Publication

Évolution des pratiques de gestion – Asie et Pacifique

Publication

Évolution des pratiques de gestion – Asie et Pacifique

Les institutions de sécurité sociale représentent une composante importante de l’administration publique et constituent un baromètre précieux pour les dirigeants d’un pays. C’est l’une des raisons pour lesquelles les administrateurs de la sécurité sociale doivent viser l’excellence dans l’administration des programmes de sécurité sociale.

Avant la pandémie de COVID-19, les technologies numériques étaient déjà de plus en plus utilisées pour offrir des services de sécurité sociale. En Asie et Pacifique, les administrateurs découvraient les multiples avantages de la transformation numérique: vitesse, commodité, sécurité et rentabilité, pour n’en citer que quelques-uns. Les investissements dans les ressources humaines et dans l’infrastructure des technologies de l’information et de la communication (TIC) ont fait de l’alliance entre l’humain et le numérique la nouvelle stratégie employée pour viser un niveau d’excellence encore plus ambitieux.

Le bien-fondé de cette stratégie a été confirmé par la pandémie et les mesures de confinement et d’isolement qui en ont résulté, les interactions physiques étant devenues un danger pour la santé publique. Le télétravail, les plateformes en ligne et les applications mobiles ont dans une large mesure supplanté les transactions sur support papier impliquant un contact physique. La pandémie a donc accéléré la mise en place de nouvelles pratiques de gestion alliant l’intelligence et les capacités humaines avec les technologies numériques.

Il est évident que une fois la pandémie terminée, les pratiques de gestion des institutions de sécurité sociale de la région comprendront à la fois des solutions reposant sur cette alliance et des approches conçues pour les personnes maîtrisant mal le numérique. Comme en témoignent de nombreuses bonnes pratiques, le client demeure au centre de toutes les innovations dans le champ de l’administration de la sécurité sociale, qu’il s’agisse des améliorations de la prestation des services, des initiatives visant à simplifier le respect des obligations contributives et le traitement des demandes de prestations, de l’offre de services numériques et de services impliquant une intervention humaine, de l’amélioration de la gestion des risques qui pèsent sur la viabilité des systèmes, de la coordination entre institutions ou encore de l’intégration des services de sécurité sociale.

L’objectif ultime consiste à améliorer en permanence l’expérience client et à offrir une protection sociale viable et axée sur l’usager. À mesure que la région Asie et Pacifique se relève de la crise, les institutions de sécurité sociale veillent à ce que personne ne soit laissé de côté dans le processus de transition vers la «nouvelle normalité».

Principaux messages

  • Une fois la pandémie terminée, les membres et bénéficiaires demeureront au centre de toutes les initiatives prises par la sécurité sociale en Asie et Pacifique. Les pratiques de gestion des institutions de sécurité sociale de la région comprendront à la fois des solutions reposant sur l’alliance de l’humain et du numérique et sur des approches spécialement conçues pour les personnes maîtrisant mal le numérique, de telle manière que personne ne soit laissé de côté dans le processus de transition vers la «nouvelle normalité».
  • La transformation numérique des institutions de sécurité sociale exige une approche à l’échelle de l’institution dans son ensemble. Un leadership et une vision claire sont indispensables, de même qu’une parfaite adéquation entre le plan stratégique de l’institution et ses ressources humaines et technologiques. La gestion du changement et la compréhension des besoins du personnel sont également essentielles pour obtenir une implication des ressources humaines et leur soutien pendant la transition et au-delà.
  • La commodité, la sécurité et l’autonomie qu’offrent les services en ligne et les solutions reposant sur l’alliance entre l’humain et le numérique ont porté les attentes du public à un niveau encore plus élevé. Lorsque la pandémie sera maîtrisée, la tentation de revenir aux modes de fonctionnement qui avaient cours avant sa survenue sera grandement tempérée par une population qui considère désormais la rapidité comme une dimension importante des programmes de sécurité sociale.
  • Les technologies numériques peuvent donner aux administrations de sécurité sociale la possibilité de prendre des décisions en s’appuyant sur des données. Le big data, l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique et l’analyse de données permettent de regrouper les informations et d’analyser d’énormes ensembles de données pour avoir une meilleure connaissance de tous les processus opérationnels, notamment pour renforcer la conformité et la prévention de l’erreur et de la fraude, offrir des services plus proactifs et améliorer l’expérience client.
  • La puissance analytique des technologies numériques offre un énorme potentiel en matière d’automatisation de la prise de décision. Néanmoins, ces décisions devront être soumises à un contrôle humain. Les technologies numériques renforcent certes la transparence de la gouvernance d’une institution de sécurité sociale, mais la responsabilité incombera toujours au conseil, à la direction et au personnel.
  • L’existence de plans de continuité et de restauration est essentielle aux niveaux technique et opérationnel. La résilience opérationnelle et la préparation aux catastrophes sont deux dimensions d’un même enjeu. La gestion des risques doit désormais intégrer les nouveaux risques découlant de la numérisation, depuis la défaillance des réseaux jusqu’aux problèmes de résolution et de compatibilité avec les navigateurs en passant par les questions de confidentialité des données, d’intégrité de l’information et de cybersécurité.

Facts & trends

<p>&nbsp;</p>

Figure 2. Number of Asia and the Pacific countries providing online services for vulnerable groups, 2016–2020

Access to online services: Mobile and home-based connectivity

Evolving management practices in Asia and the Pacific

Digital inclusion

Access to online services

Mobile connectivity – Access to the Internet

Stratégie et gouvernance

Stratégies de transformation numérique

Les institutions de la région ont exploité les possibilités offertes par les technologies numériques pour transformer de manière innovante l’environnement dans lequel elles remplissent leur mission. Elles ont notamment déployé une stratégie de transformation numérique de leurs processus opérationnels stratégiques et de la fourniture des services (AISS, 2019a; AISS, 2019b).

L’amélioration des services aux clients est souvent l’un des principaux objectifs de la transformation numérique. À titre d’exemple, la stratégie élaborée par le Fonds de pension d’Abou Dhabi, aux Émirats arabes unis, optimise l’expérience client grâce à une simplification des procédures. Les innovations, la numérisation et l’automatisation des processus internes augmentent la productivité du personnel, raccourcissent les délais de réponse et sont source d’excellence opérationnelle et de satisfaction des clients. De même, la stratégie de transformation numérique de l’Institution de sécurité sociale de la Jordanie a pour but d’améliorer la qualité des services, qui plus est dans un contexte d’augmentation du nombre d’employeurs et d’assurés. Elle comprend 26 projets axés sur le développement de l’infrastructure, l’investissement dans les ressources humaines, la réponse aux attentes des bénéficiaires des services et l’établissement de partenariats pour offrir des services électroniques de bout en bout.

À travers son plan stratégique 2021-2025, l’Organisation de la sécurité sociale de l’Iran entend tirer parti de l’interconnectivité pour réaliser des avancées dans les domaines du dialogue culturel, de la sensibilisation du public, de la gestion des ressources humaines, de la sécurité sociale numérique et de la gestion des investissements.

D’autres institutions, par exemple l’Office des pensions publiques d’Arabie saoudite, créent des bureaux de la transformation numérique chargés de gérer le déroulement de cette transformation en l’envisageant comme un cycle complet, comprenant de bonnes pratiques, des cadres et des normes internationales.

Gestion des risques pour la viabilité

Il est fondamental de veiller à ce que le financement soit suffisant pour fournir les prestations et services promis aux membres. De ce point de vue, garantir la viabilité financière des programmes administrés et l’équilibre entre les recettes tirées des cotisations et des investissements et les dépenses de prestations constitue un défi essentiel.

Le Fonds de pension d’Abou Dhabi, aux Émirats arabes unis, cherche à attirer l’attention des parties prenantes sur l’impact de la prise en compte rétroactive aux fins de pension des salaires des personnes qui ont accompli une carrière longue, cette mesure entraînant des coûts supplémentaires qu’il importe de financer. Il renforce également ses capacités actuarielles internes.

De nouvelles dispositions législatives permettent au Fonds national de prévoyance de Fidji d’améliorer sa gestion de la solvabilité en créant un service actuariel et en renforçant ainsi ses capacités et sa gouvernance actuarielles.

En République populaire de Chine, le ministère des Ressources humaines et de la Sécurité sociale a pris depuis 2016 diverses mesures pour confier les investissements à des gestionnaires de fonds placés sous son contrôle, ce qui s’est traduit par de meilleurs rendements. À Oman, l’Autorité publique d’assurance sociale a élaboré et applique un système d’évaluation des risques assurant que le profil de risque choisi et le rendement net du portefeuille d’investissements garantissent la viabilité financière du régime. Le cadre et la méthode employés font appel à des indicateurs tels que le ratio de Sharpe, la valeur en risque et l’écart dans l’allocation d’actifs.

Recouvrement des cotisations et conformité

Le recouvrement des cotisations et la conformité revêtent une importance capitale pour les régimes de sécurité sociale contributifs. Les processus de recouvrement des cotisations ont été sensiblement améliorés à Oman, aux Philippines et en Arabie saoudite.

À Oman, l’Autorité publique d’assurance sociale a créé plusieurs moyens de paiement électronique et des mécanismes de rapprochement automatique pour faciliter le recouvrement des cotisations, lequel s’effectue actuellement par l’intermédiaire de sociétés de recouvrement, de comptes virtuels, de machines de remise de chèques à distance et de passerelles de paiement. L’Institution d’assurance maladie des Philippines (PhilHealth) est engagée dans un processus de numérisation reposant sur un système électronique de paiement des cotisations (Electronic Premium Remittance System – EPRS). L’objectif est d’éliminer les opérations manuelles liées aux cotisations, de réduire la fraude et les problèmes au niveau du rapprochement et d’économiser les ressources qui étaient consacrées au traitement des procédures manuelles, à commencer par le temps passé par le personnel. En Arabie saoudite, l’Organisation générale de l’assurance sociale a entrepris de simplifier le recouvrement des cotisations dues par les petites et moyennes entreprises (PME). Elle a en particulier mis au point la plateforme Mudad, un système de gestion de la paie reposant sur une solution en nuage qui permet aux PME de gérer plus facilement les salaires et de se conformer au système de protection des salaires (Wage Protection System – WPS). Les PME peuvent se connecter à la plateforme par l’intermédiaire de guichets uniques, qui leur permettent d’accéder à l’intégralité des institutions financières et organismes publics dont elles ont besoin. Depuis son lancement mi-2020, Mudad a enregistré plus de 21 000 000 de visites, exécuté plus de 700 000 opérations, traité des salaires représentant au total plus de 800 000 000 de riyals saoudiens (SAR) et permis à plus de 60 000 PME de se conformer au WPS.

Le contrôle de la conformité est une fonction à la fois essentielle et complexe, que les institutions de l’Indonésie et de l’Arabie saoudite ont décidé d’améliorer. En Indonésie, l’Institution de sécurité sociale pour le secteur de la santé (BPJS Kesehatan) a lancé Compliance Express for Companies (CoEx), une solution innovante qui raccourcit le temps nécessaire à la vérification du respect des obligations contributives. En 2020, CoEx a effectué 48 000 vérifications et permis de recouvrer 93 millions de dollars (USD) de recettes de cotisations supplémentaires. MONIBU, une application en ligne, améliore le contrôle de la conformité en facilitant l’analyse des déclarations mensuelles soumises par les employeurs. En Arabie saoudite, pour renforcer ses capacités institutionnelles, l’Office des pensions publiques a créé un service de la conformité indépendant qui a pour mission d’aider le conseil à exercer une surveillance sur la fonction de conformité, y compris de définir les rôles et attributions de la direction, et de renforcer les politiques, procédures et mécanismes de contrôle en place pour améliorer le respect des obligations.

Améliorer la fourniture des services

Numérisation des services aux clients

La transformation numérique permet la mise à disposition de diverses applications en ligne et de guichets uniques numériques qui ont tous pour but d’accroître la satisfaction des clients et de fournir des services sécurisés dans le contexte de la pandémie. Ces évolutions ont aussi pour effet de renforcer l’autonomie et l’implication du personnel des institutions de sécurité sociale.

En Jordanie, l’Institution de sécurité sociale a créé une agence du numérique chargée du suivi de toutes les transactions et de toutes les tâches en lien avec la réception, le calcul, le paiement et l’exécution des transactions, qui sont ainsi centralisées au lieu d’être transférées à différentes agences.

En République de Corée, le Service national d’assurance maladie a introduit un système électronique qui permet aux établissements de soins de soumettre en ligne des demandes de prothèses et d’implants dentaires. Ce système facilite la vie des patients, en particulier des personnes âgées, qui n’ont plus besoin de se déplacer ou d’envoyer les formulaires par courrier. Par ailleurs, l’Office national des pensions coréen est doté d’un système de consultation numérique qui, entre autres, convertit en documents numériques électroniques divers rapports et formulaires qui étaient auparavant demandés aux clients. Ces deux initiatives sont des exemples de service «untact» (sans contact), une tendance qui est en vogue en Corée et qui est révélatrice des caractéristiques de la «nouvelle normalité» qui s’impose à mesure que le pays sort de la crise provoquée par la COVID-19.

À Singapour, le conseil du Fonds central de prévoyance a lancé la première interface totalement numérique du pays. Cette interface permet aux membres de désigner un bénéficiaire en ligne au lieu de le faire de manière manuscrite comme c’était le cas auparavant. En 2020, la moitié des désignations de bénéficiaires ont été effectuées en ligne, ce qui, selon les calculs du conseil du Fonds central de prévoyance, a permis aux membres de gagner environ 130 000 heures. De plus, les membres ont ainsi pu désigner leurs bénéficiaires malgré la fermeture des agences pendant la pandémie de COVID-19.

L’Institution de la sécurité sociale du Viet Nam a récemment lancé l’application VssID dans le cadre de l’écosystème numérique qu’elle met en place à destination de ses membres. Cette application permet d’accéder à de nombreux services en ligne, notamment aux relevés de cotisations et de prestations des membres pour les branches retraite, santé et chômage, de même que de bénéficier d’un accompagnement par l’intermédiaire de chatbots vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept.

Les institutions du monde entier font appel à l’intelligence artificielle pour améliorer les services fournis aux clients. En Malaisie, le Fonds de prévoyance des salariés (Employees Provident Fund – EPF) a lancé ELYA (pour EPF Loves You Always), premier chatbot bilingue utilisant l’intelligence artificielle et le traitement du langage naturel et reposant sur un système de messagerie instantanée. Il a également créé i-Invest, une plateforme numérique en libre-service qui permet aux membres de gérer leurs investissements sans avoir à passer par des intermédiaires. Ces initiatives s’inscrivent dans le cadre de la démarche de numérisation en cours.

D’autres projets ont pour but d’améliorer la qualité des services dans certains domaines en particulier. Au Koweït, l’Institution publique de sécurité sociale a remplacé le retrait de documents en présentiel par un mécanisme de vérification par QR Code qui permet aux utilisateurs de retirer des certificats et autres documents de manière électronique grâce à un smartphone ou à un ordinateur. En République islamique d’Iran, pour accroître la satisfaction des retraités et se conformer aux normes internationales, le Fonds de pension de la fonction publique a créé à l’intention de ses bénéficiaires un centre de communication qui utilise un système reposant sur le référentiel ITIL pour gérer les demandes des membres et bénéficiaires. Le maintien des interactions entre les membres du personnel pendant la pandémie a constitué une préoccupation majeure. Aux Émirats arabes unis, le Fonds de pension d’Abou Dhabi a mis en place un canal de communication sociale interne pour renouer le dialogue avec les salariés et pour entretenir les relations sociales et l’esprit d’équipe pendant la crise.

Renforcement des services aux clients faisant appel à l’intervention humaine

En dépit des progrès technologiques, l’intervention humaine reste indispensable.

L’Agence coréenne pour la santé et la sécurité au travail possède huit centres de traumatologie du travail proposant des services pour aider les personnes directement ou indirectement victimes d’un traumatisme à trouver une stabilité, afin de favoriser leur retour au travail et de les orienter vers des soins médicaux en cas de nécessité.

Au Japon, la Fédération des associations de juristes du travail et de la sécurité sociale continue de proposer les services de sharoushi, des juristes dont la profession est reconnue par le ministère de la Santé, du Travail et de la Protection sociale et qui sont des experts en sécurité sociale et relations du travail.

En Jordanie, l’Institution de sécurité sociale dispose d’un centre d’appels unique qui oriente les membres ne formulant pas leur demande par voie électronique vers des numéros de téléphone où ils pourront obtenir de l’aide. Ce service est assuré par une équipe pluridisciplinaire et avec le concours actif de tous les partenaires concernés.

Pour resserrer les liens des clients avec les employeurs et les partenaires sociaux, l’Organisation de la sécurité sociale d’Iran met en place, dans les nouveaux établissements, des centres physiques de renseignement qui fournissent des informations sur son fonctionnement.

Tirer parti de la coordination entre institutions

La simplification des services aux citoyens est l’un des principaux avantages de la coordination des services de sécurité sociale. Parmi les autres avantages figurent une amélioration importante de l’efficience institutionnelle, la spécialisation, la réduction des coûts et la possibilité de fournir plus de services à moindre de coût, et surtout l’élimination des doublons au niveau des tâches et des services (BIT, AISS et UN-DESA, 2021).

La coordination interinstitutionnelle se traduit par une amélioration des services aux clients dans plusieurs pays. À Oman, le Fonds de pension des employés du service civil a mis à niveau et amélioré son système central d’information sur les retraites en l’intégrant et en le reliant aux systèmes d’autres administrations publiques. Il est ainsi devenu possible de collecter et de partager des informations pour le recouvrement des cotisations, pour l’information sur l’état civil des pensionnés et cotisants et pour certaines fonctions interinstitutionnelles. Le fonds possède également un système de paiement électronique reposant sur une plateforme d’intégration entre organisations (B2B) qui automatise le paiement des pensions et des fournisseurs, permet d’effectuer les rapprochements et des prélèvements automatiques grâce à son intégration directe avec les systèmes du fonds.

En République de Corée, la connectivité des données de l’Office national des pensions avec celles d’institutions publiques telles que la Cour suprême et l’Institut de télécommunication et de compensation financière permet de déposer une demande de pension à travers un service «sans contact, sans papier et sans attente». On estime à 490 000 par an le nombre de nouveaux demandeurs qui n’ont plus à effectuer de demandes manuelles. En outre, l’Office national des pensions économise environ 500 millions de wons (KRW) chaque année au titre de la délivrance de documents imprimés et réduit de 3,9 tonnes ses émissions de carbone.

Les dossiers électroniques permettent de simplifier le fonctionnement institutionnel et la collaboration interinstitutionnelle. En Indonésie, depuis 2014, l’Institution de sécurité sociale pour le secteur de la santé (BPJS Kesehatan) utilise un système d’information numérique qui enregistre de manière électronique les données relatives aux soins primaires (aux orientations). Le traitement des documents papier prenait beaucoup de temps et le pourcentage de prestataires de soins primaires qui les présentaient dans les délais requis ne dépassait pas 30 pour cent. L’application P-Care a simplifié le processus et permet d’économiser 151 000 USD par mois. Un système d’archivage numérique assure la gestion de la correspondance échangée entre institutions, enregistre automatiquement les fichiers et effectue un suivi numérique des documents, ce qui permet une coordination plus rapide et de meilleure qualité.

Pour que des systèmes coordonnés entre institutions soient efficaces, des identifiants personnels communs doivent être attribués. En Inde, le Fonds de prévoyance des salariés a introduit le «numéro de compte universel», un numéro unique à 12 chiffres attribué à chacun de ses membres. Ce numéro regroupe tous les numéros d’identification personnels qu’une personne peut avoir en raison de son affiliation à différents organismes. Il offre un accès intégral à tous les services en ligne, permet aux membres d’accéder à des solutions en libre-service et à une plateforme qui évolue et répond aux besoins de plus de 60 millions de membres. Le coût administratif de la gestion du fonds a sensiblement diminué, puisqu’il ne représente plus que 0,5 pour cent des salaires contre 1,10 pour cent auparavant.

Les plateformes permettant une mutualisation des services constituent la stratégie la plus efficace pour proposer des services coordonnés. En Arabie saoudite, l’Office des pensions publiques a mis en place une plateforme numérique (Mithaq) par l’intermédiaire de laquelle les administrations publiques lui fournissent des données sur les cotisants et leur situation professionnelle. Un certificat de conformité est émis pour attester l’engagement des administrations impliquées à fournir des données selon les règles définies par l’Office des pensions publiques.

En République de Corée, le Service national d’assurance maladie a regroupé les systèmes de recouvrement des cotisations de cinq grands régimes administrés par trois institutions différentes. Ce regroupement a permis d’unifier les systèmes de notification, de recouvrement et de contrôle de la conformité et a sensiblement amélioré l’efficacité et l’efficience du recouvrement des cotisations de sécurité sociale et du contrôle de la conformité.

En Malaisie, l’Organisation de la sécurité sociale a créé le programme de synergie sociale (Social Synergy Programme – SSP). Première plateforme de sécurité sociale du pays, elle fonctionne comme un guichet unique regroupant les organismes qui fournissent des prestations de sécurité sociale. Une plateforme TIC (MySynergy System) reposant sur la technologie de la blockchain assure une gestion des données qui empêche de payer deux fois les mêmes prestations et permet de savoir où en est chaque bénéficiaire. Cette innovation a pour but de remédier au cloisonnement des institutions et à la fragmentation de l’écosystème de sécurité sociale malaisien.

Vers une sécurité sociale reposant sur les données

Les institutions de sécurité sociale de la région Asie et Pacifique utilisent des tableaux de bord, le big data, l’analyse avancée et l’intelligence artificielle à l’appui des processus de prise de décision (AISS, 2019b).

En Indonésie, BPJS Kesehatan a créé un système de suivi des audits (MONTILA) pour renforcer le contrôle interne et suivre directement la mise en œuvre des recommandations des audits. En 2020, MONTILA a recouvré plus de 17 millions d’USD sur la base des conclusions des audits. L’institution est également dotée d’un système d’apprentissage automatique qui vérifie les dossiers avant la réalisation des paiements, remplaçant ainsi les méthodes rétrospectives de détection de la fraude. Ce système a déjà permis de détecter 29 990 cas de fraude potentielle représentant près de 42 millions d’USD.

En Australie, face à une série de crises provoquées par une sécheresse généralisée, des feux de brousse, des inondations et la pandémie mondiale, Services Australia a rapidement créé un service de traitement automatisé (Straight Through Processing – STP) qui sert les prestations en respectant quatre règles d’or: le bon montant doit être versé à la bonne personne, par le bon programme et à partir de la bonne date. D’après un contrôle d’assurance qualité rigoureux effectué au moyen de méthodes statistiques et d’analyses reposant sur les données, 99 pour cent des versements effectués sont exacts (Services Australie, 2021).

L’Office coréen de protection et d’indemnisation des travailleurs a mis au point un système intelligent de recommandations en matière de réadaptation (Intelligent Rehabilitation Recommendation System – IRRS), un système fondé sur l’intelligence artificielle qui analyse des données massives sur les accidents du travail et l’emploi et conçoit des services personnalisés pour les travailleurs victimes d’accidents du travail en s’appuyant sur des données scientifiques. Pour mettre au point l’IRRS, l’office a créé un indicateur de vulnérabilité en s’appuyant sur 98 millions de données issues de dossiers de case management et en utilisant la méthode du filtrage basé sur des règles et celle du raisonnement à partir de cas (case-based reasoning – CBR). Les brevets correspondants sont en cours de préparation.

En République de Corée, face à la pandémie de COVID-19, le Service national d’assurance maladie utilise le big data pour aider l’Agence coréenne de prévention et de contrôle des maladies à mettre en place un système garantissant une prise en charge efficace des patients et une gestion rationnelle des ressources hospitalières sur la base de l’anamnèse du patient, de ses symptômes et de la gravité de ses comorbidités.

Bonnes pratiques

Vers une administration fondée sur les données

En République de Corée, les institutions de sécurité sociale se sont beaucoup mobilisées pour utiliser des technologies intelligentes afin d’améliorer les services de sécurité sociale et l’efficacité des programmes. Elles tirent parti de l’infrastructure du big data et, parallèlement, créent les capacités technologiques pour l’utiliser.

La pandémie de COVID-19 a fait naître de sérieuses inquiétudes quant au risque d’effondrement du système de santé du pays. Le nombre insuffisant d’hôpitaux publics a été perçu comme une réelle menace pour la stabilité du système d’assurance maladie. Pour gérer avec efficacité les capacités hospitalières, le Service national d’assurance maladie a utilisé le big data afin d’analyser les données médicales recueillies concernant l’historique des traitements suivis par les patients, les bilans de santé et les soins de longue durée reçus. L’analyse a plus particulièrement concerné 15 maladies chroniques. Ces informations ont permis de répartir les patients en fonction du degré de risque et d’améliorer ainsi la prise en charge et la gestion des ressources.

Par ailleurs, l’Office coréen de protection et d’indemnisation des travailleurs favorise le retour au travail des travailleurs victimes d’un accident du travail. Il protège les ressources humaines du pays à la manière d’un filet de sécurité. Son activité ayant augmenté au fil des années et pour renforcer l’efficacité de ses programmes de réadaptation, l’office a mis au point l’IRRS, qui fait appel à l’intelligence artificielle pour analyser des données massives sur les accidents du travail et l’emploi. Il se concentre sur ceux, parmi les salariés victimes d’un accident du travail, qui ont besoin d’être actifs et conçoit pour eux des services de réadaptation personnalisés en s’appuyant sur des données scientifiques. En décembre 2020, il a été reconnu comme le meilleur programme fournissant un service public par le Centre coréen pour une société de l’information intelligente.

L’acquisition de données de haute qualité et l’utilisation de systèmes basés sur le big data ont joué un rôle décisif, de même que les investissements dans les ressources humaines, le professionnalisme, le sens des responsabilités du personnel et la qualité des services.

Source: AISS (2020).

Développer les services reposant sur l’intervention humaine pour améliorer la qualité des services

Beaucoup d’institutions gèrent des programmes sociaux et des services spécialisés destinés aux citoyens et ont souvent besoin d’experts qualifiés et d’équipes pluridisciplinaires pour prendre en compte la dimension humaine des situations, de même que pour favoriser l’instauration d’un environnement de travail décent.

L’Organisation de la sécurité sociale d’Iran met sur pied des formations sur mesure et des consultations sur site avec les employeurs pour apporter des réponses à leurs questions et problèmes, ainsi que pour renforcer l’implication et la satisfaction des employeurs et des partenaires sociaux.

À Singapour, le conseil du Fonds central de prévoyance redéfinit sa relation avec les citoyens, espérant être considéré comme un «partenaire digne de confiance» plutôt que comme un simple prestataire de services publics. Il a ainsi mis en place le protocole de gestion des demandes rejetées (Rejected Appeals Management Protocol – RAMP) pour apporter une aide aux membres qui demandent à retirer prématurément leur épargne-retraite en raison de difficultés financières temporaires et dont la demande est rejetée. À travers le RAMP, le conseil du Fonds central de prévoyance a créé dix protocoles d’orientation avec 33 organismes proposant diverses formes d’aide en cas de difficultés temporaires. Au sein de son personnel, des conseillers connaissant ces autres formes d’aide travaillent en amont avec les organismes publics qui les proposent de manière à rechercher des solutions permettant d’éviter aux membres d’épuiser prématurément leur épargne-retraite. Le succès de cette initiative est principalement dû à une bonne compréhension des besoins des membres et à une évaluation en continu de leur satisfaction vis-à-vis du système RAMP. Les conseillers qui participent à sa mise en œuvre peuvent entretenir un dialogue direct en s’appuyant à la fois sur des outils numériques et sur des moyens de communication traditionnels.

Source: AISS (2020).

Bibliographie

AISS. 2019a. Lignes directrices de l’AISS en matière de bonne gouvernance. Genève, Association internationale de la sécurité sociale.

AISS. 2019b. Appliquer les technologies émergentes dans le domaine de la sécurité sociale. (Rapport de synthèse 2017-2019). Genève, Association internationale de la sécurité sociale.

AISS. 2020. Base de données AISS des bonnes pratiques. Genève, Association internationale de la sécurité sociale.

OIT; AISS; UNDESA. 2021. Governance of social protection systems: a learning journey – Module #1: Coordination. Genève, Bureau international du travail.

Services Australie. 2021. Working together to improve customer experience and payment integrity: Claim Automation/Straight Through Processing. Canberra.

UNDESA. 2020. United Nations E-Government Survey 2020: Digital government in the decade of action for sustainable development. New York, NY, Nations Unies – Département des affaires économiques et sociales.

UIT. 2020. Measuring digital development: Facts and figures 2020. Genève,Union internationale des télécommunications.