuvent servir de point de départ aux gouvernements qui souhaitent identifier les groupes vulnérables et étendre la protection sociale à ces derniers.

En Inde, le système d’identification biométrique universel Aadhaar, qui a simplifié la fourniture des services sociaux et de bien-être pendant la pandémie de COVID-19, mérite d’être mentionné (Saini et Hussain, 2021). Développé en 2009, Aadhaar utilise les données biométriques personnelles, ce qui en fait un outil de dissuasion sécurisé et efficace contre les fausses identités et les identités fantômes. Parmi ses nombreuses fonctionnalités figurent: un système de contrôle grâce auquel les banques, les entreprises de télécommunications et les organismes publics peuvent vérifier l’identité d’un individu; une plateforme permettant l’envoi direct d’argent sur le compte bancaire des bénéficiaires; et un système servant à comparer les droits à l’égard des prestations avec les montants reçus.

L’inclusion et la connectivité numériques. L’enquête sur l’administration en ligne menée en 2020 par le DAES démontre une hausse du nombre de pays de la région Asie et Pacifique qui fournissent des services en ligne aux groupes vulnérables (DAES, 2020). Cette tendance positive vis-à-vis de l’inclusion numérique signifie que de plus en plus d’individus sont à même d’accéder aux services numériques de façon efficace. Malgré les mesures de quarantaine et de confinement prises en raison de la pandémie, une connectivité numérique fiable permet de garantir la disponibilité permanente d’une série de services en ligne, y compris la fourniture/l’obtention d’informations, l’envoi de demandes, la soumission de plaintes et de réclamations, et la réception/le versement de paiements. L’inclusion numérique et une connectivité fiable constituent des domaines prioritaires pour les pays où de nombreux citoyens demeurent exclus de l’environnement numérique et où Internet et les autres services numériques sont à la traîne par rapport aux besoins de la population.

La coordination interinstitutionnelle et les actions de suivi. La sécurité sociale n’est qu’un instrument politique parmi tant d’autres qui a pour but d’encourager l’autonomisation économique, l’inclusion et la cohésion sociale. En mettant en œuvre les politiques de sécurité sociale de façon isolée, nous passons à côté d’importantes synergies avec d’autres politiques sociales qui poursuivent les mêmes objectifs. La coordination interinstitutionnelle est cruciale pour identifier ces synergies. Surtout, le partage de données générera de nouvelles informations permettant de définir si les programmes mis en œuvre par différentes institutions concordent et sont similaires sur le terrain, de manière à mesurer, vérifier et améliorer l’efficacité des politiques dont l’objectif est d’aider les citoyens à sortir de leurs conditions vulnérables et à obtenir une sécurité de revenu. Sans coordination ni partage des données, les programmes de sécurité sociale continueront d’être évalués de manière individuelle et les synergies politiques demeureront sans gestion, voire seront inutilisées.

On ne saurait exagérer l’importance des données granulaires dans le suivi des progrès des participants aux programmes qui visent, par exemple, à renforcer les compétences favorisant l’employabilité, l’entrepreneuriat et l’activité productive. Ces informations se révèlent cruciales pour comprendre et contrôler l’efficacité de ces programmes ainsi que pour renforcer les actions de suivi qui font correspondre aux participants au programme un emploi rémunéré et, à terme, garantissent la sécurité de revenu et la mobilité sociale. Le partage des données des institutions publiques impliquées dans le cycle de renforcement des compétences dans son ensemble – depuis son financement par les organismes de sécurité sociale jusqu’à la formation, l’entrée sur le marché du travail, la recherche et la conservation d’un emploi – joue un rôle fondamental pour définir si les synergies de l’écosystème de sécurité sociale sont bel et bien identifiées. En parallèle, les défis qui se posent vis-à-vis de la sécurité et de la confidentialité en raison du partage des données doivent être relevés grâce à l’évolution des technologies de l’information et de la communication. Le secteur public a tant à gagner grâce aux bases de données interopérables.

Bonnes pratiques

Vers une couverture universelle et des socles de protection sociale universels

L’Indonésie a établi de nouvelles priorités en matière de dépenses et supprimé les indemnités pour le carburant, trop onéreuses. Le gouvernement a réussi à surmonter toute résistance politique face à ce changement en développant un régime d’indemnisation destiné aux familles à faible revenu, tout en œuvrant à l’extension de la protection sociale grâce à la promotion d’un système de soins de santé universel et à l’expansion de la couverture du régime de pension. Le pays a créé un espace fiscal pour ses programmes de protection sociale universels en supprimant les indemnités pour le carburant, trop onéreuses, en développant un régime d’indemnisation destiné aux familles à faible revenu, en créant un système de soins de santé universel et en étendant la couverture du régime de pension aux travailleurs des secteurs public et privé. Les régimes sont financés par les cotisations, et le gouvernement prend en charge les cotisations des populations pauvres et proches du seuil de pauvreté. La suppression des indemnités pour le carburant et l’augmentation des recettes tirées des cotisations représentent deux options que les pays peuvent adopter pour agrandir l’espace fiscal prévu pour la protection sociale.

La Mongolie possède une couverture d’assurance maladie universelle, qui prend en charge l’intégralité des cotisations des groupes vulnérables et des éleveurs. Le pays offre: une éducation générale universelle et gratuite; un programme d’aide à l’enfance universel pour tous les enfants âgés de 17 ans et moins, qui verse une allocation mensuelle d’environ 7 USD; un système d’alimentation des enfants en bas âge de 2 à 5 ans; une couverture d’assurance sociale universelle en cas de maladie, de maternité et d’accident du travail, dont les cotisations sont prises en charge par la sécurité sociale pour les éleveurs, les travailleurs indépendants et les travailleurs informels; des programmes de promotion de l’emploi, de retour au travail, de recyclage et de chômage; un système de pensions à trois piliers composé i) d’une pension de base universelle indexée en fonction du coût de la vie, ii) d’une couverture d’assurance sociale obligatoire pour les pensions, dont les cotisations sont prises en charge par la sécurité sociale pour les éleveurs, les travailleurs indépendants et les travailleurs informels, et iii) des plans de pension complémentaire; et un ensemble de services et prestations intégrés qui incluent un système de soins de longue durée pour les personnes âgées.

Source: Extraits provenant d’Ortiz, Schmitt et De (2019).

Autonomisation des femmes

La Jordanie a lancé Reaya en 2020. Administré par l’Institution de sécurité sociale (Social Security Corporation – SSC), Reaya est un programme de garde d’enfants pour l’autonomisation des femmes, qui vise à faciliter le retour au travail des femmes à la fin d’un congé de maternité.

En Jordanie, les femmes enregistrent un faible taux de participation à l’économie formelle. Des études révèlent que le fait de s’occuper des enfants et les responsabilités familiales figurent parmi les principales raisons qui forcent les femmes à quitter le marché du travail. Le manque de structures de garde d’enfants et le coût élevé des garderies compliquent la situation.

Le programme prévoit les prestations suivantes:

  • Programme de garde d’enfants fourni par les garderies. Les jeunes mères peuvent déposer leurs nourrissons dans des garderies agréées par la SSC. L’institution verse directement à la garderie une allocation de garde mensuelle en fonction du salaire mensuel de la mère assurée.
  • Programme de garde d’enfants à domicile. La SSC paie une indemnité mensuelle de 25 dinars jordaniens (JOD) pendant une période de six mois à la mère assurée qui décide de faire garder son enfant chez elle.
  • Soutien financier pour les garderies. La SSC prend en charge au maximum 50 pour cent des frais de fonctionnement des garderies agréées, pour un montant annuel maximal de 10 000 JOD. Cette indemnité couvre une partie des salaires des travailleurs de la garderie, de la location des bâtiments, du coût des bâtiments et des frais de maintenance.

Source: AISS (2021).

Bibliographie

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